Signalement(s)
La Cour supérieure autorise l'exercice de l'action collective à l'encontre de Croisière AML inc. au nom de tous les consommateurs qui, depuis le 29 novembre 2018, ont acheté en ligne un billet pour un service offert par celle-ci et ont payé, au moment de leur achat, en sus du tarif, des frais de réservation ou un pourboire.
L'action collective à l'encontre de Croisière AML inc. au nom de tous les consommateurs qui, depuis le 29 novembre 2018, ont acheté en ligne un billet pour un service offert par celle-ci et ont payé, au moment de leur achat, en sus du tarif, des frais de réservation ou un pourboire est autorisée.
Résumé
Demande d'autorisation d'exercer une action collective. Accueillie.
Le demandeur requiert l'autorisation d'exercer une action collective contre Croisière AML inc. pour le compte du groupe composé de tous les consommateurs qui, depuis le 12 juin 2018, ont payé un prix supérieur à celui qui était annoncé pour une croisière offerte par cette dernière. Le demandeur prétend que la pratique de faire payer des frais de réservation et un pourboire en sus du tarif annoncé constitue une violation de la Loi sur la protection du consommateur. Bien que ces frais lui aient été remboursés et qu'il ne peut plus en demander le remboursement, le demandeur prétend que les personnes qui ont dû payer des frais de réservation par le passé n'ont pas reçu de remboursement. Pour sa part, et pour les membres putatifs qui ont été remboursés, il ne réclame que des dommages punitifs. Pour les autres, il demande le remboursement des frais et des dommages punitifs. Puisqu'il serait insoutenable d'avancer que le demandeur a droit à des dommages punitifs, la défenderesse soutient que les faits allégués ne justifient pas les conclusions recherchées et que le paragraphe 2 de l'article 575 du Code de procédure civile (C.P.C.) n'est donc pas respecté. N'ayant pas l'intérêt requis pour agir, le demandeur ne remplirait pas non plus le critère énoncé à l'article 575 paragraphe 4 C.P.C.
Toutefois, la défenderesse ne conteste pas que, même si les allégations au soutien du recours individuel du demandeur paraissent justifier les conclusions recherchées, les demandes des membres du groupe visant les frais de réservation soulèvent des questions similaires ou connexes.
Décision
Le fait de ne pas inscrire un prix qui comprend les frais de réservation constitue une cause d'action soutenable en vertu de la Loi sur la protection du consommateur si le tribunal tient pour avéré que ces frais sont obligatoires. La défenderesse ne le conteste pas vraiment. D'ailleurs, la déclaration sous serment de son représentant, dont le dépôt a été autorisé à titre de preuve additionnelle, démontre que la défenderesse a entrepris des «vérifications relatives à la programmation de son site Web qui lui ont permis de réaliser qu'un remboursement des personnes ayant acheté l'un ou l'autre des forfaits de Noël 2021 était justifié». En raison du prompt remboursement, le demandeur n'a subi aucun dommage matériel. Ainsi, la détermination visant à savoir si son recours comporte une cause d'action soutenable repose uniquement sur sa réclamation éventuelle de dommages punitifs en vertu de l'article 272 de la Loi sur la protection consommateur. Or, il est reconnu qu'une demande en dommages punitifs est autonome par rapport aux autres mesures prévues à cet article (Richard c. Time Inc. (C.S. Can., 2012-02-28), 2012 CSC 8, SOQUIJ AZ-50834275, 2012EXP-836, J.E. 2012-469, [2012] 1 R.C.S. 265). En outre, le droit à de tels dommages n'est pas limité à des actes intentionnels, malveillants ou vexatoires de la part du commerçant. Ils peuvent aussi être accordés si celui-ci se rend coupable d'ignorance, d'insouciance ou de négligence sérieuse. En l'espèce, il est faux d'affirmer qu'il y a une absence d'allégations de faits particuliers. Du moins en ce qui a trait aux frais de réservation en ligne, le demandeur allègue que la pratique de ne pas en faire état dès la première annonce d'un prix existait bien avant les forfaits de Noël 2021, soit au moins depuis 2020. De plus, cette pratique est systématiquement appliquée dans le cas des ventes en ligne, la représentante au service de la clientèle indiquant que les frais sont «obligatoires». Par ailleurs, quelque 600 000 passages sont vendus chaque année. Or, ce ne sont que les frais de réservation des forfaits du temps des Fêtes 2021 qui ont été remboursés, et ce, après que le recours a été intenté. Il y a donc lieu de conclure que le demandeur s'est déchargé du fardeau de démontrer que sa cause était défendable, c'est-à-dire ni frivole ni manifestement mal fondé en droit quant à l'attribution de dommages punitifs. Il y a une possibilité que celui-ci ait gain de cause lorsqu'il avance que la défenderesse a fait preuve d'ignorance, d'insouciance ou de négligence sérieuse sur la base des faits allégués. En conséquence, le demandeur a aussi un intérêt pour agir au sens où l'exige l'article 575 paragraphe 4 C.P.C.
Puisque les faits allégués n'ont trait qu'aux achats en ligne, le groupe doit être restreint à ces consommateurs. Il est toutefois prématuré de limiter les réclamations aux seuls frais de réservation. Enfin, il n'y a aucune raison pour que la date de départ de la période visée soit le 12 juin 2018. Comme la présente demande a été déposée le 29 novembre 2021 et vu les délais de prescription applicables, la date de départ sera le 29 novembre 2018. Ainsi, le groupe sera défini comme suit: tous les consommateurs qui, depuis le 29 novembre 2018, ont acheté en ligne un billet pour un service offert par Croisières AML inc. et qui ont payé, au moment de leur achat, en sus du tarif, des frais de réservation ou un pourboire.