en bref
L'absence de signature du vendeur de pièces de machinerie agricole constitue un vice de fond entraînant la nullité du contrat.
Résumé de l'affaire
Requête en réclamation d'une somme de 31 198 $ pour des marchandises vendues et livrées. Accueillie en partie. Demande reconventionnelle en réclamation d'une somme de 101 995 $ ou de 137 145 $ plus 22 015 $ pour perte de récolte. Rejetée.
En août 1999, la demanderesse a vendu au défendeur une batteuse usagée, une fendeuse à bois et une lame. Comme plusieurs de ses placements arrivaient à échéance en juin 2000, ce dernier a demandé à pouvoir acquitter le prix de ses achats à cette date et c'est ce qui a été indiqué au contrat. Quelques jours plus tard, il lui a acheté une remorque à grains qu'il a demandé à payer également en juin 2000. Or, au mois de septembre suivant, il n'avait payé que 6 000 $. La demanderesse lui a fait signifier un avis de déchéance du bénéfice du terme en janvier 2001 pour les biens vendus en août 1999. En avril 2005, elle lui a réclamé 31 198 $ pour le solde des marchandises vendues et les services rendus. Le défendeur a demandé la nullité du premier contrat. Il a prétendu que la batteuse comportait des vices cachés. Il a aussi soutenu que le contrat dérogeait sur plusieurs points à la Loi sur la protection du consommateur puisque les frais de crédit n'étaient pas détaillés alors qu'ils atteignaient un taux annuel de 26,825 %, que le contrat n'était pas signé par un représentant de la demanderesse et qu'il indiquait que la vente était faite sans aucune garantie «même au cas de vice caché». Quant au deuxième contrat, le défendeur a prétendu qu'il avait acquis une remorque de route et que la demanderesse avait indiqué au contrat qu'il s'agissait d'une remorque à grains, de sorte qu'il ne peut l'immatriculer.
Résumé de la décision
Seul le bris du système d'embrayage de la batteuse aurait pu être considéré comme un vice caché mais, puisque le tracteur du défendeur a connu un problème similaire, on doit conclure qu'il a été causé par une utilisation inadéquate. Tous les autres appels de service étaient inutiles. En effet, si le défendeur avait vérifié régulièrement, comme doit le faire un opérateur vigilant et prudent, l'état de la batteuse, le niveau et la pression de l'huile ainsi que ses composantes, il aurait constaté, en septembre 2000, qu'il n'y avait plus d'huile hydraulique et, au mois d'octobre suivant, que le réservoir d'huile pour l'embrayage était presque vide.
Comme les biens acquis devaient être payés comptant en juin 2000, il s'agissait d'une vente à terme sans frais de crédit avant l'échéance. La demanderesse n'a exigé des frais qu'après l'expiration du terme et non pour accorder un délai de paiement. Il ne s'agissait pas d'une vente assortie d'un crédit et les règles de la Loi sur la protection du consommateur sur le crédit n'étaient pas applicables.
L'absence de la signature du contrat par la venderesse constitue un vice de fond. Ce sont les articles 23, 27 et 30 de la loi qui exigent la signature. L'article 23 mentionne quels types de contrat sont visés. On fait référence à l'article 158 de la loi mais, comme la batteuse ne peut être assimilée à une automobile, cette référence n'a aucune pertinence en l'espèce. Cependant, même si le contrat signé par les parties ne peut être qualifié de contrat de crédit, par le jumelage de l'article 15 de la loi et de la mention de rétention du droit de propriété par le vendeur, il devient régi par les articles 133 à 149 de la loi, portant sur les contrats de vente à tempérament. L'article 135 énonce que la vente à tempérament qui ne respecte pas les exigences formulées à la section III du chapitre III de la loi (art. 66 à 150) est une vente à terme. L'article 80, auquel fait référence l'article 23, est inclus dans cette section III. Pour être valide, le contrat intervenu entre les parties devait être signé par la demanderesse. D'ailleurs, elle en avait elle-même fait une condition de validité au moyen d'une mention dans le contrat.
La clause d'exclusion de garantie contenue au contrat est réputée non écrite. En effet, les articles 34, 37 et 38 de la loi prévoient des garanties légales et, comme elles sont d'ordre public, les commerçants ne peuvent les exclure ni les limiter.
L'omission de la demanderesse de signer le contrat, ce qui constitue un vice de fond, entraîne la nullité de celui-ci en vertu de l'article 272 de la loi même si le défendeur n'en subit aucun préjudice. Le contrat contrevenait aussi à d'autres prescriptions de la loi puisqu'il mentionnait que la perte des biens vendus ne libéraient pas l'acheteur de son obligation de payer, qu'il ne reproduisait pas les mentions prévues à l'annexe 5 de la loi et qu'il stipulait que les biens ne pouvaient être déplacés à l'intérieur du Québec sans le consentement du commerçant. La demande de résolution du contrat est donc bien fondée. Elle vise non seulement la batteuse, mais aussi les autres biens vendus aux termes du premier contrat. Le défendeur ayant demandé la remise en état des parties, il doit remettre tous ces biens en nature et, s'il y a impossibilité, la remise s'effectuera en numéraire au prix indiqué au contrat. Quant au second contrat, qui comporte les mêmes vices que le premier, comme le défendeur n'en a pas demandé la nullité, le tribunal ne peut le déclarer nul d'office. La description du bien ne peut cependant être modifiée. Le défendeur ayant déjà payé 6 000 $ pour les biens acquis en vertu du premier contrat et devant 4 300 $ pour ce qui est du deuxième, la demanderesse doit lui rembourser 1 700 $. Le défendeur doit pour sa part payer les factures de service, qui s'élèvent à 5 300 $. Par son silence, il a accepté la délivrance de ces écrits et de leur contenu. Quant à sa réclamation d'une somme de 101 995 $ ou de 137 145 $, aucune allégation n'a appuyé sa demande et aucune preuve n'a été faite. Il n'a par ailleurs fourni aucune preuve d'une perte de récolte.