en bref

Des acheteurs de billets d'avion en ligne pourront intenter un recours collectif contre Air Canada, à laquelle ils reprochent d'avoir affiché deux prix différents sur son site Internet.

Un recours collectif pourra être entrepris contre Air Canada au nom de personnes qui ont acheté un titre de transport par l'intermédiaire de son site Internet entre le 30 juin 2010 et le 8 février 2012, au motif que le prix exigé aurait été supérieur au prix annoncé.

résumé de l'affaire

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une requête pour autorisation d'exercer un recours collectif. Accueilli.

En juillet 2010, la personne désignée a consulté le site Internet de l'appelante, Air Canada, en vue d'acheter un billet d'avion. Lors d'une première étape de navigation, une vingtaine de vols avec quatre options de tarifs lui étaient offerts sur une page comportant un avertissement selon lequel les tarifs affichés n'incluaient pas les taxes ni certains frais. À la deuxième étape de navigation, la ventilation du coût du titre de transport était affichée ainsi que le coût total. Selon l'appelante, qui a demandé l'autorisation d'intenter un recours collectif contre l'intimée, le prix que le consommateur constate lors de la première étape de la navigation est un prix annoncé au sens de l'article 224 c) de la Loi sur la protection du consommateur et, dès ce moment, l'intimée aurait dû annoncer le véritable prix, celui indiqué à la deuxième étape, à l'exception des taxes et de certains frais. L'appelante considère que l'intimée a utilisé une pratique de commerce interdite en exigeant, pour un titre de transport, un prix supérieur à celui annoncé. Le juge de première instance a reconnu que le prix indiqué sur le site transactionnel de l'intimée était une annonce au sens de l'article 224 de la loi. Toutefois, il a conclu que le site ne comportait aucune pratique de commerce interdite et qu'un consommateur ne pouvait être induit en erreur par le fait que deux prix différents étaient indiqués sur le site. Il a aussi estimé que le critère prévu à l'article 1003 a) du Code de procédure civile (C.P.C.) n'était pas rempli étant donné que le groupe visé était trop large, qu'il ne faisait pas la distinction entre différents types de voyageurs et qu'il comprenait à la fois les consommateurs qui s'étaient procuré leur billet sur le site Internet et ceux qui l'avaient acquis autrement, alors que l'appelante n'avait déposé une publicité conventionnelle que le matin même de l'audience. Enfin, il a estimé que le choix stratégique de l'appelante de «ratisser large» et d'omettre de fournir une preuve sur les publicités conventionnelles en temps opportun influait irrémédiablement sur sa capacité d'agir à titre de représentante.

résumé de la décision

Mme la juge Bélanger: Le juge de première instance a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu'il a refusé de considérer la question des publicités conventionnelles. Tant les procédures que les pièces indiquaient que le débat était engagé sur la question des transactions effectuées au moyen du site Internet de l'intimée et aucune allégation concernant la personne désignée n'indiquait qu'il avait préalablement pris connaissance d'une publicité conventionnelle ou n'établissait de lien avec celle-ci. Par ailleurs, le recours tel que proposé par l'appelante aurait soulevé des questions de fait et de droit qui aurait compliqué l'affaire. Toutefois, l'appelante a démontré une cause défendable. En l'espèce, des modifications apportées à l'article 224 de la loi au mois de juin 2010 avaient pour but d'obliger la divulgation du coût total d'un bien ou d'un service offert par un commerçant. Elles visaient aussi notamment à contrer la pratique de la décomposition du prix afin de permettre au consommateur de comparer adéquatement le prix des biens qui lui étaient offerts. L'article 224 de la loi, contenu à son titre II (art. 215 à 253), s'applique au site transactionnel de l'intimée. En effet, celui-ci relève à la fois du domaine précontractuel et contractuel, et rien n'empêche que le titre II puisse trouver application dans la phase contractuelle. Même sur un site Internet transactionnel, dès que le commerçant annonce un prix, celui-ci doit refléter le total des sommes que le consommateur devra débourser. Enfin, il n'est pas pertinent de chercher à déterminer si un consommateur, même crédule et inexpérimenté, aurait compris que le véritable prix est celui qu'il aurait pu lire à la deuxième étape, alors que seule la commission d'une pratique interdite devait faire l'objet d'une analyse. En ce qui a trait au critère établi à l'article 1003 a) C.P.C., le groupe proposé par l'appelante était indéniablement très large et mal défini, mais la décision du juge de ne pas tenir compte de la publicité conventionnelle permet à présent de cerner des questions communes aux personnes qui ont acquis leur billet au moyen du site Internet, lesquelles permettront de faire progresser le dossier de chacune d'elles. Par ailleurs, l'établissement des réclamations individuelles peut faire l'objet de la mise en place de différents sous-groupes ou catégories. Enfin, l'appelante est en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres. En effet, la personne désignée a intérêt à poursuivre, le litige proposé entre dans la mission de l'appelante et aucun conflit entre les membres ne pointe à l'horizon. Le recours sera donc autorisé pour les personnes qui sont dans la même situation que la personne désignée, soit des consommateurs au sens de la loi, qui résidaient au Québec au moment de l'achat et qui ont acheté un titre de transport de l'intimée au moyen de son site Internet entre le 30 juin 2010 et le 8 février 2012.


Dernière modification : le 7 mars 2014 à 16 h 52 min.