La Dépêche
ACTION COLLECTIVE (RECOURS COLLECTIF) : Le tribunal n'a pas erré en rejetant une demande d'autorisation d'exercer une action collective visant des émetteurs de cartes de crédit ayant occasionnellement permis à des consommateurs d'effectuer des transactions dépassant la limite indiquée dans leur contrat de crédit.
PROTECTION DU CONSOMMATEUR : Contrairement aux prétentions de l'appelante, les émetteurs de cartes de crédit qui permettent à un consommateur de dépasser sa limite de crédit sans avoir obtenu leur accord exprès ne contreviennent pas à l'article 128 de la Loi sur la protection du consommateur puisqu'un tel dépassement n'équivaut pas à une augmentation de la limite de crédit; l'appel est donc rejeté.
BANQUES ET INSTITUTIONS FINANCIÈRES : Le juge de première instance n'a pas erré en refusant d'autoriser une action collective contre des émetteurs de cartes de crédit puisque le Règlement sur les pratiques commerciales en matière de crédit (banques, banques étrangères autorisées, sociétés de fiducie et de prêt, associations de détail, sociétés d'assurances canadiennes et sociétés d'assurances étrangères) fait une distinction claire entre une augmentation de la limite de crédit — qui nécessite un consentement exprès de l'emprunteur — et le dépassement de cette limite.
Résumé
Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande d'autorisation d'exercer une action collective. Rejeté.
Tant l'article 6 du Règlement sur les pratiques commerciales en matière de crédit (banques, banques étrangères autorisées, sociétés de fiducie et de prêt, associations de détail, sociétés d'assurances canadiennes et sociétés d'assurances étrangères) que l'ancienne et la nouvelle version de l'article 128 de la Loi sur la protection du consommateur interdisent aux émetteurs de cartes de crédit d'augmenter la limite du montant du crédit associé à de telles cartes sans l'accord exprès du consommateur. Or, les intimées, qui sont toutes des institutions émettrices de cartes de crédit, permettent à l'occasion à leurs clients de réaliser une ou plusieurs transactions faisant dépasser cette limite de crédit. Estimant qu'une telle pratique contrevient à l'interdiction énoncée à l'article 6 du règlement et à l'article 128 de la loi, l'appelante a demandé l'autorisation d'exercer une action collective. Le juge de première instance a rejeté cette demande au motif que la lecture faite par l'appelante des dispositions invoquées, et sur laquelle reposait son syllogisme juridique, était erronée. Selon l'appelante, le juge a erré en interprétant les dispositions au stade de l'autorisation et aurait dû déférer la question de droit au juge du fond puisque la réponse nécessitait l'administration d'une preuve complète et une analyse juridique dépassant le niveau d'analyse pouvant être fait au stade de l'autorisation.
Décision
M. le juge Sansfaçon: D'une part, le juge n'a pas erré en choisissant de résoudre la question de droit dont dépendait le sort de l'action projetée dès l'étape de l'autorisation, et ce, bien que sa solution ait pu commander une analyse juridique plus poussée. D'autre part, il n'a pas erré non plus dans la réponse donnée à la question visant à déterminer si les intimées contreviennent au Règlement sur les pratiques commerciales en matière de crédit (banques, banques étrangères autorisées, sociétés de fiducie et de prêt, associations de détail, sociétés d'assurances canadiennes et sociétés d'assurances étrangères) et à la Loi sur la protection du consommateur en permettant un dépassement de la limite de crédit sans consentement préalable du client. Ayant employé l'approche moderne d'interprétation législative, le juge a conclu que le but de l'ancien article 128 de la loi était d'interdire les augmentations unilatérales par l'institution émettrice de la limite jusqu'à concurrence de laquelle un crédit variable avait été consenti, mais non d'interdire les dépassements susceptibles d'être faits par le consommateur et acceptés par l'institution émettrice. Quant aux nouveaux articles 128 à 128.3, entrés en vigueur le 1er août 2019, le juge a conclu que le législateur avait voulu conserver l'interdiction d'augmenter la limite de crédit sans le consentement exprès du client et que, par ses modifications, il avait voulu imposer des conditions aux institutions lorsqu'elles laissent le consommateur effectuer un dépassement de cette limite, jusqu'alors autorisé, lorsque la limite demeure inchangée. Ainsi, et contrairement à l'interprétation proposée par l'appelante, il est manifeste que la nouvelle mouture de la loi fait une distinction entre l'augmentation de la limite de crédit et son dépassement et que le dépassement peut se produire sans que cela équivaille à une augmentation de la limite de crédit.
En ce qui a trait à la contravention alléguée au règlement, le juge a estimé que le texte même du règlement indique lui aussi qu'il peut y avoir dépassement de la limite sans que l'institution émettrice soit obligée d'obtenir chaque fois le consentement exprès du consommateur. La lecture des articles 5 et 6 permet en effet de constater que le règlement fait une distinction claire entre une augmentation de la limite de crédit et le dépassement de la limite.