Résumé de l'affaire
Requête pour autorisation d'exercer un recours collectif. Accueillie.
La requérante désire être autorisée à exercer un recours collectif au nom des personnes physiques qui résident ou qui ont résidé ou exploité une entreprise et de toutes les personnes physiques et morales qui sont ou ont été propriétaires d'un immeuble, depuis le 8 juin 2008, soit à Grenville-sur-la-Rouge ou à Harrington, au Québec, à moins de cinq kilomètres de l'usine de production de ciment et de béton de l'intimée. Elle soutient que cette dernière cause des troubles de voisinage anormaux au sens de l'article 976 du Code civil du Québec (C.C.Q.) par l'exploitation de la cimenterie. Les troubles allégués sont les suivants: émissions de poussière, de bruit, d'odeurs, de saleté, d'eaux résiduelles, de toxines et de polluants ainsi que circulation excessive de camions lourds. La requérante affirme également que l'intimée viole la norme de comportement d'une personne raisonnable au sens du régime de responsabilité civile de l'article 1457 C.C.Q. Cette faute reposerait sur sa négligence dans la gestion de ses activités puisqu'elle aurait omis de mettre en place des mécanismes efficaces pour maîtriser les émissions de poussière, respecter les normes réglementaires et assurer un plan sécuritaire et raisonnable de circulation des camions lourds desservant la cimenterie. Puisque ces troubles et ces fautes existeraient encore à ce jour, la requérante et les membres du groupe demandent une injonction permanente pour les faire cesser. Enfin, la requérante réclame des dommages compensatoires, moraux et punitifs pour tous les membres du groupe.
Décision
L'usine de l'intimée est située dans un secteur forestier-industriel. Les personnes qui choisissent de s'installer à proximité doivent donc accepter les inconvénients causés par cette usine, mais uniquement les inconvénients normaux du voisinage qui n'excèdent pas les limites de la tolérance (art. 976 C.C.Q.). Au stade de l'autorisation, la requérante n'a pas à faire une démonstration complète, claire et sans équivoque du bien-fondé de sa prétention, car seulement une preuve prima facie est requise. Ainsi, une preuve complète ou même une preuve d'expert n'est pas requise quant à l'autorisation en matière de troubles de voisinage. En l'espèce, les allégations de la requérante concernant son cas personnel et celui des autres membres du groupe sont étayées par une «certaine preuve» qui est suffisante pour démontrer l'apparence de droit quant aux troubles de voisinage pour ce qui est des émissions de poussière de l'intimée, des odeurs ainsi que du bruit et de la circulation de ses camions ou de ses agents (fréquence de passage, moment du passage, vitesse et proximité des maisons). Pour ce qui est de l'émission de toxines et de polluants, il n'y a aucune apparence de droit puisqu'il n'y a aucun dommage allégué mais seulement des risques, qui ne sont pas indemnisables en droit québécois. De plus, la requête n'indique pas en quoi les eaux résiduelles, s'il y en avait, constitueraient un trouble de voisinage. Enfin, il y a apparence de droit au sens de l'article 1003 b) du Code de procédure civile (C.P.C.) quant à la question de la faute extracontractuelle relativement à la délivrance de la poussière et à la conclusion en injonction permanente portant sur le respect par l'intimée de ses obligations en tant que bon voisin et sur la fin de la pollution, en vertu des articles 19.1, 19.2 et 19.3 de la Loi sur la qualité de l'environnement et de l'article 751 C.P.C. Cela comprend la question des émissions de toxines et de polluants dans l'atmosphère, mais uniquement en vertu de la loi, ainsi que la réclamation de dommages compensatoires et moraux. En fait, le recours est autorisé puisque les autres critères énoncés à l'article 1003 C.P.C. sont remplis. Cependant, il y a lieu de redéfinir le groupe proposé. La date du présent jugement sera fixée en tant que date butoir pour la description du groupe. De plus, la requérante a démontré qu'il y avait des personnes morales situées dans la zone de cinq kilomètres de l'usine de l'intimée. Elle peut alors représenter ces dernières comme le permet l'article 999 C.P.C. À la lumière de la jurisprudence, une modification pour ajouter de nouveaux membres au groupe rétroagit à la date du dépôt de la requête initiale pour autorisation d'exercer un recours collectif. En conséquence, le changement autorisé par le tribunal le 5 septembre 2014 rétroagit au dépôt de la présente requête, le 8 juin 2011, de sorte que le recours des personnes morales n'est pas prescrit. Par contre, il y a lieu d'exclure «toutes les personnes physiques qui exploitent une entreprise» de la définition puisque les propriétaires ou les locataires d'entreprises font déjà partie du groupe suggéré et que l'«exploitant» d'une entreprise est un terme vague. La définition du groupe est donc modifiée pour faire référence aux personnes morales qui sont propriétaires ou locataires d'un terrain, d'un immeuble ou d'une entreprise situés dans la zone. Pour sa part, la notion de «personnes physiques qui résident ou ont résidé» comprend les propriétaires et les locataires. Tel qu'il est énoncé dans Boyer c. Agence métropolitaine de transport (AMT), (C.S., 2010-10-25), 2010 QCCS 4984, SOQUIJ AZ-50682381, 2010EXP-3752, J.E. 2010-2037, le coût de publication des avis fait partie des dépens et doit être à la charge de l'intimée.


Dernière modification : le 10 août 2022 à 11 h 14 min.