Résumé de l'affaire

Action en dommages-intérêts. Accueillie (157 500 $). Demandes en garantie. Rejetées.

Le demandeur a été sérieusement blessé lorsque l'échelle pliante dans laquelle il montait s'est effondrée, le joint de l'articulation centrale ayant cédé. Celle-ci lui avait été vendue et livrée la veille de l'accident par la défenderesse Beaver Lumber Company (Beaver). Les demandeurs allèguent que l'accident a été causé par des défauts de conception des articulations de l'échelle, qui ne satisfait pas aux normes établies par l'Association canadienne de normalisation (ACNOR). Ils poursuivent solidairement Beaver et les compagnies qui ont fabriqué l'échelle, 141690 Canada inc. (Edmaq) et Véranda Industries inc. (Véranda), alléguant que Beaver, à titre de vendeur, devait connaître l'existence du défaut de conception aux termes de l'article 1527 C.C. et que les fabricants ont commis une faute entraînant leur responsabilité. Beaver a appelé en garantie son fournisseur, Edmaq, lequel a, à son tour, appelé en garantie Véranda. Edmaq ayant fait faillite, Véranda a appelé en arrière-garantie l'assureur de celle-ci.

Résumé de la décision

Il faut conclure de la preuve que le demandeur a utilisé l'échelle conformément aux instructions du manufacturier et que l'accident a été causé par une défectuosité de l'échelle due aux vices de conception et de fabrication. L'articulation centrale n'étant pourvue d'aucun système de verrouillage, elle comportait en soi des dangers de glissement. De plus, le métal utilisé et la technique de fabrication de l'articulation diminuaient encore la solidité de l'échelle. Même si les normes de l'ACNOR ne sont pas obligatoires, le fabricant prudent ne saurait s'en écarter au point d'offrir au consommateur des biens qui, non seulement ne sont pas en mesure de remplir les fonctions auxquelles ils sont destinés, mais constituent au surplus un danger sérieux pour la sécurité de l'utilisateur. Beaver n'était qu'une intermédiaire entre le fabricant et le consommateur; elle a simplement vendu au demandeur une échelle qui lui avait été livrée par Edmaq dans un emballage de plastique contenant un feuillet d'instructions et apparemment en bonne condition. En tant que vendeur non spécialisé, elle n'avait pas l'obligation de s'assurer que l'échelle n'était affectée d'aucun vice. La présomption de connaissance prévue à l'article 1527 C.C. doit donc être repoussée. Quant aux défenderesses Edmaq et Véranda, elles doivent être tenues responsables, en vertu de l'article 1053 C.C., des dommages survenus aux demandeurs. La preuve a révélé qu'elles sont toutes deux «fabricant» de l'échelle, ce terme devant être entendu au même sens que le mot «manufacturier» que l'on trouve à la Loi sur la protection du consommateur; il comprend toute personne dont les opérations de transformation du bien l'amènent à l'usage auquel il est destiné. Les vices dans la conception et la fabrication de l'échelle ainsi que l'insuffisance des mises en garde accompagnant ce produit dangereux engagent leur responsabilité. En raison de la pérennité de son produit, le fabricant doit s'assurer qu'il est exempt de tout vice en rendant l'utilisation dangereuse, à moins qu'il n'ait pris les précautions nécessaires pour en prévenir les usagers. Puisque le devoir de mettre en garde les usagers incombait surtout à Edmaq, qui faisait la mise en marché, celle-ci doit assumer 55 % de la responsabilité, Véranda en assumant l'autre part. Par ailleurs, l'échelle ne remplissait pas les conditions stipulées aux articles 37 et 38 de la Loi sur la protection du consommateur puisqu'elle ne pouvait servir à l'usage auquel elle est normalement destinée, et cela, pendant une durée raisonnable. L'article 53 de cette loi permet au consommateur d'exercer un recours contre le commerçant ou contre le manufacturier, et ceux-ci ne peuvent invoquer leur ignorance du vice ou du défaut que le demandeur n'aurait pu déceler par un examen ordinaire. Le vice étant établi, la responsabilité des trois codéfenderesses est engagée aux termes de la Loi sur la protection du consommateur et, qui plus est, solidairement en vertu de l'article 1106 C.C. Toutefois, Beaver n'étant qu'une simple intermédiaire, il y a lieu de confirmer le partage de la responsabilité établi en vertu du Code civil, soit 55 % pour Edmaq, 45 % pour Véranda et 0 % pour Beaver. Compte tenu de ce partage, les actions en garantie de Beaver et d'Edmaq sont rejetées sans frais. Quant au recours en arrière-garantie de Véranda contre l'assureur d'Edmaq, il doit également être rejeté. Puisque l'assureur s'était engagé à indemniser Edmaq, et personne d'autre, de toutes les condamnations concernant les activités de cette dernière, il n'existe donc en l'espèce aucun lien de droit entre lui-même et Véranda.


Dernière modification : le 31 janvier 1991 à 18 h 03 min.