Résumé de l'affaire

Demande en réclamation de dommages-intérêts (203 969 $). Accueillie en partie (120 000 $). Demande reconventionnelle en réclamation d'une somme d'argent (10 867 $). Accueillie.
La demanderesse a obtenu un contrat pour la construction de 3 immeubles locatifs au Nunavut. Elle a choisi de faire préfabriquer les bâtiments par la défenderesse. La défenderesse a dessiné et conçu 345 panneaux qui devaient servir à la construction des planchers, des murs extérieurs, des murs mitoyens et des toits des immeubles. Pour des raisons de compétitivité contractuelle, la demanderesse n'a pas fait affaire directement avec la défenderesse, mais plutôt avec des sous-traitants. Elle est donc une tierce partie à ce contrat. Or, la demanderesse prétend que ces panneaux de structure préfabriqués comportent des vices cachés. Des problèmes de gauchissement et des dimensions erronées ont notamment été constatés. De plus, la finition des panneaux a été exécutée jusqu'à leur périmètre, ce qui rend impossible de les joindre les uns aux autres sans les ouvrir en partie. Ces défauts compromettaient l'étanchéité du bâtiment à l'air et ils ont dû être corrigés par la demanderesse, qui réclame 203 969 $ pour le coût des travaux correctifs. La défenderesse conteste la demande au motif que la demanderesse a omis de dénoncer les vices par écrit ainsi que de la mettre en demeure préalablement à l'exécution des travaux correctifs.

Décision

La conception et la fabrication des panneaux relèvent de l'expertise et des capacités d'exécution de la défenderesse, qui s'engageait à réaliser un ouvrage intellectuel et matériel. Faute de preuve démontrant que la valeur du bien est plus importante que les éléments indispensables à sa réalisation, il s'agit a priori d'un contrat d'entreprise plutôt que d'un contrat de vente (Gestion J.P. Brousseau inc. c. Drummond Mobile Québec inc. (C.A., 2014-01-30), 2014 QCCA 152, SOQUIJ AZ-51039351, 2014EXP-542, J.E. 2014-277). L'entrepreneur est tenu, à l'égard des biens fournis, aux mêmes garanties que le vendeur. Toutefois, le critère du caractère caché ou occulte du vice n'est pas rempli. En effet, la presque totalité des défectuosités ont pu être constatées dès la réception des panneaux. L'omission de la défenderesse de respecter ses obligations envers son cocontractant peut quand même être source de responsabilité extracontractuelle envers un tiers, soit la demanderesse (Emballages Alpha inc. c. Industries Rocand inc. (C.A., 2011-06-14), 2011 QCCA 1114, SOQUIJ AZ-50760962, 2011EXP-2001, J.E. 2011-1091).

La preuve des défectuosités des panneaux n'est pas contredite. Leur fabrication n'est pas conforme aux usages ni aux règles de l'art. L'utilisation des panneaux n'était pas possible sans préalablement corriger les vices de conception et de fabrication. Les échanges de courriels et les discussions entre les parties étaient suffisants pour permettre à la défenderesse de saisir l'ampleur des problèmes. Il lui revenait alors de dépêcher des représentants sur les lieux et d'offrir des solutions. Ne l'ayant pas fait, elle ne peut invoquer l'insuffisance de la mise en demeure. Le chantier se situe dans le Grand Nord, dans un endroit qui n'est desservi qu'une fois par année par le transport maritime de marchandises. La demanderesse, qui avait l'obligation de réduire ses dommages, pouvait corriger elle-même les défectuosités puisqu'elle disposait des ressources nécessaires sur place. En l'absence de preuve précise quant à la valeur des travaux correctifs, le tribunal lui accorde 120 000 $.


Dernière modification : le 16 août 2022 à 12 h 51 min.