en bref

Pour être conforme à l'article 12 de la Loi sur la protection du consommateur, une clause permettant la modification unilatérale des frais et des tarifs doit prévoir un montant précis.

La compagnie de téléphonie cellulaire Telus est condamnée à rembourser les frais de messagerie texte qu'elle a illégalement imposés à des abonnés.

Le recours collectif intenté au nom des clients de la téléphonie sans fil de Telus concernant la validité d'une clause du contrat d'abonnement qui permet la modification unilatérale des frais et des tarifs est accueilli en partie.

Même si la seule preuve d'une contravention aux dispositions de la Loi sur la protection du consommateur emporte une présomption absolue de préjudice, les dommages moraux subis par le consommateur, bien qu'ils soient difficilement quantifiables, doivent tout de même être prouvés par prépondérance de preuve.

Il n'appartient pas au tribunal d'assouplir les exigences qu'impose l'article 12 de la Loi sur la protection du consommateur à la lumière de celles prévues au code sur les services sans fil mis en place par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.

résumé de l'affaire

Recours collectif en remboursement de frais de messagerie texte ainsi qu'en réclamation d'indemnités à titre de dommages moraux et exemplaires. Accueilli en partie.

La demanderesse a été autorisée à exercer un recours collectif au nom des consommateurs clients de téléphonie sans fil de la Société Telus Communications qui n'étaient pas abonnés à la messagerie texte et auxquels des frais de 0,15 $ par message texte entrant ont été imposés. L'avis d'augmentation transmis aux clients en juin 2008 annonçait l'entrée en vigueur de ce nouveau tarif à compter du 24 août suivant. Avant cette date, la réception de messages texte était gratuite pour les clients qui ne détenaient pas un forfait incluant le service de messagerie texte. La demanderesse prétend que Telus a enfreint l'article 12 de la Loi sur la protection du consommateur, qui l'empêche de facturer des frais dont le montant n'est pas précisément mentionné au contrat, ainsi que les articles 8 et 9 de la loi, qui interdisent l'exploitation du consommateur. Selon Telus, cette exigence serait respectée car, dès la signature du contrat, une clause de modification unilatérale informait les consommateurs que des frais pourraient être modifiés moyennant un préavis de 30 jours.

résumé de la décision

L'article 12 de la loi vise à assurer que le consommateur s'engage en toute connaissance de cause au moment de conclure le contrat de consommation. Or, avant de s'engager avec Telus pour une durée déterminée, rien ne permettait aux consommateurs de connaître à l'avance et précisément l'objet, le moment et, surtout, le montant d'une éventuelle augmentation de tarif. La clause de modification unilatérale ne prévoit aucun critère objectif qui donnerait quelque indication que ce soit de l'étendue ou de la fréquence d'une augmentation éventuelle des tarifs ou encore des critères suivant lesquels elle pourrait être imposée. Pour être conforme à l'article 12 de la loi, la clause doit prévoir un montant précis, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. L'avis d'augmentation respecte cette exigence, mais il a été expédié en cours de contrat. Ainsi, les consommateurs qui étaient déjà dans une relation contractuelle avec Telus ont été privés de la possibilité de s'engager librement et en toute connaissance de cause. Ils pouvaient décider de mettre fin à leur contrat pour éviter cette augmentation, mais ceux qui avaient signé un contrat à durée déterminée devaient payer des frais de résiliation de 100 $ à 700 $. Par ailleurs, il n'appartient pas au tribunal d'assouplir les exigences énoncées à l'article 12 de la loi à la lumière de celles prévues au code sur les services sans fil mis en place par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Dans les circonstances, il n'est pas utile d'examiner la légalité de la modification des tarifs au regard des autres dispositions de la loi ou du Code civil du Québec, car le résultat serait le même. Telus doit rembourser les frais qu'elle a perçus en raison de cette augmentation illégale. Par contre, les membres du groupe n'ont pas le droit de recevoir une indemnité à titre de dommages moraux. Même si la seule preuve d'une contravention aux dispositions de la loi emporte une présomption absolue de préjudice, le préjudice moral subi par le consommateur, bien qu'il soit difficilement quantifiable, doit tout de même être prouvé par prépondérance de preuve. Une simple affirmation générale ou l'allégation d'un préjudice quelconque ne suffit pas. En l'espèce, contrairement à Richard c. Time Inc. (C.S. Can., 2012-02-28), 2012 CSC 8, SOQUIJ AZ-50834275, 2012EXP-836, J.E. 2012-469, [2012] 1 R.C.S. 265, aucune preuve n'a été faite à cet égard. La colère et l'indignation générale invoquées par la demanderesse n'ont pas été suffisamment démontrées. De plus, dans les circonstances, le fait pour Telus d'avoir eu à faire face à un recours collectif et de devoir rembourser les sommes reçues en raison de cette augmentation illégale remplit les objectifs de dissuasion et de prévention sans qu'il soit nécessaire d'accorder, en sus, une indemnité à titre de dommages exemplaires. D'ailleurs, Telus a fait valoir des arguments légitimes et elle n'a pas fait preuve d'ignorance, d'insouciance ou de négligence sérieuse. La réclamation totale des membres du groupe qui ont payé 0,15 $ par message texte entrant est établie à 2 590 762 $. Le recouvrement collectif de cette somme aura lieu lorsque Telus aura précisé le montant des taxes perçues en trop. Quant aux membres qui avaient acheté un forfait comprenant la messagerie texte pour éviter les nouveaux frais, la somme à recouvrer ainsi que le mode de recouvrement seront déterminés ultérieurement. Le recours des membres qui utilisaient un téléphone généralement réservé à la clientèle d'affaires principalement à des fins autres que des fins d'affaires est réservé. Enfin, le recours de ceux qui avaient résilié leur contrat ou qui avaient désactivé la messagerie texte en raison de l'augmentation du tarif est rejeté, car leur réclamation ne visait que les dommages moraux et exemplaires.


Dernière modification : le 8 avril 2014 à 16 h 12 min.