La Dépêche

PROTECTION DU CONSOMMATEUR :  L'article 214.8 de la Loi sur la protection du consommateur est constitutionnellement valide, applicable et opérant à l'égard de Bell Canada, tandis que les articles 11.2, 11.3, 13, 214.2 et 214.7 le sont à l'égard de Telus Communications inc.

CONSTITUTIONNEL (DROIT) : La juge d'appel n'a pas commis d'erreur en concluant que les articles 11.2, 11.3, 13, 214.2, 214.7 et 214.8 de la Loi sur la protection du consommateur sont valides sur la base du partage des compétences.

COMMUNICATIONS : Les articles 11.2, 11.3, 13, 214.2, 214.7 et 214.8 de la Loi sur la protection du consommateur sont constitutionnellement valides, applicables et opérants à l'égard d'entreprises de télécommunications.

 

Résumé

Appels d'un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie des appels d'acquittement. Les appels de Telus Communications inc. et de Bell Canada sont rejetés et ceux du procureur général du Québec (PGQ) et du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) sont accueillis.

 

Telus et Bell, des entreprises de télécommunication assujetties à la réglementation fédérale, ont été accusées d'avoir contrevenu à certaines dispositions de la Loi sur la protection du consommateur, qui prévoit le contenu des contrats de services à exécution successive fournis à distance. Les infractions auraient été commises entre novembre 2012 et mai 2013 dans le cas de Telus et en février 2015 en ce qui concerne Bell. Les 2 entreprises ont contesté la validité constitutionnelle des articles 11.2, 11.3, 13, 214.2, 214.7 et 214.8 de la loi.

 

Le juge de la Cour du Québec leur a donné raison en s'appuyant exclusivement sur les doctrines de l'exclusivité des compétences et de la prépondérance fédérale. Il a déclaré les dispositions litigieuses inapplicables à Telus et à Bell, mais sans jamais statuer sur leur caractère véritable ni leur rattachement à une compétence constitutionnelle. La juge de la Cour supérieure a accueilli en partie l'appel du PGQ et du DPCP. Elle a déclaré les dispositions attaquées intra vires de la compétence du Québec, ce qui signifie qu'elles sont applicables et opposables aux entreprises, sauf en ce qui concerne les articles 214.7 et 214.8 de la loi, lesquels seraient inopérants pour la période postérieure à l'adoption du Code sur les services sans fil par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

 

Décision

Mme la juge Baudouin: Le juge de première instance a appliqué le mauvais cadre juridique à l'objet et aux effets des dispositions attaquées puisqu'il ne les a examinés qu'en regard de la compétence fédérale en matière de télécommunications. Pour sa part, la juge d'appel n'a pas commis d'erreur de droit dans la détermination du caractère véritable des dispositions ni lorsqu'elle a établi que celles-ci sont constitutionnellement valides. Elle n'a pas non plus erré dans l'application de la doctrine de la prépondérance fédérale en concluant que les dispositions, en l'absence d'entrave, sont constitutionnellement opérantes et applicables. Toutes les dispositions contestées visent à mettre un terme à des pratiques commerciales considérées comme abusives afin d'assurer un degré de protection élevé au consommateur ainsi qu'un meilleur équilibre entre celui-ci et les commerçants, particulièrement dans le cas des contrats de services à exécution successive. Compte tenu de ce caractère véritable, les dispositions sont au coeur de la compétence provinciale en matière contractuelle et relèvent ainsi de l'article 92 paragraphe 13 de la Loi constitutionnelle de 1867, relatif à la propriété et aux droits civils.

 

Telus et Bell n'ont pas démontré l'existence d'un conflit d'application ni d'un conflit d'objet entre les dispositions provinciales et le régime réglementaire fédéral. La Loi sur les télécommunications n'exclut pas l'application du droit provincial. En s'abstenant d'imposer ses propres règles et ses normes particulières, le CRTC a considéré que le marché des télécommunications était suffisamment concurrentiel pour protéger les intérêts des usagers.

 

La juge d'appel a toutefois commis une erreur révisable en examinant de son propre chef la doctrine de la prépondérance en ce qui concerne la période postérieure à l'adoption en 2013 du Code sur les services sans fil par le CRTC. L'ensemble des infractions reprochées aux entreprises ont été commises avant l'entrée en vigueur de celui-ci, et les parties n'ont présenté aucune observation à cet égard. Il y a donc lieu d'intervenir.


Dernière modification : le 15 août 2022 à 17 h 53 min.