en bref

Nullité d'une convention d'honoraires pour des services de nature juridique prévoyant le paiement d'un pourcentage sur une somme forfaitaire versée à titre d'aliment et d'une clause de renonciation au remboursement des honoraires en cas de révocation du mandat.

Résumé de l'affaire

Action en remboursement d'une somme payée en vertu d'un contrat de services. Accueillie en partie.

Le demandeur, qui était travailleur forestier, a atteint l'âge de 60 ans en 2003. En 1970, 1976 et 1979, il a été victime d'accidents de travail qui ont entraîné des douleurs cervicales et lombaires. Le 25 août 2003, la CSST a rejeté sa réclamation d'indemnité au motif qu'il n'existait aucun lien entre la cervicalgie chronique dont il souffrait et le premier accident, survenu en 1970. Le 30 septembre 2003, il a conclu une entente verbale avec la compagnie défenderesse, propriété de Roussy, afin qu'elle le représente auprès de la CSST. En outre, il a signé une convention d'honoraires aux termes de laquelle il s'engageait à lui verser une avance de 1 725 $ et une somme additionnelle équivalant à 20 % de la somme forfaitaire reçue. La convention précisait que les honoraires versés n'étaient pas remboursables et prévoyait le paiement d'une somme additionnelle de 2 % s'ils n'étaient pas acquittés dans les 10 jours suivant la réception de l'indemnité. Roussy a demandé la révision de la décision de la CSST. Le demandeur a présenté une demande de rente d'invalidité auprès de la Régie des rentes du Québec mais, sur les conseils de Roussy, il s'en est désisté le 1er octobre suivant. En 2004, à la suggestion de Roussy, il est retourné au travail, mais il a dû arrêter après deux semaines en raison de douleurs importantes. En avril, il a révoqué le mandat de la défenderesse. Afin de pouvoir récupérer son dossier, il a dû signer un document aux termes duquel il renonçait au remboursement des honoraires versés. En novembre, il a formulé une nouvelle demande à la Régie des rentes, qui a reconnu son invalidité, et ce, de façon rétroactive à janvier 2004. Il a commencé à recevoir une rente d'invalidité à compter d'avril 2004. Pour cela, il a dû annuler sa demande de rente de retraite. Insatisfait du travail de la défenderesse auprès de la CSST et de la Régie, il lui réclame le remboursement des sommes qu'il lui a versées. Il lui reproche notamment de l'avoir mal conseillé au sujet de sa demande de rente d'invalidité et de ne pas avoir tenu compte des accidents survenus après 1970.

 

Résumé de la décision

Le conseil de Roussy quant au désistement de la demande d'invalidité en octobre 2003 était judicieux. En effet, il était préférable d'attendre que le demandeur ait atteint l'âge de 60 ans pour réclamer cette rente parce que la preuve requise était alors plus facile à faire. Cependant, la défenderesse n'a pas fait le suivi de ce dossier et la rente n'a été versée que grâce à l'intervention d'un autre conseiller. Néanmoins, l'omission de Roussy n'a pas causé de préjudice au demandeur puisque celui-ci a obtenu la rente avec effet rétroactif. Quant à la demande de révision de la décision de la CSST, la défenderesse, qui avait une obligation de moyens, n'a pas rempli celle-ci adéquatement. Après avoir obtenu la documentation nécessaire, elle n'a pas tenu compte des plaintes du demandeur relativement à la cervicalgie ni des accidents survenus en 1976 et 1979, qui étaient pourtant essentiels à la demande de révision.

Le contrat entre les parties constituait à la fois un mandat et un contrat de services. Il est de la nature du mandat que celui-ci puisse être révoqué en tout temps, et ce, même lorsque le mandant renonce à la révocation unilatérale. Cependant, étant donné qu'il a une obligation de moyens envers le mandant, le mandataire doit être rémunéré pour les services qu'il lui a rendus. Outre ces éléments et compte tenu de la nature du mandat confié à la défenderesse, la clause qui prévoyait la renonciation au remboursement en cas de révocation du mandat est abusive. Par ailleurs, la convention d'honoraires est elle aussi abusive en ce qu'elle prévoit un pourcentage additionnel de 20 % de la somme forfaitaire. L'indemnité de remplacement du revenu a un caractère alimentaire. Or, les ententes de rémunération à pourcentage sont interdites lorsqu'il s'agit d'aliments. La convention est également abusive en ce qu'elle prévoit le paiement d'une somme additionnelle équivalant à 2 % par mois en cas de retard de paiement. Quant à la clause de renonciation au remboursement des honoraires versés, elle n'est pas valide parce que le demandeur n'avait pas le choix d'y consentir s'il voulait retirer le mandat à la défenderesse. De plus, la Loi sur la protection du consommateur s'applique aux parties. En effet, la notion de «commerçant» prévue à l'article 2 de cette loi n'est pas limitée à la vente au détail. Étant donné qu'il s'agit d'une loi d'ordre public, il y a lieu de lui donner une interprétation libérale qui favorise le consommateur. Les clauses en litige sont abusives et équivalent à une exploitation du consommateur (art. 8 de la loi); elles sont annulées. Compte tenu du travail accompli dans le dossier du demandeur, la défenderesse a droit à des honoraires de 600 $ et aux taxes applicables (90 $). Elle devra lui rembourser 1 035 $.


Dernière modification : le 31 août 2005 à 10 h 09 min.