Résumé de l'affaire
Demande de rejet partiel d'un rapport d'expert. Accueillie.
La demande est présentée après l'expiration du délai de 10 jours prescrit par l'article 241 du Code de procédure civile (C.P.C.). Le défendeur soutient qu'il revient aux avocats de relater les faits qui se trouvent dans les passages précisés de la section 5 du rapport produit par l'expert qu'a mandaté la demanderesse puisqu'il ne s'agit que de commentaires «éditoriaux» d'un ingénieur au sujet d'échanges qui sortent de son champ d'expertise et que ce contenu n'ajoute rien de nécessaire à la compréhension des différents éléments techniques au coeur du litige.
Décision
Les faits pertinents visés par l'article 238 C.P.C. sont ceux sur lesquels s'appuie le raisonnement technique ou scientifique de l'expert. Les faits que les avocats sont capables d'extraire eux-mêmes de correspondances, de pièces qui ne présentent pas de caractère technique ou de documents juridiques, tels une soumission, un contrat ou un devis, à titre d'exemples, pour ensuite les présenter au juge dans leur argumentation ne devraient pas se trouver dans le rapport d'expert d'un ingénieur. Si celui-ci ajoute de tels faits, il s'expose au retrait de ces passages de son rapport. C'est le cas en l'espèce. Les faits qui figurent aux paragraphes contestés, extraits de diverses correspondances dont l'ingénieur a pris connaissance et de la police d'assurance en cause, semblent expliquer le fondement de certaines inférences négatives que l'ingénieur a tirées à l'encontre de l'assureur quant à la manière dont ce dernier a traité la demande d'indemnisation de l'assuré. Ce faisant, l'ingénieur est sorti de son champ d'expertise pour entrer dans la compétence du juge.
Par ailleurs, le délai pour demander le rejet total ou partiel d'un rapport d'expert est tout sauf un délai de rigueur, et il faudrait le faire savoir. Il faudrait également faire savoir qu'il n'est plus exceptionnel de présenter une demande de rejet de rapport d'expert pour les motifs énoncés à l'article 241 C.P.C. avant l'audience sur le fond. Si certaines décisions ont déjà abordé ce genre de demandes de façon prudente, il semble que les choses aient changé depuis quelque temps. La prudence enseignée par la Cour d'appel ne perd certes pas de sa pertinence, mais elle cède tranquillement le pas à la primauté des principes de célérité, d'efficacité et de préparation d'un débat qui respectera une certaine proportionnalité tout en ne bafouant pas le droit de chacun d'être pleinement entendu. Depuis 2016, le contenu du rapport de l'expert tient lieu de son témoignage principal pour la partie qui le produit.