En bref
Jeu, pari et loterie: L'inscription au verso d'un billet de loterie instantanée qui prévoit que les billets gagnants doivent être confirmés au moyen d'une vérification est une clause essentielle et déterminante qui résume les droits et obligations des parties à un contrat de loterie.
Résumé de l'affaire
Action en dommages-intérêts (10 000 $). Accueillie en partie (50 $).
Le demandeur a acheté un billet de loterie instantanée de type «mots cachés» au coût de 2 $. Il a gratté les cases selon les instructions. Le billet indique que, pour gagner le gros lot de 10 000 $, il faut avoir formé 10 mots. En grattant les cases, il en a formé 12. Convaincu d'avoir gagné le gros lot, il s'est présenté au bureau de la défenderesse, Loto-Québec, afin de réclamer son prix. Après vérification du numéro de validation du billet, le préposé a informé le demandeur qu'il avait droit à 50 $. En fait, son billet comportait un défaut d'impression (une lettre avait l'apparence d'un «i» majuscule alors qu'il aurait dû s'agir d'un «m» majuscule). Si le billet avait été bien imprimé, le demandeur aurait pu former sept mots, ce qui lui aurait donné droit à 50 $. Le demandeur a refusé d'encaisser cette somme. Après le refus de la défenderesse de lui verser le prix de 10 000 $ auquel il soutenait avoir droit, il a acheté huit autres billets de type «mots cachés» au même endroit où il avait acheté son premier billet; cinq d'entre eux comportaient des erreurs d'impression. Il réclame à la défenderesse et à l'imprimeur du billet une somme de 10 000 $. Il soutient que, depuis qu'il a appris qu'il n'avait pas gagné le gros lot, il a des tracas et éprouve des difficultés à dormir, ce qui a anéanti le projet de voyage qu'il avait formé avec sa conjointe.
Résumé de la décision
En achetant un billet de loterie qui se présente sous la forme d'une carte de jeu, le demandeur a acquis un droit de participation à un jeu de hasard. Le participant au jeu convient implicitement de respecter toutes les conditions de participation et, en retour, Loto-Québec convient de lui attribuer tout lot gagné s'il s'est conformé aux règles du jeu. Il s'agit d'un contrat d'adhésion au sens de l'article 1379 du Code civil du Québec (C.C.Q.). Le contrat de jeu est en outre un contrat de consommation, au sens de l'article 1384 C.C.Q., et il est assujetti aux dispositions de la Loi sur la protection du consommateur. Par ailleurs, l'aspect ludique donné au billet en l'espèce n'en change pas la nature: il s'agit d'un billet de loterie instantanée. Ainsi, le consommateur qui ne veut pas gratter les cases de la carte de jeu n'a qu'à présenter son billet aux fins d'une vérification et la seule lecture du numéro de validation permet de confirmer ou non s'il s'agit d'un billet gagnant. Les obligations des parties se trouvent au verso du billet. On peut notamment y lire que les billets gagnants doivent être confirmés au moyen du numéro de vérification et on y trouve aussi une référence au «Règlement approuvé par le décret 2219-81 du 18 août 1981, modifié le 26 mars 1992» (Règlement sur la Mini Loto, l'Inter Loto, toute loterie instantanée et toute loterie de type «poule»). La référence à ce règlement constitue une clause externe au contrat de consommation ou d'adhésion (art. 1435 C.C.Q.). Pour être valide, une telle clause doit avoir été portée à l'attention du consommateur. L'inscription se trouvant au verso du billet de loterie est en l'espèce suffisante. L'article 7 du règlement indique que, dans le cas où le numéro de contrôle du billet n'est pas visible ou ne permet pas de déterminer la validité du billet, ce dernier est nul. En somme, cet article exprime ce qui est clairement indiqué au verso du billet, soit que les billets gagnants doivent être confirmés au moyen d'un numéro de validation. Cette clause est claire et ne peut avoir induit le demandeur en erreur. Il ne s'agit pas d'une exonération de responsabilité puisque l'article 7 du règlement n'a pas pour effet de soustraire la défenderesse aux conséquences de son fait personnel ou de celui de ses représentants; il vise plutôt à régir les conditions de validité des billets de loterie. Cet article a d'ailleurs pour effet de confirmer la validité du billet du demandeur, même s'il est mal imprimé. Le demandeur n'a prouvé aucune faute contractuelle de Loto-Québec ni n'a établi qu'il aurait subi un préjudice. Son action contre celle-ci n'est donc accueillie que pour 50 $, soit la somme à laquelle lui donne droit son billet. Quant à l'imprimeur codéfendeur, il a certes commis une faute extracontractuelle (art. 1457 C.C.Q.) en ne trouvant pas plus tôt une solution à un problème d'impression des billets connu depuis plus de quatre ans. Toutefois, même sans la faute de ce dernier, le billet du demandeur ne lui aurait fait gagner qu'un prix de 50 $. Enfin, rien dans la preuve ne permet de conclure à l'existence de problèmes personnels ayant pu découler de la découverte de la vérité après la période de deux heures pendant laquelle le demandeur a cru avoir gagné le gros lot. Son action contre l'imprimeur est aussi rejetée.