Résumé de l'affaire
Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant déclaré les articles 5 et 10 de la Loi encadrant le cannabis constitutionnellement invalides. Accueilli.
La Cour supérieure a accueilli une demande en jugement déclaratoire de nullité des articles 5 et 10 de la Loi encadrant le cannabis, qui interdisent totalement la possession et la culture de plantes de cannabis à des fins personnelles. L'appelant soutient que la juge de première instance a commis une erreur en concluant que les dispositions attaquées relèvent de la compétence exclusive du Parlement du Canada en matière de droit criminel.
Décision
L'examen de la constitutionnalité d'une loi se fait en 2 étapes. À celle de la qualification, la Cour conclut que le jugement de première instance attribue aux articles 5 et 10 l'objectif autonome et indépendant d'interdire la culture personnelle de cannabis. Cette interdiction vise plutôt à mettre en place l'un des moyens accessoires nécessaires à l'efficacité du monopole de vente attribué à la Société québécoise du cannabis, qui est le moyen privilégié par le législateur afin de s'attaquer aux effets nocifs du cannabis sur la santé. À l'étape de la classification, la Cour estime que les motifs invoqués en première instance pour rejeter l'application de la théorie du double aspect sont erronés. Cette théorie s'applique lorsqu'une loi traite d'un sujet ayant un aspect provincial et fédéral, comme en l'espèce: le législateur fédéral a décriminalisé la possession d'une quantité restreinte de cannabis afin de limiter le rôle du crime organisé dans ce domaine, alors que le législateur provincial poursuit un but parallèle, soit d'assurer un contrôle efficace de l'accès au cannabis.

De plus, la Cour n'adhère pas à l'argument de l'intimé voulant que les dispositions attaquées soient déclarées inopérantes en application de la doctrine de la prépondérance fédérale, dans la mesure où elles nuisent à la réalisation de l'objet de la loi fédérale. En l'espèce, les articles 5 et 10 de la Loi encadrant le cannabis s'insèrent dans un champ de compétence large et plénier, soit le droit criminel, et ils peuvent être interprétés dans un sens compatible avec le principe du fédéralisme coopératif. En outre, la compétence en matière de droit criminel confère au Parlement le droit d'interdire des comportements et non celui de les autoriser. Enfin, la loi fédérale n'a pas limité le pouvoir de l'Assemblée nationale du Québec d'interdire la culture privée du cannabis en tant que moyen de prévenir et de réduire les effets nocifs du cannabis, afin de protéger la santé et la sécurité de la population.


Dernière modification : le 15 août 2022 à 16 h 09 min.