En bref

La juge de première instance a erré en concluant que la documentation préparée par des commerçants trompait le destinataire en lui faisant faussement croire qu'il gagnait près d'un million de dollars américains.

Des commerçants qui ont transmis à l'intimé des documents relatifs à une loterie promotionnelle n'ont pas contrevenu à la Loi sur la protection du consommateur en omettant d'inscrire dans leur documentation que le numéro détenu par ce dernier pouvait ne pas être un numéro gagnant.

Résumé de l'affaire

Appels d'un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie une action en réclamation d'une somme d'argent. Appel principal accueilli et appel incident rejeté.

Le 26 août 1999, l'intimé a reçu des appelantes un document intitulé «Official Sweepstakes Notification». Celui-ci mentionnait qu'il pouvait gagner un prix de 833 337 $ s'il renvoyait le coupon-réponse dans les 10 jours suivant sa réception. L'intimé s'est inscrit au tirage, mais il ne détenait pas le numéro gagnant. Il a réclamé aux appelantes le paiement de la somme promise ou, subsidiairement, l'équivalent à titre de dommages compensatoires et exemplaires. La juge de première instance a conclu que la documentation qu'il avait reçue constituait une invitation à participer au concours, sans frais, et que l'attribution du prix était conditionnelle à ce qu'il s'inscrive au tirage et que le numéro qu'on lui avait attribué soit le numéro gagnant. Toutefois, elle a décidé que le document en question était conçu pour tromper son destinataire et contenait de fausses allégations, aux termes de l'article 219 de la Loi sur la protection du consommateur. À cet égard, elle a notamment retenu que la personne ayant signé le document n'existait pas et n'était pas directrice des loteries. Ce faisant, les appelantes auraient faussement donné à une personne un statut ou une identité, contrevenant ainsi au paragraphe c) de l'article 238 de la loi. De plus, celles-ci n'ont pas divulgué à l'intimé qu'il pouvait ne pas être un gagnant mais plutôt un perdant ou a noyé cette précision dans un flot de texte. Cette omission de lui mentionner un fait important, soit la détention du numéro gagnant, était trompeuse selon l'article 228 de la loi. Enfin, elle a conclu que la publicité envoyée à l'intimé pouvait leurrer un consommateur francophone moyen du Québec. Les appelantes ont été condamnées à payer à l'intimé 1 000 $ à titre de dommages moraux ainsi que 100 000 $ en dommages punitifs.

Résumé de la décision

M. le juge Chamberland: La juge a eu raison de conclure que la Loi sur la protection du consommateur s'appliquait au présent litige puisque les appelantes sont des commerçants au sens de la loi, et l'intimé, un consommateur. Quant au «sweepstake», il s'agissait d'un message publicitaire conçu pour promouvoir l'abonnement à un magazine. Toutefois, la juge a erré en concluant que les appelantes avaient contrevenu aux articles 228 et 238 c) de la loi. D'une part, par définition, il n'y a que quelques numéros gagnants et qu'un seul grand gagnant lors d'une loterie. Ainsi, on ne peut leur reprocher d'avoir passé sous silence un fait important en ne mentionnant pas la possibilité que le numéro détenu par le destinataire de leur documentation ne soit pas le numéro gagnant. D'autre part, les appelantes pouvaient utiliser un nom de plume pour personnaliser leur envoi postal. Par ailleurs, la loterie a été mise sur pied afin d'attirer l'attention du consommateur sur les propositions d'abonnement au magazine Time. La documentation des appelantes n'était pas de nature à laisser croire à son destinataire qu'il gagnait la somme de 833 337 $ US. Le consommateur moyen, peu importe sa langue, sait que l'argent ne tombe pas du ciel. Celui-ci chercherait donc à comprendre pourquoi il a gagné une telle somme à une loterie dont il ignorait jusqu'alors l'existence et pour laquelle il n'avait pas acheté de billet. Or, la documentation mentionnait clairement que les conditions suivantes doivent être réalisées pour gagner: 1) renvoyer le coupon de participation dans le délai prescrit; 2) détenir le numéro gagnant; et 3) répondre à une question d'ordre général. En outre, il y était indiqué que le destinataire avait 1 chance sur 120 millions de remporter le prix. Bien que le texte des appelantes ait été accrocheur, il ne contenait aucune déclaration trompeuse ou déloyale.


Dernière modification : le 10 décembre 2009 à 13 h 11 min.