Résumé de l'affaire
Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli une demande d'autorisation d'exercer une action collective. Accueilli, avec dissidence.
L'intimée reproche à l'appelant d'avoir commis des agressions sexuelles ou du harcèlement sexuel à l'endroit de nombreuses femmes au cours d'une période de 34 ans.
Décision
M. le juge Hamilton, à l'opinion duquel souscrit le juge Vauclair: Le recours ne présente aucune question identique, similaire ou connexe qui permet l'avancement du litige de façon non négligeable. En ce qui a trait à la faute, le juge de première instance a reconnu que les gestes reprochés à l'appelant devraient être prouvés de façon individuelle. Cependant, il a retenu l'existence d'un modus operandi qui pourrait quant à lui être traité sur une base collective. Or, le seul élément de ce modus operandi qui peut être examiné de façon collective est le statut de l'appelant, soit le fait qu'il était en situation de pouvoir et d'influence, et la preuve à cet égard sera objective et vraisemblablement peu controversée. Dans un tel contexte, cet aspect ne fera pas progresser le dossier de façon non négligeable.
En ce qui concerne la prescription, la seule question commune serait le volet objectif de l'impossibilité d'agir, qui porterait sur le statut de l'appelant et sur les résultats des accusations criminelles passées. Cela est sans commune mesure avec le volet subjectif de l'analyse, qui nécessitera un examen de l'état d'esprit de chacune des membres.
Le juge a erré relativement aux dommages-intérêts compensatoires. En effet, ceux-ci feront l'objet d'une analyse individuelle, de la même manière que l'examen de la faute alléguée par chaque membre.
Quant aux dommages punitifs réclamés en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, le juge a également erré en retenant le caractère illicite et intentionnel de l'atteinte à titre de question commune. À cet égard, le présent dossier se distingue de ceux dans lesquels la faute est la même pour tous et dont le caractère intentionnel peut être apprécié collectivement. En l'espèce, il s'agit d'une série de fautes qui auraient été commises sur une longue période, chacune ayant sa propre trame factuelle. En raison des critères applicables, la détermination du quantum de tels dommages serait aussi principalement tributaire d'une analyse au cas par cas.
Mme la juge Bélanger, dissidente: Le fait que les victimes prétendent avoir été agressées par le même agresseur dans un contexte d'abus de pouvoir présente un caractère de connexité évident. Même si plusieurs évaluations individuelles devront être conduites, la règle de la proportionnalité fait en sorte qu'il est préférable qu'une partie des questions soient tranchées de façon commune. Par ailleurs, le juge n'a commis aucune erreur en tenant compte de l'objectif social de l'action collective. Il n'a pas erré non plus dans sa définition du groupe. Bref, le jugement rendu est très bien motivé, il répond à toutes les objections formulées par l'appelant et sa lecture ne laisse voir aucune erreur de droit ni aucune erreur manifeste dans l'appréciation des critères d'autorisation.