Résumé de l'affaire

Action en dommages. Accueillie en partie. Action en garantie. Accueillie.

Un recours collectif a été institué par le demandeur pour le compte d'un groupe de passagers d'un vol nolisé organisé par la défenderesse Élite Tours inc. Celle-ci exploite un commerce d'agent de voyages et détient les permis de détaillant et de grossiste prévus à la Loi sur les agents de voyages. La codéfenderesse, Minerve Canada, compagnie de transports aériens inc., est le transporteur avec qui Élite Tours a conclu un contrat d'affrètement. Le demandeur reproche aux défenderesses d'avoir modifié unilatéralement et sans droit l'heure des départs et l'itinéraire des vols. L'autorisation d'atterrir à Paris en provenance de Montréal et de décoller de Paris en direction de Montréal n'ayant pu être obtenue, les vols aller-retour ont été détournés de Paris vers Bruxelles, de sorte que les passagers ont été transportés par autobus de Bruxelles à Paris et inversement au retour. Les passagers n'ont pas été informés du changement de destination avant leur arrivée à l'aéroport ni de la possibilité d'un tel changement. Le demandeur réclame pour les membres du groupe 300 $ à titre d'inconvénients et de dommages d'ordre général pour le vol à l'aller et 300 $ pour le vol au retour ainsi que 250 $ à titre de dommages exemplaires. Il réclame également le remboursement de tout débours ou dommage additionnel que les membres pourront établir dans leur réclamation individuelle et, quant à lui, 100 $ comme dommage supplémentaire résultant du retard du vol à l'aller. Élite Tours nie sa responsabilité et impute les modifications aux horaires et aux itinéraires à la seule responsabilité de Minerve. Elle ajoute qu'elle n'a appris les changements que la veille du départ et qu'elle a essayé de communiquer avec les passagers.

Résumé de la décision

Élite Tours avait l'obligation, à titre de grossiste en voyages, de livrer les services qu'elle vendait. Son obligation dépassait la simple diligence et devenait une obligation de résultat, sauf cas fortuit, force majeure ou fait d'un tiers équivalant à cas fortuit. Élite devait vérifier que les autorisations étaient obtenues en temps utile par Minerve. Elle a commis une faute en choisissant un transporteur incompétent et en se fiant à lui. Elle a également commis une faute en n'avisant pas les passagers de la nécessité de l'obtention des autorisations et de la possibilité que celles-ci soient refusées. La conduite de Minerve ne saurait constituer pour Élite un cas fortuit. D'ailleurs, il aurait fallu qu'elle soit sans faute pour invoquer le fait de Minerve. Quant à celle-ci, il existait une véritable relation contractuelle entre elle et le passager. Une clause du billet semble dire qu'elle ne s'engageait qu'à une obligation de moyens, mais ce n'est pas le cas puisqu'il s'agissait d'un vol international. En vertu des articles 19 et 20 de la Convention de Varsovie, 1929, tels que modifiés par le Protocole de La Haye, 1955, le transporteur est responsable du dommage résultant d'un retard dans le transport aérien des voyageurs, à moins qu'il ne prouve qu'il a pris toutes les mesures nécessaires pour éviter le dommage ou qu'il lui était impossible de les prendre. Cette preuve n'a pas été faite et Minerve a plutôt démontré son incompétence, sa négligence et son incurie. On ne saurait prétendre que les passagers avaient accepté le risque des délais en traitant avec une société aérienne de peu d'envergure qui n'exploitait pas de lignes régulières. En effet, les passagers ne savaient pas que Minerve avait peu d'envergure et, d'autre part, c'est l'affréteur qui a manqué de diligence en retenant les services d'un transporteur incompétent. Les défenderesses ont également commis une faute contractuelle en n'avisant pas les passagers au préalable de l'impossibilité de respecter la destination directe et l'horaire. Il ne s'agit pas d'une faute de nature délictuelle puisque l'obligation d'avertir les passagers des modifications au trajet découle du contrat intervenu entre ceux-ci et les défenderesses, et il n'existe aucune obligation légale indépendante du contrat. Les changements survenus et la négligence des défenderesses à avertir suffisamment à l'avance les passagers ont causé à ces derniers des dommages pour lesquels ils doivent être indemnisés. Les dommages réclamés pour inconvénients, tracas, fatigue et ennuis peuvent exister en matière contractuelle s'ils sont une suite immédiate et directe de l'inexécution de l'obligation. Pour les dommages d'ordre général, les passagers ont droit à 200 $ pour le vol aller et à 100 $ pour celui de retour. Les défenderesses sont condamnées conjointement et solidairement à payer ces dommages. En ce qui concerne les dommages exemplaires réclamés en vertu de la Loi sur la protection du consommateur, cette loi ne s'applique pas à Minerve, qui n'a pas vendu ses services directement aux consommateurs. Elle s'applique par contre à Élite, grossiste en voyages, qui a vendu des voyages organisés à des consommateurs. Non seulement celle-ci a fait défaut de fournir la prestation prévue au contrat, mais le fait d'avoir omis d'informer les acheteurs du forfait que les vols nolisés étaient conditionnels à l'approbation du comité des transports constitue l'omission d'un fait important au sens de la loi, une pratique que celle-ci cherche à réprimer. Élite devra donc payer des dommages exemplaires de 100 $ à chaque passager. Les circonstances s'y prêtant, le recouvrement collectif est ordonné. Par ailleurs, il est accordé à chaque passager le droit de produire une réclamation pour des dommages directs autres que ceux mentionnés ici. Enfin, l'action en garantie intentée par Élite contre Minerve est accueillie, car il a été établi que l'incompétence, l'insouciance et l'incurie de Minerve avaient été la cause des problèmes de vol.


Dernière modification : le 15 mars 1993 à 16 h 15 min.