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La Cour supérieure autorise l'exercice d'une action collective au nom des consommateurs québécois auxquels Vidéotron ltée a facturé des frais de carte SIM sans que ceux-ci aient été mentionnés dans leur contrat de téléphonie mobile, et ce, entre le 6 février 2018 et la date de publication des avis aux membres, lesquels sont prévus à l'article 576 C.P.C.

Une action collective en réduction des obligations et en dommages punitifs est autorisée au nom des consommateurs québécois auxquels Vidéotron ltée a facturé des frais de carte SIM sans que ceux-ci aient été mentionnés dans leur contrat de téléphonie mobile, et ce, entre le 6 février 2018 et la date de publication des avis aux membres, lesquels sont prévus à l'article 576 C.P.C.

Résumé

Demande en autorisation d'exercer une action collective. Accueillie en partie.

La demanderesse souhaite exercer une action collective au nom des consommateurs domiciliés ou ayant été domiciliés au Québec auxquels la défenderesse, Vidéotron ltée, a facturé des frais de carte SIM qui n'étaient pas mentionnés dans leur contrat de téléphonie mobile (sous-groupe A) ou auxquels elle n'a pas transmis de nouvelle carte SIM bien qu'ils aient payé des frais (sous-groupe B), et ce, depuis le 6 février 2018. Elle reproche à la défenderesse d'avoir ainsi contrevenu aux articles 12, 219, 222 c), 224 c), 228 et 230 a) de la Loi sur la protection du consommateur et recherche en conséquence une réduction des obligations équivalant aux frais facturés ainsi que des dommages punitifs, en application de l'article 272 de la loi.

Décision

La demande d'autorisation est rejetée à l'égard du sous-groupe B. La demanderesse n'a pas démontré prima facie qu'au moins 1 seul autre consommateur aurait payé comme elle des frais pour une carte SIM qu'il n'a jamais reçue. Il n'y a ni groupe ni questions communes à trancher au regard de ce sous-groupe.

La question principale porte sur le critère prévu à l'article 575 paragraphe 2 du Code de procédure civile (C.P.C.), lequel vise à déterminer si les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées. Aux fins de l'analyse de ce critère, il ressort de la décision rendue dans Benjamin c. Crédit VW Canada inc. (C.A., 2022-10-04), 2022 QCCA 1383, SOQUIJ AZ-51885851, 2022EXP-2625, que la demande d'autorisation n'a pas à avoir de chances raisonnables de succès et qu'il y a donc lieu, à moins qu'il n'existe une pure question de droit qui scellerait l'issue de l'affaire, d'autoriser l'action collective.

Les allégations de la demande paraissent justifier les conclusions recherchées à l'égard des articles 12, 224 c) et 228 de la Loi sur la protection du consommateur. En l'espèce, la violation à l'article 12 de la loi est manifeste puisque le contrat intervenu entre les parties ne mentionne aucuns frais pour la carte SIM. Pourtant, la défenderesse exige le paiement de 5 $ ou de 10 $ à ce titre et n'a invoqué aucun moyen de défense valable à cet égard. Par ailleurs, la cause d'action basée sur les articles 224 c) et 228 de la loi représente une cause défendable qui n'est ni frivole ni manifestement non fondée. En effet, la défenderesse a omis de mentionner et de décrire de façon précise le montant des frais liés à la carte SIM, lesquels sont pourtant facturés au consommateur. De plus, il est possible d'avancer que la défenderesse, en ne mentionnant pas ces frais, omet de divulguer un fait important puisque le carte SIM est une composante essentielle, voire indispensable, d'un téléphone mobile. En revanche, la demanderesse n'a pas démontré, même prima facie, qu'elle avait une possibilité d'avoir gain de cause sur le fond en ce qui concerne l'article 219 de la Loi sur la protection du consommateur. Afin que s'applique cette disposition, les déclarations du commerçant doivent donner à un consommateur crédule et inexpérimenté une impression générale qui n'est pas conforme à la réalité. Or, si la demande d'autorisation fait valoir que la défenderesse a passé sous silence la facturation de la carte SIM, elle ne comporte aucune allégation selon laquelle cette dernière aurait fait une déclaration ou encore effectué un geste positif ou une action en ce sens, et encore moins une allégation quant à l'existence d'une représentation fausse ou trompeuse. D'autre part, la sanction applicable à la transgression des articles 12, 224 c) et 228 de la Loi sur la protection du consommateur relève de l'article 272, lequel permet de réclamer à la fois la réduction de l'obligation et des dommages punitifs, en plus de créer une présomption absolue de préjudice pour le consommateur. Les prétentions de la défenderesse selon lesquelles les critères donnant ouverture à cette présomption ne sont pas remplis sont des questions mixtes de fait et de droit qui ne peuvent être tranchées au stade de l'autorisation. En outre, un recours en dommages punitifs peut constituer une réclamation autonome et indépendante de la conclusion portant sur le préjudice réellement subi. Ainsi, il est possible que la demanderesse démontre que la défenderesse a eu des comportements justifiant l'attribution de dommages punitifs, soit qu'elle a fait preuve d'ignorance, d'insouciance ou de négligence sérieuse sur la base des faits allégués.

Enfin, les autres critères énoncés à l'article 575 C.P.C. sont remplis.

Quant à la date de la fermeture, la jurisprudence dominante au Québec veut que la description temporelle du groupe soit précise et qu'elle ne couvre pas des membres futurs. En principe, le terme devra donc correspondre à la date du jugement sur l'autorisation. Cette approche est d'ailleurs tout à fait conforme à l'interprétation des articles 576 et 580 C.P.C. La seule exception à ce principe s'applique lorsque le comportement reproché et les violations à la base de l'action collective perdurent puisqu'une action collective a également un but de dissuasion, notamment en matière de contrats de consommation. Or, c'est le cas en l'espèce, de sorte que le groupe sera fermé à la date de publication des avis prévus par l'article 576 C.P.C.


Dernière modification : le 17 août 2024 à 18 h 20 min.