Résumé de l'affaire
Demande en jugement déclaratoire. Accueillie en partie.
Les demanderesses sont des entreprises de télécommunication au sens de la Loi sur les télécommunications et de distribution suivant la Loi sur la radiodiffusion. Toutes sont propriétaires d'équipements et d'installations permettant d'offrir à leurs clients des services de télécommunication et de radiodiffusion excédant les limites de la province de Québec. En 2012 et 2013, les villes défenderesses, Gatineau et Terrebonne, ont adopté des règlements pour gérer les interventions des entreprises de télécommunication et de radiodiffusion (les entreprises) sur leur territoire et pour imposer des frais relativement à ces interventions. Les demanderesses requièrent du tribunal qu'il déclare ces règlements inconstitutionnels. Elles demandent également le remboursement des frais qu'elles ont payés sous protêt pendant l'instance.
Décision
Les articles 42 à 44 de la Loi sur les télécommunications prévoient que les entreprises ont accès aux voies publiques pour la construction, l'exploitation ou l'entretien de leurs réseaux et que cet accès est sujet à l'agrément de l'administration provinciale et municipale. Par contre, elles doivent éviter toute entrave abusive à la jouissance des lieux par le public. En cas de différend, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes statue sur les modalités des interventions. En l'espèce, c'est l'interaction entre ces dispositions législatives et les règlements municipaux contestés qui sont au coeur du litige. Or, aux termes des paragraphes 8, 9, 13, 15 et 16 de l'article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867, les défenderesses peuvent légiférer pour la protection de la propriété, la sécurité publique et la gestion de leur territoire en vertu de la compétence provinciale sur les institutions municipales, la propriété et les droits civils et généralement toutes les matières d'une nature purement locale ou privée dans la province. Quant à la Loi sur les compétences municipales, elle attribue certains pouvoirs de réglementation aux municipalités; une municipalité peut réglementer la pose de fils conducteurs, l'usage de la voie publique ainsi que les excavations, constructions et entretiens d'ouvrages sur la voie publique. Dans l'exercice de ses pouvoirs réglementaires, une municipalité peut exiger l'obtention d'un permis et en prescrire le coût. L'article 29.19 de la Loi sur les cités et villes attribue également des pouvoirs réglementaires en matière d'occupation du domaine public et les municipalités possèdent également un pouvoir de tarification prévu aux articles 244.1 à 244.4 de la Loi sur la fiscalité municipale. Pour sa part, le Parlement a compétence pour légiférer sur le domaine des télécommunications en vertu de l'article 92 paragraphe 10 a) de la Loi constitutionnelle de 1867. Ici, même si les défenderesses n'interviennent pas directement dans le choix des équipements composant le réseau de télécommunication et qu'elles accordent le permis si leurs conditions sont remplies, les règlements en cause touchent néanmoins les réseaux de télécommunication. D'ailleurs, l'analyse de l'objet et des effets de ceux-ci emporte la conclusion que leur caractère véritable porte sur la planification, la construction, l'emplacement, l'entretien et le maintien en place des réseaux de télécommunication. Il s'agit d'une matière qui relève de la compétence du Parlement et non de celles des défenderesses. Compte tenu du fait que la théorie du double aspect est inapplicable, il y a lieu de conclure que les règlements contestés sont invalides et doivent être annulés. D'autre part, la planification, l'emplacement, la construction, l'entretien, l'exploitation et le maintien en place des réseaux de télécommunication ainsi que les modalités des services et leur tarification font partie des éléments vitaux et essentiels de la compétence en matière de télécommunication. Ainsi, même si le tribunal avait conclu que le caractère véritable était plutôt l'accès à la propriété municipale, sa saine gestion et la sécurité publique, et donc que les règlements relevaient de la compétence provinciale, il aurait conclu alors qu'ils sont inapplicables constitutionnellement parce qu'ils visent un aspect vital des télécommunications et entravent l'exercice de la compétence fédérale. Au surplus, ils seraient inopérants en raison du conflit entre l'objet des règlements municipaux et celui des articles 42 à 44 de la Loi sur les télécommunications. Quant à la demande de remboursement des frais payés par les demanderesses, elle est rejetée puisque, même en l'absence des règlements en cause, elles auraient dû payer pour leurs interventions dans l'emprise publique.