En bref

Une compagnie est condamnée à verser 100 000 $ à titre de dommages exemplaires à un consommateur après avoir omis de lui indiquer, dans l'envoi de documents relatifs à une loterie promotionnelle, que l'obtention du prix qui y était indiqué était conditionnelle à la détention d'un numéro gagnant.

Résumé de l'affaire

Action en réclamation d'une somme d'argent (1 250 887 $). Accueillie en partie (101 000 $).

Le 26 août 1999, le demandeur a reçu de la défenderesse Time inc. un document intitulé «Official Sweepstakes Notification» et qui était entièrement rédigé en anglais. Les premières lignes de ce document informaient le demandeur qu'il avait gagné un prix de 833 337 $ US et qu'un chèque pour cette somme était sur le point de lui être envoyé. Il était plus loin indiqué: «If you have and return the Grand Prize winning entry in time and correctly answer a skill-testing question, we'll confirm that we are now authorized to pay $833,337.00 in cash to Mr. Jean Marc Richard.» Au verso du document, il était indiqué qu'il recevrait un boni de 100 000 $ US s'il répondait à cet avis dans les cinq jours. Le lendemain, le demandeur a renvoyé le coupon-réponse et y a apposé deux sceaux, l'un pour obtenir son prix et le second pour un abonnement de deux ans au Time Magazine avec, en cadeau, une caméra et un album photos. Il a reçu, le mois suivant, le magazine ainsi que la caméra et l'album mais n'a jamais reçu le chèque. Il réclame le paiement de la somme promise ou, subsidiairement, l'équivalent à titre de dommages compensatoires et exemplaires. Les défenderesses allèguent que l'action est mal fondée puisque le demandeur ne détenait pas le numéro gagnant et que le document était une invitation à participer à une loterie, et non un avis de notification de gain.

Résumé de la décision

Le document ne contient aucune obligation contractuelle de la part de Time de payer 833 337 $ US au demandeur. Il ne s'agit ni d'une offre inconditionnelle de contracter ni d'une promesse inconditionnelle de payer une telle somme. Au contraire, chaque fois que le document indique, en caractères gras, que le demandeur a gagné un prix comptant de 833 337 $, cette affirmation est tempérée ailleurs, en caractères plus petits et en des termes ambigus. Même la section de la lettre destinée à rassurer le lecteur incrédule est conditionnelle. Bien que le langage conditionnel utilisé soit équivoque et que la grammaire, la structure des phrases et l'utilisation créative de différents styles soient conçues de façon à confondre et à tromper, il est néanmoins impossible de conclure que Time a fait une offre inconditionnelle de payer un prix de 833 337 $ US au demandeur qui pouvait être acceptée uniquement en renvoyant un coupon-réponse, que le numéro sur son avis soit le numéro gagnant ou non.Le document en question était expressément conçu pour tromper son destinataire et contenait de fausses représentations, aux termes de l'article 219 de la Loi sur la protection du consommateur. L'impression générale qu'il donnait au lecteur était qu'il venait de gagner 833 337 $ US, et ce, malgré les mises en garde prudemment rédigées qui y figuraient et la signification des mots choisis par Time pour attirer l'attention du destinataire sur de la publicité pour le magazine. La personne ayant signé le document n'existe pas et n'est pas directrice des loteries. Time a donc faussement donné à une personne un statut ou une identité, contrairement aux articles 238 et 219 de la loi. Elle ne lui a pas divulgué qu'il pouvait ne pas être un gagnant, mais plutôt un perdant,,,  ou l'a noyé dans un flot de texte,,, , dans le but de l'inciter à répondre et, éventuellement, à souscrire par la même occasion un abonnement à son magazine. Cette omission de lui mentionner un fait important, soit la détention du numéro gagnant, est trompeuse selon l'article 228 de la loi. Il est difficile, sinon impossible, pour le destinataire de repousser l'impression d'avoir gagné un prix important en lisant les plus petits caractères, les mises en garde ambiguës étant beaucoup plus difficiles à repérer, spécialement pour quelqu'un à qui l'on dit qu'il pourrait perdre son prix s'il ne répond pas immédiatement. La publicité envoyée au demandeur avait la capacité de tromper un consommateur francophone moyen du Québec. Les défenderesses devront verser au demandeur 1 000 $ à titre de dommages moraux. Time n'a pas contrevenu seulement à la Loi sur la protection du consommateur, mais également aux articles 52, 55 et 58 de la Charte de la langue française, ce dont il faut tenir compte dans l'attribution d'une indemnité pour dommages exemplaires. Les défenderesses devront lui verser 100 000 $ à ce titre.


Dernière modification : le 16 juillet 2007 à 10 h 10 min.