La Dépêche

PROTECTION DU CONSOMMATEUR :  L'acte de prêt hypothécaire de deuxième rang conclu entre les parties contrevient à la Loi sur la protection du consommateur, car il exige des frais qui ne sont pas prévus au contrat, il ne reproduit pas toutes les mentions prévues à l'annexe 3 de la loi, en plus d'être lésionnaire; par conséquent, le consommateur a droit à une réduction du taux de crédit ainsi qu'à des dommages punitifs de 6 400 $.

DOMMAGE (ÉVALUATION) : Faire payer des frais de crédit de 6 400 $ sur un prêt de 30 000 $ alors que ces frais ne sont pas mentionnés au contrat constitue une faute intentionnelle, malveillante ou vexatoire de la part du commerçant; le consommateur a droit à des dommages punitifs équivalant à ces frais de crédit facturés sans droit.

PRÊT : Un consommateur est en droit d'obtenir la réduction du taux de crédit d'un prêt hypothécaire de deuxième rang qui, en plus d'être lésionnaire, contrevient à la Loi sur la protection du consommateur.

 

Résumé

Demande en délaissement forcé et en prise en paiement. Rejetée. Demande reconventionnelle en annulation d'un acte de prêt hypothécaire, du préavis d'exercice de droit hypothécaire ainsi que de la prise en paiement et en réclamation de dommages punitifs (20 000 $). Accueillie en partie.

 

En 2012, le défendeur éprouvait des difficultés financières et était en défaut envers la caisse populaire qui détient une hypothèque de premier rang sur sa maison. Cette dernière a publié un préavis d'exercice de droit hypothécaire en novembre 2012. Le mois suivant, le défendeur a fait la connaissance d'un prêteur hypothécaire agissant par l'entremise de la demanderesse. Ils se sont entendus pour qu'il obtienne un prêt de 30 000 $ à 10 % d'intérêts garanti par une deuxième hypothèque sur sa résidence. L'acte de prêt comporte en annexe un avis de divulgation selon la Loi sur la protection du consommateur. La demanderesse prétend que le défendeur a omis de la payer et elle veut être autorisée à prendre l'immeuble en paiement. Pour sa part, le défendeur attaque la validité du prêt, qui, selon lui, ne respecterait pas la loi précitée. Il demande une réduction du prêt et des intérêts ainsi que des dommages punitifs. De plus, il affirme avoir fait des paiements dont la demanderesse ne tient pas compte dans son préavis ou ses procédures. Il demande la nullité de l'acte de prêt, une réduction du taux d'intérêt et des dommages punitifs de 20 000 $.

 

Décision

Les exemptions prévues à l'article 22 du Règlement d'application de la Loi sur la protection du consommateur ne s'appliquent pas à l'acte de prêt hypothécaire de second rang en litige, car l'avis de divulgation n'est pas conforme. En effet, celui-ci comporte des affirmations fausses ou trompeuses. Il mentionne que le capital net est de 30 000 $, que l'obligation totale du défendeur est de 39 400 $ et que le taux de crédit est de 10 %. Or, l'obligation totale est de rembourser 30 000 $ dans un an et non 39 400 $. Les intérêts et les autres frais sont payés à l'avance à même les 30 000 $. De plus, selon l'article 68 de la loi, le capital net, soit la «somme effectivement reçue par le consommateur», doit exclure toute composante des frais de crédit. Il est donc de 20 600 $. En conséquence, le taux de crédit selon l'article 72 de la loi est de 45,6 % et non de 10 %. L'article 22 a) du règlement n'exige pas la divulgation du capital net, de l'obligation totale ou du taux de crédit. Toutefois, la demanderesse a choisi de les divulguer de façon fausse ou trompeuse, ce qui vicie l'entièreté de l'avis. D'ailleurs, celui-ci n'a pas été remis au défendeur avant la signature de l'acte de prêt. L'entièreté de la loi s'applique donc à l'acte de prêt. Le contrat de prêt enfreint aussi plusieurs dispositions de la loi. Il ne mentionne pas les frais de crédit et il prévoit que les intérêts sont payables mensuellement, alors que le plein montant des intérêts pour l'année est payé à l'avance à même le prêt. De plus, le contrat n'intègre pas toutes les mentions exigées à l'annexe 3 de la loi, dont le «capital net», le total des «frais de crédit», l'obligation totale du consommateur et le «taux de crédit». Le défendeur plaide aussi la lésion selon les articles 8 et 9 de la loi. Objectivement, l'obligation de payer un taux de crédit de 58,7 % sur un prêt garanti par une hypothèque de deuxième rang démontre une disproportion tellement considérable entre les prestations des parties qu'elle équivaut à de l'exploitation du consommateur. La lésion est également subjective, vu les problèmes financiers du défendeur. En l'espèce, il n'est toutefois pas approprié d'annuler l'acte de prêt. Le taux de crédit est plutôt réduit à 10 % par année. Le défendeur a également droit à des dommages punitifs équivalant aux frais de crédit facturés sans droit (6 400 $). Faire payer un tel montant sur un prêt de 30 000 $ alors que ces frais ne sont pas mentionnés au contrat constitue une faute intentionnelle, malveillante ou vexatoire au sens de Richard c. Time Inc. (C.S. Can., 2012-02-28), 2012 CSC 8, SOQUIJ AZ-50834275, 2012EXP-836, J.E. 2012-469, [2012] 1 R.C.S. 265. En tenant compte des paiements effectués par le demandeur et des dommages punitifs qui lui sont dus, le capital net du prêt est fixé à 36 052 $. Enfin, vu la différence entre les montants prétendument en défaut et celui réellement dû par le défendeur, le préavis d'exercice d'un droit hypothécaire ainsi que les procédures de prise en paiement doivent être rejetés.


Dernière modification : le 9 août 2017 à 18 h 50 min.