Résumé de l'affaire

Appels d'un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie une requête en réclamation d'une somme d'argent et ayant rejeté une demande reconventionnelle en réclamation de dommages-intérêts. Accueillis en partie.
L'intimée a intenté un recours en diminution du prix de vente d'un immeuble contre l'appelante Meyerco Entreprises Ltd., dont l'appelant Daniel Ouaknine est le seul actionnaire et administrateur, et la succession d'Henri Ouaknine. Elle prétendait avoir été victime de fausses déclarations équivalant à un dol, car les appelants ne lui auraient pas révélé qu'un important locataire n'avait jamais payé son loyer en argent. Le juge de première instance a conclu qu'il y avait eu dol et il a condamné les appelants, sauf la succession, à payer 100 000 $ à l'intimée. Ceux-ci contestent cette condamnation au motif que l'intimée a manqué à son devoir de se renseigner et d'effectuer une vérification diligente adéquate. Subsidiairement, ils veulent faire réduire le montant de la condamnation, qui, selon eux, excéderait la valeur des dommages réellement subis par l'intimée. Daniel Ouaknine ajoute que sa responsabilité personnelle ne saurait être engagée, compte tenu de la personnalité distincte de Meyerco et du fait que les conditions permettant de soulever le voile corporatif ne sont pas remplies. Finalement, la succession et lui prétendent que leurs demandes reconventionnelles auraient dû être accueillies, en réitérant leur proposition que la réclamation de Kinmont à leur endroit est abusive.

Décision

Mme la juge Hogue: Les appelants n'ont démontré aucune erreur manifeste et déterminante de la part du juge dans la sa conclusion relative à l'existence du dol. Dans les circonstances, l'omission volontaire de Meyerco d'informer l'intimée que le locataire payait son loyer par compensation, contrairement à ce qui était expressément prévu au bail, peut constituer du dol. Quant à la prétention de Daniel Ouaknine selon laquelle il ne doit pas être tenu personnellement responsable, elle est sans fondement. Un actionnaire majoritaire, également administrateur ou dirigeant d'une société, peut engager sa responsabilité personnelle lorsqu'il commet lui-même une faute extracontractuelle dans le contexte ou à l'occasion d'une relation contractuelle à laquelle la société est partie. Cette responsabilité extracontractuelle est distincte de la responsabilité qui peut être attribuée à un actionnaire à l'occasion de la levée du voile corporatif. Les conditions qui doivent être respectées pour lever le voile corporatif ne sont pas pertinentes en cette matière. Par ailleurs, le juge a erré en déterminant la réduction de prix à accorder. En vertu de l'article 1407 du Code civil du Québec, celui qui demande une réduction de son obligation doit démontrer que son consentement a été vicié par une erreur provoquée par un dol, par la crainte ou par une lésion ainsi que l'étendue de la réduction à laquelle il a droit. Cet article restreint la réduction susceptible d'être accordée à la partie lésée à la hauteur du préjudice réellement subi. Le réclamant ne peut se limiter à faire la preuve des conditions auxquelles il aurait été disposé à contracter et soutenir, avec succès, que celles-ci font preuve de la valeur réelle du bien. En l'espèce, l'intimée n'a pas fait la preuve de ses dommages réels. La valeur réelle d'un immeuble n'est pas fonction uniquement des loyers payés par ses locataires. Il s'agit là d'un facteur certes important et pertinent, mais qui doit être pondéré. La détermination de la valeur réelle d'un immeuble par la technique des revenus est un exercice complexe qui requiert habituellement beaucoup plus que la simple application d'un multiple ou d'un taux de capitalisation. Bien qu'il puisse être légitime pour un juge d'instance, dans certaines circonstances, d'arbitrer les dommages-intérêts à accorder, ce ne l'est pas lorsque, comme en l'espèce, la preuve des dommages aurait été facile à faire et n'aurait pas entraîné des coûts disproportionnés relativement à l'enjeu du litige. Il y a donc lieu d'intervenir et d'accueillir en partie les pourvois de Meyerco et de Daniel Ouaknine afin de rejeter l'action de l'intimée, sans frais, compte tenu de l'existence du dol, et de rejeter la demande reconventionnelle, avec frais.


Dernière modification : le 9 août 2022 à 21 h 02 min.