en bref

La cessionnaire d'un contrat de vente à tempérament ne pouvait procéder à la reprise de possession du véhicule vendu par voie de saisie avant jugement malgré le manquement de l'acheteur à ses obligations.

Résumé de l'affaire

Requête pour reprise de possession d'un bien vendu. Rejetée. Requête en modification des modalités de paiement, en annulation de saisie et en réclamation d'une somme de 2 500 $ à titre de dommage exemplaire. Accueillie.

En mai 2001, Vigneault Automobiles enr. a vendu au défendeur, par le biais d'un contrat de vente à tempérament, un véhicule automobile neuf pour le prix de 28 575 $. Elle a ensuite cédé le contrat à Services DaimlerChrysler Canada inc., la demanderesse. En septembre 2004, vu l'omission du défendeur d'effectuer ses paiements, cette dernière lui a fait signifier un avis de reprise de possession. Le défendeur n'a pas payé la somme due et a cessé ses versements mensuels. La demanderesse a conclu qu'il avait des difficultés financières qui l'empêchaient de remplir ses obligations, d'autant plus qu'il avait fait réparer son véhicule peu avant et qu'il n'en avait pas repris possession ni n'avait payé la facture de 2 701 $. Au mois de décembre suivant, elle a fait saisir avant jugement le véhicule et a payé le garagiste qui avait effectué les réparations. Le défendeur n'a reçu signification du bref de saisie avant jugement qu'à la fin de janvier 2005. Au moment de la saisie, il restait un solde de 14 490 $ à payer sur une somme totale de 38 807 $. Quelques jours plus tard, la demanderesse a donné mainlevée de la saisie et a fait signifier la présente requête en reprise de possession du véhicule. Le défendeur a contesté la requête, invoquant l'absence d'autorisation préalable. Il allègue par ailleurs n'avoir jamais eu l'intention d'abandonner son véhicule, laissé au garage pour réparations, et pouvoir acquitter la somme due. Il a aussi déposé une requête en annulation de la saisie avant jugement et en modification des modalités de paiement.

 

Résumé de la décision

L'avis préalable de reprise de possession exigé par l'article 139 de la Loi sur la protection du consommateur a été délivré au défendeur le 16 septembre 2004. Ce dernier n'ayant pas remédié à son manquement dans les 30 jours suivants, il était donc, à compter du 16 octobre 2004, définitivement en défaut aux termes du contrat et la demanderesse avait le droit de demander la reprise de possession du véhicule. Comme plus de la moitié de l'obligation totale avait été payée, elle devait cependant obtenir l'autorisation du tribunal avant d'exercer son droit de reprise. Elle a plutôt procédé par voie de saisie avant jugement. Or, l'exigence de l'autorisation préalable demeure même dans le cas de la mesure exceptionnelle provisionnelle de saisie avant jugement. Elle s'applique même si, en plus d'avoir omis d'effectuer des versements mensuels, le défendeur n'a pas gardé le véhicule assuré. La saisie pratiquée par la demanderesse était illégale et abusive. Si on en a par la suite donné mainlevée, la possession du véhicule n'a pas été restituée au défendeur. La demanderesse ne peut invoquer une subrogation du droit de rétention du garagiste. Ce droit, prévu à l'article 1592 du Code civil du Québec, est limité par l'article 179 de la loi, qui édicte notamment que le commerçant ne peut retenir le véhicule s'il a omis de fournir une évaluation au consommateur avant d'effectuer la réparation. Même si, en payant les réparations au garagiste, la demanderesse a été subrogée dans les droits de ce dernier, elle ne peut avoir acquis plus de droits que lui. Cette absence de droit de rétention rend inapplicable la clause du contrat qui prévoit une obligation pour l'acheteur de garder le véhicule libre de toute charge et de rembourser au commerçant toute somme versée par ce dernier pour acquitter une telle charge. Le défendeur a donc le droit d'exiger que la demanderesse rétablisse la situation comme elle était avant la dépossession.

La réclamation d'une somme de 2 500 $ à titre de dommage exemplaire est justifiée. La demanderesse a violé les règles impératives de la Loi sur la protection du consommateur et a utilisé des moyens illégaux et abusifs pour reprendre possession du véhicule. Cette façon de faire est d'autant plus blâmable qu'on s'est servi de la loi ou de prétextes juridiques non fondés pour créer une situation favorable à la demanderesse. Celle-ci a en outre invoqué la crainte de perdre toute garantie parce que le défendeur demeurait dans une réserve indienne, mais la Loi sur la protection du consommateur et les lois du Québec s'appliquent autant aux autochtones habitant dans une réserve qu'aux citoyens demeurant ailleurs. La demanderesse est une compagnie importante et la somme accordée doit tendre à la dissuader d'enfreindre la loi ou d'en abuser.

La situation financière du demandeur ne permet pas le paiement immédiat des arrérages accumulés de 7 761 $, mais ce dernier aurait la capacité de payer des versements mensuels de 500 $ plutôt que ceux de 646 $ convenus dans le contrat. Lui-même et sa conjointe ont des emplois stables et des revenus suffisants, et ce ne sont que leurs problèmes de jeu qui les ont empêchés de remplir leurs obligations. Lors de l'examen de la demande d'allégement des obligations, on ne peut retenir que les agissements de la demanderesse ont causé des dommages découlant de la privation du véhicule. Il en va cependant autrement des débours que la procédure intentée par la demanderesse dans le mauvais district et le refus de transfert ont occasionnés. Quant aux frais de déplacement lors des audiences, ils n'ont pas été engagés par la faute de la demanderesse. Celle-ci était en droit d'exercer son recours et l'exercice d'un recours ne peut être générateur de dommages. De plus, le défendeur a demandé la modification de ses modalités de paiement. Compte tenu de l'ensemble des circonstances, il n'y a pas lieu d'autoriser la demanderesse à reprendre possession du véhicule. Dès que celui-ci sera remis au défendeur, il devra souscrire un contrat d'assurance.


Dernière modification : le 31 octobre 2005 à 10 h 58 min.