En bref

Un fabricant de véhicules automobiles a l'obligation, à l'égard d'un concessionnaire autorisé, de lui rendre rapidement disponibles les pièces de rechange nécessaires au fonctionnement d'un véhicule; cette obligation est transmise aux acheteurs en vertu des principes énoncés dans General Motors Products of Canada Ltd. c. Kravitz (C.S. Can., 1979-01-23), SOQUIJ AZ-79111057, [1979] 1 R.C.S. 790.

Bien que le résidant québécois ait acheté son véhicule en Ontario, le tribunal québécois a compétence pour entendre son recours en dommages-intérêts intenté contre le fabricant, qui a un établissement au Québec.

Résumé de l'affaire

Requête en dommages-intérêts (1 648 $). Accueillie.

Le 21 août 2007, le demandeur, un résidant de l'Outaouais, a acheté d'Orléans Dodge Chrysler Jeep, un concessionnaire ayant sa place d'affaires à Ottawa, un véhicule automobile neuf de marque Jeep Patriot. Le 19 janvier 2008, il a eu un accident de la route au Québec. Afin de pouvoir réparer le boîtier électronique du moteur, le mécanicien devait se procurer un faisceau électrique qui n'était pas disponible auprès du fabricant, la défenderesse, Chrysler Canada inc. Ainsi, les travaux de réparation n'ont pu débuter avant le 11 avril. Le demandeur réclame 1 648 $ à la défenderesse, représentant les frais de location d'un véhicule qui n'étaient pas couverts par sa police d'assurance. Il soutient que, à titre de fabricante, cette dernière avait l'obligation de s'assurer qu'elle était en mesure de fournir les pièces de rechange de ses produits dans un délai raisonnable (art. 39 de la Loi sur la protection du consommateur). Pour sa part, la défenderesse conteste la compétence de la Division des petites créances de la Cour du Québec pour entendre le litige étant donné que le demandeur a acheté son véhicule en Ontario d'un commerçant n'ayant pas de place d'affaires au Québec et que le faisceau électrique a été commandé auprès d'un concessionnaire ontarien. Subsidiairement, elle allègue que les lois québécoises ne s'appliquent pas à un contrat conclu dans cette province. Enfin, elle prétend qu'elle n'était pas tenue de garder en stock une pièce nécessitant rarement d'être remplacée.

Résumé de la décision

Le présent tribunal a compétence pour entendre la requête, car la défenderesse est une personne morale qui a un établissement au Québec et la réclamation du demandeur est reliée à l'une de ses activités, soit sa capacité de fournir à ses clients québécois des pièces de rechange, et ce, peu importe qu'elles proviennent d'un entrepôt québécois ou ontarien (art. 3148 paragr. 2 du Code civil du Québec (C.C.Q.)). De plus, selon les prétentions du demandeur, une faute aurait été commise au Québec, un préjudice y aurait été subi et un fait dommageable s'y serait produit en raison du manquement de la défenderesse à remplir cette obligation (art. 3148 paragr. 3 C.C.Q.). D'ailleurs, au moment de la formation du contrat de vente du véhicule, celle-ci a été implicitement contractée par la défenderesse envers son concessionnaire ontarien et transmise par ce dernier à son client québécois, le tout conformément au mode de transmission des obligations aux ayants cause à titre particulier établi dans General Motors Products of Canada Ltd. c. Kravitz (C.S. Can., 1979-01-23), SOQUIJ AZ-79111057, [1979] 1 R.C.S. 790. En outre, les tribunaux québécois ont compétence pour décider de l'action fondée sur un contrat de consommation lorsque le consommateur a sa résidence au Québec (art. 3149 C.C.Q.). D'autre part, les lois québécoises s'appliquent au présent litige, car c'est à partir de son entrepôt situé au Québec que la défenderesse alimente en pièces de rechange les concessionnaires et les consommateurs québécois, et c'est exclusivement à partir de son bureau régional du Québec qu'elle assure le service après-vente auprès de ses clients québécois (art. 3128 C.C.Q.). Or, en vertu des articles 39 et 54 de la Loi sur la protection du consommateur, le fabricant est tenu de fournir des pièces de rechange pendant une durée raisonnable après la formation du contrat, et ce, peu importe les raisons pour lesquelles leur remplacement est requis. Compte tenu de l'âge du véhicule du demandeur, de la nature de la pièce à remplacer et du caractère prévisible de la nécessité de changer cette dernière éventuellement, la défenderesse a été négligente en omettant de fournir le faisceau électrique dans un délai raisonnable de un mois.


Dernière modification : le 20 novembre 2009 à 12 h 57 min.