La Dépêche

ACTION COLLECTIVE (RECOURS COLLECTIF) :  L'autorisation d'exercer une action collective à l'encontre d'écoles et de collèges privés de niveaux primaire et secondaire au motif qu'ils auraient omis de respecter les contrats de services éducatifs en ne livrant pas une prestation de services adéquate durant la première vague de la pandémie de la COVID-19 est accordée.

ÉDUCATION : La demande d'autorisation d'exercer une action collective au nom des parents des élèves qui n'auraient pas reçu les heures d'enseignement prévues aux contrats de services éducatifs pour l'année scolaire 2020-2021 dans les écoles et collèges privés défendeurs, et ce, dans le contexte de la pandémie de la COVID-19, est accueillie.

PROTECTION DU CONSOMMATEUR : L'autorisation d'exercer une action collective à l'encontre d'écoles et de collèges privés de niveaux primaire et secondaire au motif qu'ils n'auraient pas livré une prestation de services éducatifs adéquate durant la première vague de la pandémie de la COVID-19 est accordée.

 

Résumé

Demande d'autorisation d'exercer une action collective. Accueillie en partie.

 

Les demandeurs souhaitent obtenir l'autorisation d'exercer une action collective à l'encontre des écoles et des collèges privés de niveaux primaire et secondaire situés sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal qui auraient omis de rembourser ou de créditer des frais de scolarité au cours de la première vague de la pandémie de la COVID-19, soit durant la fin de l'année scolaire 2019-2020. Ils soutiennent que les défenderesses auraient omis d'exécuter des contrats de services éducatifs en ne livrant pas une prestation selon une quantité adéquate. La demande d'autorisation s'appuie simultanément sur le Code civil du Québec (C.C.Q.) et sur la Loi sur la protection du consommateur.

 

Décision

Les demandeurs considèrent que l'état d'urgence sanitaire décrété par le gouvernement du Québec a créé une situation de force majeure au sens de l'article 1693 C.C.Q., ce qui fait en sorte qu'ils auraient droit au remboursement d'une partie des frais de scolarité payés en trop en raison des services éducatifs non dispensés entre le 13 mars 2020 et le 30 juin suivant. Les défenderesses soutiennent que l'exception de force majeure est un moyen de défense et qu'aucune d'entre elles ne l'a invoquée à ce stade du litige. Elles prétendent que le contenu du Régime pédagogique de l'éducation préscolaire, de l'enseignement primaire et de l'enseignement secondaire relève du gouvernement du Québec et qu'elles ont entièrement respecté leurs obligations conformément à ce régime, qui a été remanié principalement par le Régime pédagogique modifié de l'éducation préscolaire, de l'enseignement primaire et de l'enseignement secondaire pour l'année scolaire 2019-2020. La doctrine donne raison aux défenderesses sur ce point. Le Tribunal est en présence d'une question de droit pur au sens de Desjardins Cabinet de services financiers inc. c. Asselin (C.S. Can., 2020-10-30), 2020 CSC 30, SOQUIJ AZ-51718364, 2020EXP-2446. Ainsi, l'exception de force majeure n'est pas une cause d'action ouverte aux demandeurs. Par ailleurs, ces derniers établissent une cause d'action défendable en fonction de l'argument de l'inexécution contractuelle après que l'état d'urgence sanitaire eut été décrété et que le régime pédagogique eut réduit le calendrier scolaire de 180 à 110 jours. Il y a place à un débat afin de déterminer si les parents ont droit à un remboursement et, si oui, quelle doit être son ampleur. De plus, la jurisprudence n'est pas fixée en ce qui a trait à la question de savoir si la Loi sur la protection du consommateur s'applique aux établissements d'enseignement privés. Il semble cependant bien établi que, en application de l'article 3 de cette loi, une personne morale peut être un commerçant même si elle exerce ses activités sans rechercher un profit. À ce stade, les demandeurs démontrent une cause défendable en vertu de l'article 16 de la loi. Ainsi, un établissement d'enseignement privé pourrait s'exposer, en cas de contravention à l'article 16 de la loi, aux sanctions énumérées à l'article 272, dont la seule recherchée en l'espèce est la réduction de l'obligation. L'action collective révèle l'existence de questions communes, et ce, en application du Code civil du Québec et de la Loi sur la protection du consommateur.

 

Quant à la composition du groupe, la demande d'autorisation se limite à l'estimation sommaire de 47 000 personnes visées, en se basant sur le nombre d'élèves fréquentant des établissements privés. Les défenderesses ont déposé des déclarations sous serment et des documents indiquant que la grande majorité des parents se sont déclarés satisfaits de la façon dont les contrats de services éducatifs ont été exécutés, en dépit de la pandémie et des mesures d'urgence sanitaire. Ces moyens de défense n'ont aucun poids juridique au stade de l'autorisation, d'autant moins que les tribunaux ne tranchent pas les litiges en fonction des sondages d'opinion publique. La logique du régime juridique québécois veut que le groupe des membres, décrit de façon objective et non circulaire, englobe des personnes qui n'ont subi aucun préjudice, qui ne formulent aucune réclamation et même qui refuseraient une indemnisation si elle leur était offerte. La règle du grand nombre mène à inférer ou à présumer un taux d'insatisfaction parmi les membres. Le critère de la composition du groupe est donc rempli. Par ailleurs, les demandeurs détiennent un droit d'action personnel, ce qui remplit le quatrième critère de l'article 575 du Code de procédure civile.


Dernière modification : le 16 août 2022 à 10 h 44 min.