en bref
Brault & Martineau a fait de la publicité sur le crédit en violation des dispositions de la Loi sur la protection du consommateur et du Règlement d'application de la Loi sur la protection du consommateur.
résumé de l'affaire
Appels d'un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie un recours collectif. Rejetés.
L'appelante est une entreprise de vente au détail de meubles. En affaires depuis plusieurs années, elle se livre à un battage publicitaire de ses produits et de ses modes de financement par remboursements égaux et par paiement différé. Cette publicité ne mentionne pas que les plans de financement annoncés sont offerts par des compagnies de crédit, dont Visa Desjardins. Aux termes d'un contrat de sous-traitance, l'appelante verse à cette dernière des frais substantiels dans le but de procurer à ses clients le service de financement de leurs achats, soit un taux d'escompte calculé selon le taux d'intérêt de base et la durée du financement. En contrepartie, Visa verse à l'appelante une ristourne sur le volume d'affaires et de mauvaises créances, en plus d'avantages financiers et publicitaires. La juge de première instance a conclu que la publicité de l'appelante violait certaines dispositions de la Loi sur la protection du consommateur et que, par conséquent, elle commettait une pratique illégale. Elle l'a condamnée à payer deux millions de dollars en dommages punitifs sans condamnation concomitante à des dommages compensatoires (art. 272 de la loi). L'appelante conteste le jugement de première instance et soutient que les frais d'escompte qu'elle paie sont des frais de vente puisqu'ils constituent des dépenses engagées dans le fonctionnement de l'entreprise. Pour sa part, l'intimé réclame 111 859 889 $ en dommages-intérêts au nom du groupe visé, représentant les frais de crédit illégalement facturés par l'appelante à sa clientèle pendant la période comprise entre le 7 août 1999 et 13 janvier 2004. Il prétend que les frais supportés par l'appelante pour offrir, par l'entremise de sociétés de crédit, le service de paiement différé constituent en réalité des frais de crédit qui doivent être divulgués aux consommateurs. Il reproche également à cette dernière de ne pas avoir divulgué dans ses publicités que le paiement des taxes serait exigible au moment de l'achat des produits.
résumé de la décision
La juge de première instance n'a pas commis d'erreur en concluant que le taux d'escompte comptabilisé par l'appelante à titre de frais de vente fait partie du capital net au sens de la Loi sur la protection du consommateur et ne peut donc être considéré comme des frais de crédit. D'ailleurs, en payant directement à Visa le service de financement, le coût de ce dernier ne faisait pas partie des frais facturés au consommateur. Les dépenses d'une entreprise de vente au détail entrent inévitablement en ligne de compte dans l'établissement du prix des biens offerts; toutefois, ce que la loi prohibe, c'est la facturation au consommateur de frais de crédit qui ne font pas partie de ceux énoncés à l'article 70 de la loi. D'autre part, la juge a eu raison de déclarer que l'appelante avait fait de la publicité concernant le crédit, commettant ainsi une pratique prohibée. Cependant, elle a erré en concluant que l'article 245 de la loi s'appliquait à celle-ci. En effet, cette disposition, qui vise le cas où une société émettrice de cartes de crédit inciterait les consommateurs à acheter un bien grâce au crédit qu'elle offre doit être lue dans son ensemble, sans être scindée. En l'espèce, le message publicitaire de l'appelante visait d'abord et avant tout la vente de ses produits. Étant donné qu'il mentionnait en petits caractères que la possibilité de financement ne s'appliquait pas aux taxes, celles-ci n'étaient pas des frais cachés. Cependant, l'appelante devait annoncer toutes les modalités de crédit afin de donner aux consommateurs la possibilité de prendre une décision éclairée quant à l'option de faire appel aux services de financement (art. 228 de la loi et 85 du Règlement d'application de la Loi sur la protection du consommateur). La publication d'annonces qui sont trompeuses en raison de l'omission d'informations essentielles constitue une violation d'une règle de fond de la loi. Dans ces circonstances, l'article 272 de la loi permet l'attribution de dommages punitifs même en l'absence de dommages compensatoires. En outre, l'existence d'une pratique commerciale illégale justifie à elle seule l'attribution de dommages punitifs. Le consommateur n'est donc pas tenu de prouver la mauvaise foi ou la faute lourde du commerçant. Enfin, l'estimation de ces dommages est un processus discrétionnaire, et l'évaluation de la juge n'a pas à être révisée.