La Dépêche
CONTRAT DE SERVICES : Pour avoir manqué à son obligation d'assistance lors d'une excursion au camp de base de l'Everest, une agence de voyages est condamnée à verser 1 000 $ à une cliente; cette dernière, qui a dû redescendre sans le groupe avec l'aide d'un porteur, a souffert d'anxiété étant donné que le guide avait gardé en sa possession les médicaments contre le mal de l'altitude qui lui étaient destinés.
DROITS ET LIBERTÉS : Il n'y a pas eu d'atteinte aux droits fondamentaux de la demanderesse lors d'une excursion au camp de base de l'Everest; elle n'a pas été laissée à elle-même et sa vie n'a pas été en danger lorsqu'elle a dû quitter le groupe pour redescendre à une altitude inférieure en compagnie d'un porteur népalais.
DOMMAGE (ÉVALUATION) : Lors d'une excursion au Népal au cours de laquelle elle a dû redescendre le mont Everest sans son groupe en compagnie d'un porteur népalais, la demanderesse a souffert d'anxiété parce qu'elle ne disposait pas de ses médicaments contre le mal de l'altitude, lesquels avaient été conservés par le guide; l'agence de voyages doit lui verser une indemnité de 1 000 $.
Résumé
Demande en réclamation de dommages moraux et de dommages-intérêts (5 000 $). Accueillie en partie contre 1 seul défendeur (1 000 $).
La demanderesse a fait affaire avec l'agence de voyages défenderesse pour une excursion au camp de base de l'Everest. Or, le matin du 2 avril 2008, elle ressentait une fatigue extrême, des tremblements, des vertiges ainsi que des palpitations et elle se sentait nauséeuse. Après une discussion avec le défendeur, qui guidait le groupe, un itinéraire modifié a été préparé afin qu'elle redescende à une altitude plus sécuritaire. Un porteur népalais d'expérience a été désigné pour l'accompagner pendant les 2 jours du chemin du retour. La demanderesse prétend avoir été laissée à elle-même, sans médicaments contre le mal de l'altitude, lesquels avaient été conservés par le guide, sans argent et sans réseau cellulaire, en proie à une situation anxiogène, voire dangereuse. Elle réclame 5 000 $ aux défendeurs pour avoir porté atteinte à son droit protégé par l'article 2 de la Charte des droits et libertés de la personne ainsi que 5 000 $ à titre de dommages contractuels.
Décision
Les défendeurs n'ont pas porté atteinte au droit de la demanderesse d'obtenir du secours. Elle n'a pas été laissée à elle-même et sa vie n'a pas été en péril. La décision de rebrousser chemin a été mûrement réfléchie et discutée avec le défendeur, un guide d'expérience ayant une quinzaine d'expéditions semblables à son actif. Celui-ci lui a préparé un nouvel itinéraire et il a désigné le meilleur porteur népalais disponible pour accompagner la demanderesse. Ce porteur ne parlait ni le français ni l'anglais, mais il a fait son travail en transportant le matériel de la demanderesse, en lui indiquant correctement le chemin à suivre et en l'emmenant le plus rapidement possible à une altitude sécuritaire. La demanderesse détenait par ailleurs une carte de crédit pour subvenir à ses besoins en attendant le retour du groupe. Quant à l'absence de réseau cellulaire, elle n'a rien d'étonnant dans la région de l'Everest. Dans les circonstances, le défendeur, qui devait continuer l'excursion avec les autres membres du groupe, a agi de la meilleure manière possible. Le fait qu'il ait gardé avec lui les médicaments spécialisés destinés à la demanderesse après avoir décidé qu'elle devait rebrousser chemin ne constitue pas non plus un refus de lui porter secours.
Par ailleurs, il est indéniable que la demanderesse a subi des dommages après avoir dû rebrousser chemin en empruntant le nouvel itinéraire préparé pour elle. Elle témoigne avoir vécu des moments d'angoisse qui se sont matérialisés par 2 arrêts de travail après son retour au pays. Or, les publications sur sa page Facebook durant cette période incitent le tribunal à nuancer son témoignage. Le stress et l'inquiétude qu'elle allègue avoir vécus ne sont pas attribuables à une faute ou à une inexécution contractuelle de la part des défendeurs. La demanderesse présentait d'ailleurs déjà une certaine fragilité à l'anxiété. D'autre part, l'information qui lui avait été transmise avant le voyage était adéquate et les risques inhérents à une expédition en altitude lui avaient été expliqués. Le guide a correctement évalué les symptômes rapportés par la demanderesse, qui n'avaient rien d'inquiétant à cette altitude. Par contre, il a probablement mésestimé l'anxiété de sa cliente ainsi que sa capacité à gérer les médicaments qui lui étaient destinés. Le fait de ne pas les avoir eus en sa possession pour redescendre vers une altitude inférieure a contribué au stress qu'elle a vécu. Cette erreur d'évaluation ayant eu un effet contributif, mais non principal, sur les dommages subis par la demanderesse pendant une période de 2 jours doit être évaluée de façon proportionnelle. Ainsi, une somme de 500 $ par jour est accordée à la demanderesse pour l'omission de lui remettre ses médicaments. Cette obligation d'assistance était toutefois celle de l'agence de voyages, et non celle du guide, qui n'a commis aucune faute.