La Dépêche
PROTECTION DU CONSOMMATEUR : Un commerçant ayant erronément annoncé, sur son site Internet, un kayak en vente au prix de 90 $ plutôt qu'à 1 590 $ doit verser 810 $ à une consommatrice dont la commande a été annulée en raison de cette erreur dans l'affichage du prix.
VENTE : La personne qui effectue une transaction en ligne afin d'acquérir un bien offert à la vente et dont la carte de crédit est débitée du prix affiché confirme son acceptation de l'offre faite par le commerçant; il ne s'agit pas d'une simple offre de contracter.
Résumé
Demande en réclamation de dommages-intérêts (2 250 $). Accueillie en partie (810 $).
La demanderesse, qui surveillait les «ventes de fin de saison» sur Internet afin d'acheter un kayak pour l'anniversaire de sa fille, en a trouvé un affiché au prix de 90 $ sur le site de la défenderesse. Elle a effectué la transaction et a reçu un courriel de confirmation, mais le commerçant a annulé sa commande au motif qu'il y avait eu une erreur dans l'affichage du prix: le prix réel du kayak était de 1 590 $ et c'est le rabais qui aurait dû être de 90 $. La demanderesse réclame 2 250 $, soit la valeur du kayak, taxes en sus, ainsi que 500 $ pour les inconvénients subis.
Décision
Toutes les conditions relatives à un contrat conclu à distance au sens de l'article 54.1 de la Loi sur la protection du consommateur sont remplies en l'espèce. Il ne s'agit pas d'une simple invitation à faire une offre. La personne qui effectue une transaction en ligne afin d'acquérir un bien offert à la vente et dont la carte de crédit est débitée du prix affiché confirme son acceptation de l'offre faite par le commerçant. La défenderesse n'a pas démontré que l'erreur dans le prix affiché avait vicié son consentement. En effet, celle-ci résulte de la négligence d'un préposé, soit un vendeur professionnel, qui a confondu la valeur du bien et le rabais qui lui était associé. Il s'agit d'une erreur inexcusable. La demanderesse ne connaissait pas la valeur du kayak. On ne peut exclure l'idée qu'un consommateur «crédule et inexpérimenté» ait pu raisonnablement penser qu'un marchand appliquerait un rabais d'une telle ampleur à l'occasion d'une «vente de fin de saison». Par ailleurs, l'obligation d'agir de bonne foi ne va pas jusqu'à imposer au consommateur la nécessité d'alerter le commerçant quand le prix d'un article qu'il convoite lui paraît anormalement bas. Pour se décharger de ses obligations contractuelles, la défenderesse invoque aussi les «conditions d'utilisation» de son site transactionnel. Celles-ci ne sont pas expressément mentionnées dans le courriel de confirmation de commande qui a été reçu par la demanderesse, mais elles figurent dans un hyperlien se trouvant au bas de la page d'accueil du site Internet du commerçant. La clause invoquée établit que la demanderesse se réserve unilatéralement «le droit de corriger toute erreur» ou «inexactitude» ainsi que «d'annuler des commandes» si une information «est inexacte, et ce, en tout temps et sans préavis». Or, ces «conditions d'utilisation» n'ont pas été expressément portées à la connaissance de la défenderesse, contrairement à ce qu'exige l'article 54.4 de la loi. La défenderesse ne pouvait donc pas se soustraire à ses obligations en procédant simplement à l'annulation de la commande et en remboursant la somme payée par la demanderesse. En tenant compte de l'offre raisonnable qui lui avait été faite d'acquérir le kayak au prix coûtant (795 $), la demanderesse obtient 810 $.