Résumé de l'affaire
Appels d'un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie l'appel d'une décision de la cour municipale et ayant déclaré constitutionnellement inapplicables à l'encontre de l'intimée l'article 15 du règlement RV-2011-11-23 sur le zonage et le lotissement et l'article 12 du règlement RV-2011-11-28 sur les permis et certificats. Accueillis en partie.
L'intimée est propriétaire de 3 lots sur lesquels est exploité un aérodrome privé. Aux termes du règlement RV-2011-11-23 sur le zonage et le lotissement de la Ville de Lévis, ces immeubles sont situés dans une zone agricole. En 2012, l'intimée a loué 2 de ses lots à une société afin d'y exploiter un centre de parachutisme. En 2013 et 2014, la Ville a délivré plusieurs constats d'infraction à l'intimée. Elle lui reproche notamment l'exercice d'un usage non autorisé, soit le «parachutisme ou le centre de formation en parachutisme», ainsi que la construction d'un second dôme sans avoir obtenu au préalable le permis de construction requis. La juge de la Cour municipale a rejeté le moyen de défense de l'intimée fondé sur la doctrine de l'exclusivité des compétences, estimant que le parachutisme ne fait pas partie du coeur de la compétence fédérale en matière d'aéronautique. La Cour supérieure a accueilli l'appel en partie et a déclaré l'article 15 du règlement de zonage et l'article 12 du règlement sur les permis constitutionnellement inapplicables à l'intimée.
Décision
Mme la juge Gagné: Il est vrai qu'aucun précédent n'applique la doctrine de l'exclusivité des compétences à un centre de parachutisme. Toutefois, il est faux d'affirmer que celle-ci ne peut s'appliquer en l'absence d'un précédent et que ce seul motif suffit pour infirmer le jugement de la Cour supérieure. Bien que les tribunaux doivent hésiter à étendre l'application de cette doctrine à un nouveau domaine, cela n'est pas déterminant. La doctrine de l'exclusivité des compétences peut donc s'appliquer à un centre de parachutisme.

Le coeur d'une compétence législative réside dans l'autorité qui est absolument nécessaire afin de permettre à l'ordre législatif de réaliser l'objectif pour lequel la compétence lui a été attribuée. Or, le parachutisme est une activité aéronautique qui ne peut être dissociée de la navigation aérienne prise comme un tout. Ainsi, la formation et la pratique de cette activité font partie du contenu minimum, essentiel et irréductible de la compétence fédérale en matière d'aéronautique.

En l'espèce, le règlement sur le zonage a pour effet d'interdire complètement le parachutisme à l'aérodrome. En outre, il permet à la Ville de régir l'aérodrome dans ce qui constitue sa «spécificité fédérale», c'est-à-dire les activités aéronautiques pouvant s'y dérouler et même le nombre de vols. Ce règlement entrave donc l'exploitation de l'aérodrome et constitue une atteinte grave et importante au coeur de la compétence fédérale en matière d'aéronautique. Dans ces circonstances, il y a lieu de déclarer l'article 5 du règlement de zonage inapplicable à l'intimée selon la doctrine de l'exclusivité des compétences. Il en va autrement du règlement sur les permis, car le seul fait que la construction des différents bâtiments d'un aérodrome relève du coeur de la compétence fédérale ne signifie pas que l'obligation de respecter des normes de construction «entrave» l'exercice de cette compétence ou les activités de l'aérodrome. D'ailleurs, une fois le règlement sur le zonage déclaré inapplicable, rien ne démontre que le règlement sur les permis aura pour effet d'empêcher la construction d'un bâtiment dans la zone où se trouve l'aérodrome. Au contraire, la preuve révèle qu'en 2008 — année de construction du premier dôme —, la Ville a délivré le permis requis par la réglementation en vigueur. Il faut aussi présumer la bonne foi de la Ville. Le règlement sur les permis ne constitue donc pas une atteinte grave ou importante au coeur de la compétence fédérale en matière d'aéronautique. En conséquence, le verdict de culpabilité prononcé par la Cour municipale de Lévis sur le constat d'infraction de construction sans permis doit être rétabli.


Dernière modification : le 15 août 2022 à 16 h 03 min.