En bref
Le jugement de première instance, qui n'autorisait pas un recours collectif contre des compagnies pharmaceutiques fabriquant certains médicaments contre le rhume destinés aux jeunes enfants, est confirmé.
L'appelante, qui cherchait à faire autoriser un recours collectif contre des compagnies pharmaceutiques, n'a notamment pas établi prima facie que celles-ci auraient fait des déclarations mensongères quant à la dangerosité de médicaments contre le rhume destinés aux jeunes enfants.
Résumé de l'affaire
Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une requête pour autorisation d'exercer un recours collectif. Rejeté.
Au cours de la semaine du 1er octobre 2007, l'appelante a notamment acheté et administré à ses enfants les produits Dimetapp et Tylenol pour nourrissons. Le 11 octobre suivant, Santé Canada a manifesté des inquiétudes quant à l'innocuité des produits offerts en vente libre contre la toux et le rhume pour les enfants de moins de deux ans. Le lendemain, les compagnies pharmaceutiques intimées ont décidé de retirer du marché certains de leurs médicaments en vue de réduire les risques associés au surdosage. Le même jour, avant même de consulter son médecin ou son pharmacien, l'appelante a déposé une requête pour autorisation d'exercer un recours collectif contre les entreprises pharmaceutiques intimées, reprochant à celles-ci d'avoir fait preuve de négligence en ne mettant pas en garde le public contre l'utilisation de leurs produits destinés à être consommés par des enfants. Plus tard, elle leur a aussi reproché d'avoir été négligentes dans l'obtention de la preuve ou dans la conduite de tous les tests appropriés démontrant que leurs produits étaient efficaces. Elle cherchait alors un remboursement intégral des sommes versées pour l'acquisition des médicaments litigieux ainsi que des dommages-intérêts compensatoires de 500 $. Elle recherchait aussi une condamnation à des dommages exemplaires de 100 $ pour chaque membre du groupe en raison de prétendus manquements par les intimées aux obligations imposées par la Loi sur la protection du consommateur. Finalement, elle voulait être désignée représentante du groupe. Le juge de première instance a conclu que les reproches formulés n'étaient pas fondés et que ni l'appelante ni ses enfants n'avaient subi de préjudice, les médicaments administrés ayant répondu aux attentes. Il a aussi conclu que les avis de Santé Canada ne mettaient en relief que l'efficacité non démontrée de certains médicaments et que la dangerosité de ceux-ci découlerait du non-respect de la posologie recommandée. Finalement, il a déterminé que, puisque l'appelante n'avait observé chez ses enfants aucun problème lié aux produits des intimées et qu'elle n'avait de toute façon subi aucun dommage, elle ne pouvait donc prétendre pouvoir agir à titre de représentante du groupe.
Résumé de la décision
M. le juge Gagnon: D'une part, l'appelante a omis, dans sa procédure, d'inclure le médicament «Tylenol rhume pour nourrissons» dans la liste des produits qu'elle a dénoncés, de sorte qu'un lien de droit avec l'intimée McNeil PDI inc. est loin de s'imposer à l'esprit. D'autre part, l'appelante, informée de l'existence d'un programme mis en place par l'intimée Wyeth Soins de santé inc. aux fins de rembourser volontairement les consommateurs du prix d'achat de leurs produits, a choisi de ne pas s'en prévaloir. Or, la règle de la proportionnalité l'invitait à considérer sérieusement la possibilité de recourir à ce mode d'indemnisation à l'amiable avant d'entreprendre un recours judiciaire recherchant la même finalité. Le juge de première instance n'a pas erré dans son analyse de la condition prévue à l'article 1003 b) du Code de procédure civile. L'appelante a cherché à démontrer qu'elle avait un intérêt suffisant en vertu de la Loi sur la protection du consommateur, qui crée une présomption de préjudice absolu en cas d'atteinte. Or, elle n'a pas prouvé, même prima facie, que les produits qu'elle avait achetés étaient objectivement nocifs pour la santé des enfants lorsqu'ils étaient consommés selon les prescriptions du fabricant, lesquelles dénonçaient le spectre de la dangerosité relié à une consommation abusive, et qu'il y aurait eu de fausses déclarations à ce sujet. Par ailleurs, il ne saurait être question d'accuser les intimées d'avoir négligé de signaler avec diligence un fait important concernant la sécurité de leurs produits alors qu'elles ont agi dans les jours suivant l'avis de Santé Canada pour retirer volontairement certains de ceux-ci du marché. Quant à l'efficacité des produits,l'appelante a confondu l'absence de preuve relative à leur efficacité avec la preuve de leur inefficacité. Le fait de détenir des données limitées sur l'efficacité des produits ne permet pas d'inférer qu'il s'agit là d'une indication sérieuse et concrète qu'ils sont inefficaces. Eu égard à la réclamation de dommages punitifs selon la Loi sur la protection du consommateur, il n'y a pas eu insouciance marquée à l'égard du consommateur. Les arguments invoqués par l'appelante en vertu de la Loi sur la concurrence et de la Loi sur les aliments et drogues ne sont pas valables non plus. Dans le premier cas, il n'a jamais été question d'un caractère intentionnel et malveillant associé à l'attitude des intimées. Dans le second, l'appelante n'a pas reproché d'irrégularité dans l'étiquetage ou la présence de publicité mensongère. Finalement, elle n'aurait pu se voir reconnaître le statut de représentante du groupe, les démarches qu'elle a effectuées étant trop sommaires, et elle n'a pas établi que les membres accepteraient qu'elle agisse à ce titre.