en bref

Les frais exigés à l'occasion de l'utilisation d'une carte de crédit pour effectuer un paiement en devises étrangères ne sont pas des frais de crédit visés par l'article 70 de la Loi sur la protection du consommateur.

Les frais de conversion perçus par les banques à l'occasion de l'utilisation d'une carte de crédit pour effectuer un paiement en devises étrangères ne sont pas des frais de crédit au sens de la Loi sur la protection du consommateur.

 Même si le prêt d'argent fait partie des activités bancaires, l'obligation de mentionner certains frais accessoires à un type de crédit à la consommation, prévue à la Loi sur la protection du consommateur, ne porte pas atteinte à l'exercice de la compétence fédérale qui permet de légiférer en matière de prêt bancaire.

 L'article 55 C.P.C. doit être interprété de manière à favoriser le résultat qui répond le mieux aux objectifs des recours collectifs; en l'espèce, les représentants ont le statut pour poursuivre toutes les banques.

 La Cour suprême casse l'arrêt de la Cour d'appel du Québec qui avait annulé les dommages punitifs auxquels des banques avaient été condamnées en première instance; le mode de recouvrement d'un recours collectif ne fait pas partie des facteurs qui doivent être analysés pour déterminer l'opportunité d'une condamnation à des dommages punitifs.

 

Résumé de l'affaire

Pourvois à l'encontre d'un arrêt de la Cour d'appel du Québec ayant infirmé en partie un jugement de la Cour supérieure. Les pourvois interjetés par la Banque de Montréal, Citibanque Canada, la Banque Toronto Dominion et la Banque Nationale du Canada sont rejetés; celui interjeté par Marcotte et Laparé est accueilli en partie.

Des consommateurs ont intenté un recours collectif pour obtenir le remboursement des frais de conversion imposés sur les opérations par carte de crédit en devises étrangères par plusieurs institutions émettrices de telles cartes (les «banques») au motif que ces frais contrevenaient à la Loi sur la protection du consommateur. Les banques ont fait valoir les arguments suivants: (1) les représentants n'avaient pas une cause d'action directe contre chacune des banques et n'avaient donc pas le statut pour poursuivre l'ensemble de celles-ci; (2) elles étaient soustraites à l'application de la loi en raison de la Loi constitutionnelle de 1867; et (3) elles n'étaient pas tenues au remboursement des frais de conversion. La Cour supérieure a accueilli le recours collectif et conclu que la Loi sur la protection du consommateur s'appliquait aux banques. Selon elle, les frais de conversion étaient des «frais de crédit» dans le cadre des contrats de crédit variable et a ordonné à toutes les banques de les rembourser. Elle a de plus condamné BMO, BNC, Citibanque, TD et Amex (les «banques du groupe A») à verser des dommages-intérêts punitifs pour avoir omis d'indiquer les frais de conversion. La Cour d'appel a conclu que les frais de conversion constituaient du «capital net» et a accueilli l'appel des banques n'appartenant pas au groupe A. Elle a confirmé l'ordonnance défavorable aux banques du groupe A, mais a annulé la condamnation aux dommages-intérêts qui avait été prononcée contre Amex ainsi que la condamnation aux dommages-intérêts punitifs prononcée contre l'ensemble des banques du groupe A, sauf TD.

 

résumé de la Décision

  1. les juges Rothstein et Wagner: Les représentants ont le statut pour poursuivre toutes les banques. La loi permet le recours collectif lorsque le représentant n'a pas une cause d'action directe contre chaque défendeur ou un lien de droit avec chacun d'eux. En fait, l'article 55 du Code de procédure civile (C.P.C.), qui exige du demandeur un «intérêt suffisant» dans l'action, doit être interprété en harmonie avec les dispositions relatives aux recours collectifs et conformément au principe de la proportionnalité énoncé à l'article 4.2 C.P.C. Ce raisonnement a été adopté dans la plupart des autres juridictions canadiennes et est conforme à l'économie du Code de procédure civile; il prévient le gaspillage des ressources judiciaires et l'accès à la justice et évite le risque de jugements contradictoires sur une même question de droit ou de fait. De plus, l'analyse de la question de savoir si les demandeurs ont le statut doit aboutir au même résultat qu'elle soit entreprise à l'étape de l'autorisation du recours collectif ou après, parce que, dans un cas comme dans l'autre, le tribunal doit tenir compte des critères d'autorisation énoncés à l'article 1003 C.P.C.

Différentes obligations s'appliquent selon que l'on qualifie les frais de conversion de frais de crédit ou de capital net. Conformément à la Loi sur la protection du consommateur, si les frais de conversion sont des frais de crédit, ils doivent être mentionnés à part et entrer dans le calcul du taux de crédit indiqué, et un délai de grâce s'applique. Si les frais de conversion sont du capital net, ils n'entrent pas dans le calcul du taux de crédit, et le délai de grâce ne s'applique pas, mais ils doivent quand même être mentionnés en application de l'article 12 de la loi, qui prévoit généralement ce qui doit l'être. En l'espèce, les frais de conversion constituent une somme pour laquelle le crédit est effectivement consenti au sens où il faut l'entendre pour l'application de l'article 68 de la loi, et il vaut mieux les assimiler au capital net. Ils n'entrent dans aucune des catégories énumérées à l'article 70 de la loi. Assimiler les frais de conversion aux frais d'administration ou commissions visés aux articles 70 d) et f) de la loi, et donc aux frais de crédit, ne permettrait pas que soient atteints les objectifs de la Loi sur la protection du consommateur en rétablissant l'équilibre entre les commerçants et le consommateur ou en améliorant la capacité du consommateur à faire des choix éclairés. Les commerçants devraient alors mentionner une large fourchette de taux de crédit,,, ce qui ne ferait qu'ajouter à la confusion des consommateurs,,, ou faire payer à tous les titulaires de cartes, à leur insu, les services accessoires que seuls certains utilisent, ce qui n'avantagerait que certains consommateurs au détriment d'autres et empêcherait les consommateurs de faire des choix éclairés. Comme aucune de ces formules ne bénéficie au consommateur et que les articles 17 de la loi et 1432 du Code civil du Québec disposent qu'en cas de doute ou d'ambiguïté le contrat doit être interprété en faveur du consommateur, les frais de conversion ne sauraient être assimilés à des frais de crédit. De plus, les frais de conversion ne constituent pas une somme que le consommateur doit payer en vertu du contrat pour avoir accès au crédit au sens de l'article 69 de la loi. En fait, il s'agit de frais additionnels pour un service optionnel auquel l'accès au crédit n'est pas subordonné.

La doctrine de l'exclusivité des compétences ne s'applique pas. Les articles 12 et 272 de la loi, qui concernent la mention des frais et les recours possibles en cas de manquement à ces obligations, n'entravent pas la compétence fédérale sur les banques. Bien que le prêt d'argent, au sens large, appartienne au contenu essentiel des opérations des banques, on ne peut prétendre que l'obligation de mentionner certains frais accessoires à un type de crédit à la consommation entrave ou porte une atteinte importante à l'exercice de la compétence fédérale qui permet de légiférer en matière de prêt bancaire.

La doctrine de la prépondérance fédérale ne s'applique pas non plus. Si l'on présume que l'un des objectifs de la Loi sur les banques est l'établissement de normes nationales exclusives, on ne peut conclure que les articles 12 et 272 de la Loi sur la protection du consommateur empêchent la réalisation de cet objectif ou y nuisent, parce qu'ils n'établissent pas de normes applicables aux produits et services bancaires offerts par les banques. Ces dispositions établissent plutôt une norme contractuelle analogue aux règles de fond en matière contractuelle établies par le Code civil du Québec. De telles règles ne sauraient empêcher la réalisation de l'objectif fédéral qui consiste à établir des normes complètes et exclusives, et les règles générales sur la mention des frais et les recours qui s'y rattachent appuient le régime fédéral; elles ne lui nuisent pas. En outre, les articles 12 et 272 de la loi ne sont pas incompatibles avec les articles 16 et 988 de la Loi sur les banques et n'empêchent donc pas la réalisation de l'objectif fédéral plus étroit qui vise à éviter l'annulation du contrat bancaire même si une banque contrevient à son obligation de mentionner les frais. Les demandeurs sollicitent la restitution des frais de conversion et des dommages-intérêts punitifs, et non l'annulation de leurs contrats ou des clauses précises en litige.

Les banques du groupe A ont contrevenu à l'article 12 de la Loi sur la protection du consommateur en ne mentionnant pas les frais de conversion. Cette violation n'est pas liée aux modalités de paiement ni au calcul ou à l'indication des frais ou du taux de crédit, qui sont expressément visés par l'article 271 de la loi. Il s'agit d'une violation de fond qui va à l'encontre de l'objectif de la loi visant à permettre aux consommateurs de faire des choix éclairés, et qui résulte, à tout le moins, d'un comportement d'ignorance ou d'insouciance. L'article 272 de la loi s'applique et il convient d'accorder la réduction des obligations des titulaires de cartes correspondant au montant des frais de conversion imposés pendant les périodes où ils n'étaient pas indiqués. Vu la présomption absolue de préjudice applicable aux cas de violation ouvrant droit aux réparations prévues à l'article 272, la compétitivité des frais de conversion imposés n'a aucune importance.


Dernière modification : le 19 septembre 2014 à 20 h 17 min.