Résumé de l'affaire

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté un recours collectif en dommages. Accueilli.

Plusieurs personnes ont acheté de Vacances Multitour international inc. (Multitour) un forfait de transport aérien vers la Floride. Le vol ayant été retardé de 20 heures, l'appelant a intenté un recours collectif contre Minerve Canada, le transporteur, et Multitour, le grossiste qui avait conclu avec Minerve le contrat pour l'affrètement de l'avion. Le premier juge a rejeté l'action. En ce qui concerne Minerve, il a estimé que la faillite de cette dernière, intervenue après l'institution des procédures, avait mis fin à son existence juridique et que la poursuite était sans objet. Quant à Multitour, il a conclu qu'elle ne pouvait être qualifiée de transporteur aérien, qu'elle n'avait pas commis de faute dans le choix du transporteur et que le bris mécanique de l'avion constituait une force majeure.

Résumé de la décision

le juge Baudouin: La faillite de Minerve n'a pas mis fin à son existence juridique. Sa responsabilité en tant que transporteur aérien est régie par la Convention de Varsovie. De plus, l'article 2034 du Code civil du Québec stipule qu'un transporteur ne peut exclure ou limiter sa responsabilité que suivant les conditions prévues à la loi et qu'il doit réparer le préjudice résultant d'un retard, à moins de prouver la force majeure. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, d'invoquer la force majeure, car le problème mécanique de l'avion s'était produit plusieurs fois auparavant. On peut reprocher aux employés de Minerve de ne pas avoir décelé la source du problème, alors que l'avion a été cloué au sol pendant cinq jours avant le départ. Minerve n'a pas pris les mesures nécessaires pour empêcher le dommage ou n'a pas démontré qu'il lui avait été impossible de les prendre. Sa responsabilité doit donc être retenue.

Quant à Multitour, sa responsabilité ne peut être engagée à titre de transporteur aérien. Le seul fait que, pour des raisons de convenance, son nom ait figuré sur le titre de transport d'une dizaine de passagers ne peut suffire à la qualifier de transporteur aérien au sens de la convention. En ce qui concerne sa responsabilité civile, les passagers n'ont pas contracté directement avec elle, mais bien avec une agence de voyages, qui leur a vendu le forfait. La facture de réservation indique cependant que le débiteur de la prestation promise est Multitour. Le détaillant a agi à titre de mandataire du grossiste Multitour. Il existe donc un lien d'obligation contractuelle direct entre le client et le grossiste. La responsabilité civile de ce dernier peut être engagée soit par la commission d'une faute personnelle, soit par le biais de la responsabilité contractuelle du fait d'autrui. Or, la responsabilité de Multitour, pour son fait personnel, ne saurait être engagée. En effet, elle n'a pas choisi un transporteur incompétent et elle n'a pas manqué à son obligation de surveillance du transporteur pour s'assurer de l'exécution future du service. Quant à la responsabilité du fait d'autrui, il faut d'abord établir qu'il y a eu, de la part de Multitour, promesse de porte-fort ayant pour objet l'exécution, par Minerve, d'un transport aérien selon des conditions prévues, et non seulement la délivrance par celle-ci d'un titre de transport. Multitour s'est donc portée fort de l'exécution par le transporteur de son obligation de résultat. Le bris mécanique n'étant pas constitutif de force majeure, Multitour doit être tenue responsable. Tout retard ne saurait être considéré comme fautif, mais un retard de 20 heures, dans le cas de gens qui partent pour une semaine de vacances, est considérable.

Pour ce qui est des dommages compensatoires, une somme de 150 $ est accordée à chaque passager. Il faut tenir compte du manque d'information aux passagers lors de leur arrivée à l'aéroport. De plus, Minerve a commis une faute évidente en ce qu'elle savait que l'appareil avait éprouvé des difficultés importantes et qu'elle disposait de cinq jours pour y remédier. Par contre, dès le moment où l'on a su que le départ serait retardé, des mesures pour transporter les passagers à l'hôtel, les héberger convenablement et leur offrir repas et consommations ont été prises. Des dommages exemplaires sont, de plus, accordés, car la Loi sur la protection du consommateur s'applique en l'espèce. Le contrat intervenu est un contrat de consommation, et il y a eu contravention aux articles 16 et 40 de la loi. Même s'il n'existe pas de contrat apparent entre Minerve et les consommateurs, il s'est formé entre eux un contrat de transport lorsque, à l'aéroport, le transporteur a délivré un titre de transport à son nom. Par ailleurs, même si, pour des raisons de protection du passager, certaines dispositions de la Loi sur le transport aérien traitent de la responsabilité civile du transporteur, la relation entre le client et le transporteur demeure contractuelle. Minerve est donc condamnée à payer des dommages exemplaires de 150 $ à chacun des passagers. Multitour, par contre, ne sera condamnée à aucun dommage exemplaire en l'absence de faute personnelle de sa part. Les dommages exemplaires visent en effet à sanctionner un comportement fautif précis et non à s'ajouter à une responsabilité engagée pour le fait d'autrui. Il y a solidarité entre les deux intimées pour le paiement des dommages, car les deux liens d'obligations sont de même nature.

Mme la juge Deschamps: L'agent de voyages est le mandataire du consommateur. Il a acheté de Multitour, au nom de son mandant, le droit de voyager sur un avion qui a pour destination la Floride et qui décollera à une date et à une heure précises. Cette vente est un contrat distinct du contrat de transport liant Minerve au passager lors de l'émission du billet d'avion. Elle est assujettie aux règles du Code civil du Bas Canada, puisque l'instance a pris naissance avant l'entrée en vigueur du Code civil du Québec. Les conditions du contrat déterminent l'étendue de l'obligation de Multitour et rien ne permet de qualifier l'obligation comme en étant une de moyen plutôt que de résultat. À moins de prouver la force majeure ou le fait d'un tiers, Multitour est responsable de l'inexécution de son obligation et des dommages qui en ont résulté. Multitour ne peut invoquer le fait d'un tiers, car Minerve est son cocontractant et non un tiers. Rien dans les actes faits par les parties ne laisse voir une promesse de porte-fort. Comme l'agent de voyages est l'agent du passager et non celui de Multitour, la vente est intervenue entre Multitour et le passager, ce qui permet l'application des articles 2 et 40 de la Loi sur la protection du consommateur. Le bien vendu n'étant pas conforme à la description faite dans le contrat, Multitour est passible des sanctions prévues à l'article 272 de la loi. Pour le reste, il y a lieu de disposer du pourvoi comme le suggère le juge Baudouin.

M. le juge Rothman: Le contrat s'apparente plus à une promesse de porte-fort par laquelle Multitour s'est engagée à ce qu'un transporteur effectue le transport des passagers vers la Floride à une date et à une heure précises. Il s'agissait d'une obligation de résultat. Étant donné l'inexécution de cette obligation par le transporteur, Multitour est responsable des dommages. L'agent de voyages détaillant était, par ailleurs, l'agent de Multitour. Enfin, rien ne permettait d'exonérer Multitour ou Minerve de leur responsabilité.


Dernière modification : le 16 juin 1998 à 14 h 24 min.