en bref

La défenderesse a manqué à son obligation de former et de renseigner adéquatement le demandeur quant aux risques que comportait le bien vendu, soit une tête d'abattage, et elle ne s'est pas assurée qu'il comprenait bien les instructions données; par conséquent, elle est responsable des dommages qu'il a subis, et ce, dans une proportion de 75 %.

La responsabilité du fournisseur d'une tête d'abattage qui a omis de renseigner adéquatement son client quant aux mesures de sécurité à prendre lors des activités de réparation et de fournir un bouton d'arrêt d'urgence est établie à 75 %.

résumé de l'affaire

Requête en réclamation de dommages-intérêts. Le tribunal déclare la défenderesse responsable à 75 %; le quantum sera déterminé ultérieurement.

Au printemps 2006, le demandeur, bûcheron dans une ferme, a acheté une excavatrice mécanique conçue pour la foresterie, et ce, dans le but de la transformer afin de pouvoir abattre, ébrancher, mesurer et transformer des arbres. Le 27 avril, il a commandé à la défenderesse une tête d'abattage multifonctionnelle. Il allait procéder lui-même à l'installation, mais la défenderesse devait lui fournir l'assistance requise pour réaliser le branchement et l'aider pour le montage, le maniement et l'utilisation de l'abatteuse. Ainsi, la défenderesse devait mettre un mécanicien à la disposition du demandeur ainsi qu'un technicien de son fournisseur, la Coopérative fédérée, afin d'accompagner et de superviser le demandeur dans ses opérations d'installation et de maniement. Le demandeur a reçu la tête multifonctionnelle le 5 août et, environ une semaine plus tard, il a rencontré le mécanicien de la défenderesse ainsi que le technicien de la Coopérative. Un manuel lui a alors été remis pour l'entretien, le maniement et l'entretien d'un appareil semblable au sien. Il ne l'a toutefois pas lu. Il a ensuite commencé à modifier l'excavatrice afin qu'elle puisse recevoir la tête d'abattage. Le 26 septembre suivant, un bris mécanique est survenu dans la tête d'abattage. Alors qu'il s'affairait à terminer les travaux de réparation de la pièce brisée, le demandeur a réclamé l'aide d'un employé de la ferme. Ce dernier devait s'asseoir dans la cabine de la pelle, mettre le moteur en marche et appuyer sur les boutons servant à ouvrir et à refermer les pinces de la tête d'abattage au moment où le demandeur lui ferait signe de le faire. L'employé a appuyé sur les boutons alors que l'ordinateur était en fonction, mais avant que le moteur ne soit mis en marche; il n'a alors entendu qu'un léger déclic. Par la suite, lorsqu'il a démarré le moteur, le demandeur s'est dirigé vers la tête d'abattage et, au moment où celui-ci tentait d'ajuster la plaque de la scie, les pinces se sont refermées sur sa jambe droite et l'ont sectionnée. Sa jambe a dû être amputée. Une enquête de la Commission de la santé et de la sécurité du travail a révélé que l'accident avait été causé par un automatisme de l'ordinateur, qui avait enregistré à l'avance les commandes alors que le moteur était éteint. Ces commandes ont été mises en action par le démarrage du moteur. Or, tout le monde ignorait cette fonction et aucune instruction n'avait été donnée au demandeur relativement à l'automatisme possible de l'ordinateur. Ce dernier tient donc la défenderesse responsable des dommages qu'il a subis.

résumé de la décision

L'article 53 de la Loi sur la protection du consommateur s'applique. La défenderesse avait le devoir de former adéquatement le demandeur quant à l'utilisation de la tête d'abattage. Elle devait l'informer des dangers et des mesures de sécurité à prendre lors des opérations de réparation. De plus, outre l'obligation implicite de sécurité qui découle de l'article 1458 du Code civil du Québec (C.C.Q.), elle devait non seulement renseigner le demandeur, mais également s'assurer qu'il comprenait bien les instructions (art. 1468, 1469 et 1473 C.C.Q.). L'obligation de renseignement est d'ailleurs proportionnelle au danger inhérent à l'utilisation du bien. En soi, l'usage et l'entretien de la tête d'abattage étaient sujets à de graves dangers. À l'instar du fabricant ou du distributeur, la défenderesse avait l'obligation d'informer le demandeur de toutes les précautions à prendre dès que la manipulation présentait un danger, en particulier dès qu'il existait une possibilité raisonnable de préjudice pour l'intégrité physique de l'usager. Qui plus est, pour se décharger de sa responsabilité, la défenderesse invoque un faux document qu'elle a utilisé pour obtenir les garanties requises du fabricant. Le demandeur n'a jamais signé ce document. Par ailleurs, le bouton de sécurité qui aurait permis d'arrêter d'urgence le fonctionnement de la machine aurait dû être fourni au demandeur lors de la livraison. Pour sa part, le demandeur n'est pas sans reproche: il n'a pas lu le manuel qui lui avait été remis et dans lequel se trouvaient des règles de sécurité précises. Il a fait preuve d'imprudence en voulant réparer la tête d'abattage alors que le moteur était en marche et en demandant de l'aide à un employé inexpérimenté. Dans les circonstances, la faute de la défenderesse est établie à 75 % et celle du demandeur, à 25 %.


Dernière modification : le 15 janvier 2013 à 12 h 29 min.