En bref

Vidéotron a enfreint les articles 12 et 40 de la Loi sur la protection du consommateur en modifiant en cours de contrat la limite de consommation d'un forfait Internet qu'elle offrait à ses clients et en imposant des frais pour l'utilisation excédentaire de gigaoctets.

Résumé de l'affaire

Recours collectif en réclamation d'une somme d'argent, de dommages punitifs et de dommages moraux. Accueilli en partie.

Entre 2003 et le 1er octobre 2007, la défenderesse, Vidéotron, s.e.n.c., offrait un forfait Internet haute vitesse Extrême (IHVE) à ses clients permettant une utilisation illimitée du service. Le 14 août 2007, afin de mettre un terme au problème de surutilisation de sa bande passante, elle a limité unilatéralement l'utilisation à 100 gigaoctets (Go) par mois à compter du 1er octobre suivant. Au-delà de cette limite, des frais de 1,50 $ par gigaoctet s'appliqueraient. Selon l'Union des consommateurs, Vidéotron a ainsi contrevenu à des dispositions d'ordre public de la Loi sur la protection du consommateur en modifiant en cours de contrat le service offert (art. 40) de même que les frais afférents à ce service (art. 12). Elle prétend que la clause permettant la modification unilatérale du contrat par Vidéotron ne peut être opposable aux consommateurs. Il y aurait donc lieu d'indemniser toute personne qui, en date du 1er octobre 2007, était abonnée au service IHVE en vertu d'un contrat d'une durée de 12 mois ou plus conclu avant le 14 août 2007. Elle réclame une réduction du prix, le remboursement des frais de surconsommation et des frais de résiliation, des dommages punitifs ainsi que des dommages moraux. Elle demande le recouvrement collectif pour les quatre premiers chefs et le recouvrement individuel pour le dernier.

Résumé de la décision

Il est indéniable qu'il y a eu violation des articles 12 et 40 de la loi. Au moment de leur engagement avec Vidéotron, rien ne permettait aux membres du groupe de prévoir la modification au tarif convenu. En s'engageant pour une durée déterminée, ils étaient en droit de s'attendre à ce que toutes les conditions essentielles de leur contrat soient respectées pendant la durée de celui-ci. La clause invoquée par Vidéotron pour modifier unilatéralement le contrat, moyennant un préavis d'au moins 30 jours, ne permet pas au consommateur de connaître précisément et à l'avance l'objet, le moment ni le montant d'une éventuelle augmentation des frais et tarifs ni dans quel contexte ou selon quelle balise circonstancielle une augmentation des frais ou tarifs pourrait être imposée. Ainsi, à première vue, cette clause semble contraire à l'objet et à la lettre de l'article 12 de la loi, qui est d'ordre public. La clause accorde au client la faculté de résilier de façon unilatérale le contrat, sans pénalité, dans l'éventualité où il refuserait la modification proposée par Vidéotron. Or, cette faculté de résiliation sans pénalité ne pallie pas le désavantage qu'en subit le consommateur, qui se voit ainsi recevoir un «cadeau empoisonné»: s'il accepte la modification, il perd le produit pour lequel il avait contracté; s'il résilie, il perd le bénéfice de la durée déterminée de son contrat à prix fixe ainsi que la perte des rabais auxquels il avait pu avoir droit en vertu de groupement en forfaits de services de Vidéotron. Les abonnés qui n'ont pas résilié leur contrat et qui ont payé des frais supplémentaires pour avoir dépassé la limite de 100 Go par mois sont en droit d'obtenir le remboursement de ces frais perçus illégalement (1 225 201 $). Ceux qui ont résilié leur contrat et qui ont payé des frais de résiliation ou perdu un rabais multiservice obtiennent des dommages-intérêts de 68 117 $ ainsi qu'une indemnité de 5 $ par mois jusqu'à l'échéance de leur contrat. Quant aux abonnés qui ont changé de forfait et payé des frais supplémentaires pour maintenir leur accès illimité à Internet, ils sont en droit de recouvrer la différence du prix payé ainsi qu'une indemnité de 10 $ par mois jusqu'à l'échéance de leur contrat. Par contre, Vidéotron n'a pas agi avec ignorance, insouciance ou négligence sérieuse au sens de l'arrêt Banque de Montréal c. Marcotte (C.S. Can., 2014-09-19), 2014 CSC 55, SOQUIJ AZ-51108752, 2014EXP-2879, J.E. 2014-1644, [2104] 2 R.C.S. 725. Elle a voulu limiter la surconsommation de sa bande passante et non augmenter ses profits. La surconsommation par certains provoquait des inconvénients à la majorité des utilisateurs. Vidéotron aurait pu se prévaloir de la clause relative à l'utilisation abusive du service Internet, mais elle ne l'a pas fait. Il s'agit peut-être d'une erreur de gestion; cependant, elle n'a pas agi de façon malicieuse ou insouciante. Il n'y a donc pas lieu d'accorder des dommages punitifs à l'ensemble des membres. Toutefois, ceux qui se sont abonnés au forfait IHVE sur la base de la publicité de Vidéotron et qui ont dû confirmer leur intention de s'abonner lors d'une conversation téléphonique avec un préposé sont en droit d'obtenir chacun 500 $ à titre de dommages punitifs. En effet, Vidéotron aurait dû les informer de la probabilité d'une modification en cours de contrat. Elle ne l'a pas fait, ce qui constitue une faute grave. Enfin, faute de preuve, la réclamation pour dommages moraux est rejetée.


Dernière modification : le 21 août 2015 à 15 h 49 min.