CONTRAT DE SERVICES : Dans le contexte d'une action collective intentée contre Telus Mobilité et Société Telus Communications au motif que les clauses de résiliation figurant dans leurs contrats à durée déterminée de services de téléphonie sont abusives, le juge de première instance n'a pas commis d'erreur en concluant que les membres du groupe n'avaient pas renoncé à leur droit de résilier leur contrat et que les frais de résiliation devaient être calculés conformément à la clause contractuelle et non en vertu de l'article 2129 C.C.Q.
PROTECTION DU CONSOMMATEUR : Les clauses de résiliation figurant dans les contrats de téléphonie sont manifestement abusives puisqu'elles permettent à Telus Mobilité et à Société Telus Communications de réclamer des frais de résiliation qui excèdent de façon très substantielle le préjudice subi en raison de la résiliation avant terme des contrats; en l'espèce, ces clauses désavantagent le consommateur d'une manière excessive et déraisonnable.
ACTION COLLECTIVE (RECOURS COLLECTIF) : L'action collective intentée contre Telus Mobilité et Société Telus Communications, au motif que les clauses de résiliation figurant dans leurs contrats à durée déterminée de services de téléphonie sont abusives, est accueillie en partie.
Résumé
Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une action collective visant à réclamer le remboursement de frais payés lors de la résiliation de contrats à durée déterminée de services de téléphonie. Accueilli en parti.
Le recours autorisé comprend 2 groupes distincts: 1) un groupe composé de personnes auxquelles Telus Mobilité (TM) a facturé des frais lors de la résiliation de leur contrat à durée déterminée de téléphonie sans fil; 2) un second groupe formé de personnes auxquelles Société Telus Communications (STC) a facturé de tels frais en ce qui a trait à la téléphonie filaire.
Le juge de première instance a conclu que les frais de résiliation avaient été dénoncés de manière suffisamment précise, qu'ils n'étaient pas abusifs (art. 1437 du Code civil du Québec (C.C.Q.)) et qu'ils n'équivalaient pas à une exploitation des consommateurs (art. 8 de la Loi sur la protection du consommateur) puisqu'ils n'excédaient pas le préjudice réellement subi par les intimées et qu'ils ne contrevenaient pas au droit des membres de résilier unilatéralement leurs contrats. Selon lui, les membres n'avaient pas droit à une indemnité pour dommages punitifs puisqu'il n'y avait pas eu manquement à une obligation imposée par la Loi sur la protection du consommateur.
Décision
Les membres qui ont conclu par téléphone une entente avec STC pour des services de téléphonie filaire ont conclu un contrat à distance au sens de l'article 54.1 de la Loi sur la protection du consommateur. L'article 54.4 de la loi énumère les renseignements que le commerçant doit divulguer au consommateur avant la conclusion d'un tel contrat. En l'espèce, la conversation téléphonique enregistrée au moment de la conclusion du contrat démontre que le représentant de STC, malgré des consignes de son employeur qui prévoyaient le contraire, n'a pas mentionné au représentant du groupe, Gauthier, l'imposition de frais en cas de résiliation. La preuve ne permet cependant pas de conclure que les autres membres sont dans la même situation que ce dernier, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas été informés de l'existence de frais en cas de résiliation. Au surplus, l'article 272 de la loi, si cette disposition s'applique dans les circonstances, permet au consommateur de demander la réduction de son obligation, mais ne lui garantit pas que le tribunal l'accordera. Tout est une question de circonstances. Or, l'article 54.4 vise à informer adéquatement le consommateur pour lui permettre de faire un choix éclairé avant de s'engager par un contrat à distance. En l'espèce, la preuve démontre que Gauthier est client de STC depuis 1981 et que cette clause de résiliation se trouvait dans les 5 derniers contrats qu'il avait signés pour obtenir le service filaire. Il serait donc inapproprié d'ordonner le remboursement des frais de résiliation qu'il a payés au motif que le représentant de STC ne l'a pas informé de l'existence de la clause de résiliation lors de l'appel téléphonique.
D'autre part, le juge n'a pas commis d'erreur en concluant que les membres n'avaient pas renoncé à leur droit de résilier leur contrat et que les frais de résiliation devaient être calculés conformément à la clause contractuelle et non en vertu de l'article 2129 C.C.Q. Tel qu'il est énoncé dans Gagnon c. Bell Mobilité inc. (C.A., 2016-09-20), 2016 QCCA 1496, SOQUIJ AZ-51324123, 2016EXP-3081, J.E. 2016-1664, le client a le droit de résilier unilatéralement son contrat, et l'appréciation du caractère abusif de la clause de résiliation doit se faire en tenant compte de l'équilibre économique entre les parties, y compris le nombre de personnes visées, et du caractère disproportionné ou non de cette clause. En l'espèce, le juge a commis une erreur manifeste et déterminante en retenant que la prestation exigible des membres du groupe — en lien avec la clause de résiliation prévue dans le contrat — devait être établie en fonction des sommes perçues par les intimées. Cette erreur a été induite par le rapport d'expert produit par les intimées, lequel fait totalement abstraction des exigences énoncées à l'article 1437 C.C.Q.
Les clauses de résiliation sont manifestement abusives puisqu'elles permettent aux intimées de réclamer des frais de résiliation qui excèdent de façon très substantielle le préjudice qu'elles ont subi en raison de la résiliation avant terme des contrats. Elles désavantagent le consommateur d'une manière excessive et déraisonnable. La clause permet à TM de réclamer environ 49 % de plus que le préjudice subi et à STC, environ 38 %.
Dans ces circonstances, il y a lieu d'ordonner le recouvrement individuel des réclamations et de renvoyer le dossier au juge pour fixer les modalités de remboursement des membres qui ont payé des frais de résiliation supérieurs à 226,71 $, dans le cas de TM, et à 201,38 $, dans le cas de STC.