Résumé de l'affaire
Requête pour permission d'appeler de bene esse et appels de plein droit d'un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie une demande en dommages-intérêts. La requête est accueillie, l'appel principal est accueilli en partie et l'appel incident est rejeté. Requête pour présentation d'une preuve nouvelle. Accueillie.
En 2009, l'intimé a commencé à faire affaire avec la banque appelante. Il y a ouvert des comptes personnels ainsi que des comptes pour certaines de ses entreprises — dont l'intimée — et a obtenu une marge de crédit hypothécaire. En 2010, l'appelante a donné à l'intimée accès à son service de virements rapides. Le 1eroctobre 2012, elle a informé l'intimé qu'elle avait l'intention de fermer tous ses comptes le 5 novembre et elle a réclamé le remboursement de la marge de crédit hypothécaire pour le 30 novembre. L'avis de résiliation donné à l'intimé ne donnait pas d'explications quant aux motifs de l'appelante et il ne faisait aucunement état du service de virements rapides, lequel a été résilié immédiatement. Les intimés, incapables d'obtenir des services équivalents auprès d'autres établissements bancaires, ont poursuivi l'appelante, lui réclamant des dommages-intérêts pour les pertes qu'a essuyées l'intimée ainsi que pour le stress et les inconvénients subis par l'intimé, leurs honoraires d'avocats et des dommages punitifs.

Le juge de première instance a conclu que l'appelante était en droit de fermer les comptes et de résilier les services en vertu des ententes intervenues entre les parties. Toutefois, il a considéré qu'elle n'avait pas agi de bonne foi en résiliant le service de virements rapides de l'intimée sans lui fournir d'explications ni de préavis. Le juge a aussi indiqué que le préavis de 35 jours prévu pour les autres services était trop court et qu'un préavis de 3 mois aurait été approprié. Quant aux dommages, le juge a accordé 15 000 $ à l'intimée pour tenir compte des profits qu'elle aurait engendrés pendant une période de préavis de 3 mois. Il a aussi accordé 34 000 $ à l'intimé pour le stress et les inconvénients subis en lien avec la résiliation soudaine des services et la décision de l'appelante de ne pas l'informer de ses motifs. Le juge a rejeté une réclamation en dommages punitifs fondée sur une discrimination alléguée, étant d'avis que la fermeture des comptes était reliée à des sanctions économiques du Canada contre l'Iran, et non à la nationalité de l'intimé. Enfin, le juge a exigé le paiement par l'appelante de 27 624 $ en honoraires d'avocats pour tenir compte de sa conduite déraisonnable depuis l'introduction des procédures.
Décision
M. le juge Hamilton: L'obtention d'une permission d'appel est nécessaire en ce qui concerne le pourvoi contre l'intimée puisque le juge a accordé à cette dernière une somme de 15 000 $, et ce, malgré le fait que l'appel contre l'intimé est de plein droit. La permission sera accordée puisque l'appel contre l'intimée soulève des questions sérieuses qui présentent un intérêt allant au-delà de celui des parties.

Les parties pouvaient résilier le contrat sans cause, dans la mesure où un préavis suffisant était donné à l'autre partie. Ce préavis devait être raisonnable. C'est donc avec raison que le juge a conclu que l'appelante aurait dû maintenir le service de virements rapides de l'intimée pendant la durée du préavis. Il est possible que l'appelante ait eu des motifs d'y mettre fin plus tôt, mais elle ne s'en est pas prévalue et elle ne peut les invoquer à ce stade.

Contrairement aux prétentions de l'appelante, il n'y a aucune règle fixe en vertu de laquelle un préavis de 30 jours serait raisonnable. Tout est une question de circonstances. En l'espèce, le juge a tenu compte des conséquences à court terme de la résiliation sur les affaires des intimés, notamment le temps qui leur serait nécessaire pour obtenir des services auprès d'un autre établissement financier. À titre d'indicateur, il a aussi pris en considération le délai qui avait été accordé aux intimés par une autre banque en 2002 lorsqu'elle avait mis fin à leur relation d'affaires.

En ce qui a trait aux dommages-intérêts accordés, une intervention s'impose quant à la somme de 34 000 $ obtenue par l'intimé pour le stress et les inconvénients subis. L'omission de dévoiler les motifs de la fermeture ne constituait pas une faute, mais le préavis insuffisant ou inexistant l'était, tout comme une demande de rembourser la marge hypothécaire dans un délai plus serré que celui initialement accordé. La somme accordée sera réduite à 25 000 $.

Quant à la somme accordée pour abus de procédure, il y a lieu d'écarter les conclusions du juge. En ce qui concerne l'omission de révéler les motifs de la résiliation, l'appelante n'avait pas d'obligation en ce sens. Au regard de la lettre exigeant le remboursement immédiat de la marge de crédit, l'intimé a déjà été dédommagé pour le stress et les inconvénients qu'il a subis, et rien ne permet de conclure que des honoraires auraient été déboursés en conséquence. En ce qui a trait à la production d'éléments de preuve le premier jour du procès, il faut noter qu'il s'agissait surtout de relevés bancaires de l'intimée, lesquels étaient d'une pertinence limitée.

Pour ce qui est de l'appel incident, d'une part, bien que l'appelante puisse être tenue responsable des conséquences directes et immédiates de sa faute, cette responsabilité ne peut s'étendre à la fermeture de l'intimée. D'autre part, la question des dommages punitifs n'a pas été soulevée en première instance. Enfin, rien ne justifie une déclaration d'abus ni l'attribution de dommages-intérêts en appel.


Dernière modification : le 10 août 2022 à 12 h 44 min.