La Dépêche
PROTECTION DU CONSOMMATEUR : Meubles Léon ltée, dont la stratégie publicitaire repose sur une violation répétée et systématique des dispositions de la Loi sur la protection du consommateur, est condamnée à payer 2 361 718 $ aux membres d'une action collective, dont 1 000 000 $ à titre de dommages punitifs et 703 800 $ pour les dommages moraux.
ACTION COLLECTIVE (RECOURS COLLECTIF) : L'action collective intentée contre Meubles Léon ltée au nom de toute personne qui s'est prévalue de son programme de financement de type «achetez maintenant; payez plus tard» et qui s'est fait facturer des «frais d'adhésion annuels» est accueillie; la stratégie publicitaire du commerçant repose sur une violation répétée et systématique des dispositions de la Loi sur la protection du consommateur.
DOMMAGE (ÉVALUATION) : Les consommateurs membres de l'action collective intentée contre Meubles Léon ltée pour publicité trompeuse sont en droit d'obtenir 100 $ chacun à titre de dommages moraux; le commerçant est également condamné à payer des dommages punitifs totalisant 1 M$.
CONCURRENCE (LOI SUR LA) : Une somme de 495 000 $ est accordée à Option Consommateurs en vertu de l'article 36 de la Loi sur la concurrence dans le contexte d'une action collective intentée contre Meubles Léon ltée pour pratiques de commerce interdites et publicité trompeuse.
BANQUES ET INSTITUTIONS FINANCIÈRES : En imposant des frais d'adhésion annuels à des clients de Meubles Léon ltée qui avaient adhéré à un plan de financement de type «achetez maintenant; payez plus tard», CitiFinancière Canada a commis une faute à l'égard tant du commerçant que des consommateurs; elle doit donc supporter une partie de la condamnation imposée à Meubles Léon dans le contexte d'une action collective en vertu de la Loi sur la protection du consommateur.
Résumé
Demande d'action collective. Accueillie.
La demanderesse a été autorisée à intenter une action collective contre Meubles Léon ltée au nom de toute personne qui s'est prévalue de son programme de financement de type «achetez maintenant; payez plus tard» et qui s'est vu facturer des «frais d'adhésion annuels» ou tous autres frais équivalents. Elle lui reproche d'avoir fait des représentations fausses ou trompeuses en utilisant certains slogans publicitaires, dont: «Vous ne payez absolument rien! Pas même les taxes! Pour 15 mois!» et «Plus! Ne payez pas pour 16 mois!». En réalité, les consommateurs devaient acquitter des «frais d'adhésion annuels» et, dans certains cas, les taxes applicables au moment de l'achat. La demanderesse prétend aussi que Meubles Léon a contrevenu à diverses dispositions statutaires en offrant du crédit à même ses messages publicitaires et qu'elle a systématiquement omis certaines mentions obligatoires prévues à la Loi sur la protection du consommateur. Elle réclame le remboursement des frais d'adhésion payés (162 918 $), une réduction de 100 $ des obligations souscrites par les membres envers Meubles Léon ou, subsidiairement, des dommages-intérêts au même montant, 1 000 000 $ à titre de dommages punitifs ainsi que le remboursement des sommes engagées pour toute enquête ou procédure en vertu de l'article 36 de la Loi sur la concurrence (565 179 $). Meubles Léon appelle en garantie CitiFinancière Canada inc., son fournisseur de crédit.
Décision
L'impression générale qui se dégage des publicités de Meubles Léon, tant dans les journaux et les circulaires qu'à la télévision, à la radio ou sur Internet, de même que le sens littéral des termes employés paraissent évidents: le consommateur ne doit absolument rien payer pendant la durée du financement ou il ne doit payer aucun acompte ni intérêt pendant la période de versements égaux. Aucune publicité ne mentionne la possibilité que des frais d'adhésion annuels soient facturés. Or, à partir du 1er mai 2009, CitiFinancière facturait des frais annuels de 21 $. Le sens littéral du mot «rien» ne peut certainement pas comprendre des frais de 21 $ ni même des taxes à la consommation. À l'évidence, le message central de la publicité est trompeur. Les publicités qui font la promotion du plan de financement au moyen de versements égaux passent sous silence l'imposition des frais annuels de 21 $ en plus d'induire le consommateur en erreur, car ces frais viendront nécessairement rendre inégaux les paiements mensuels. De plus, Meubles Léon exige parfois en magasin que les clients acquittent la totalité des taxes applicables au moment de l'achat. Pour justifier cette pratique, elle s'appuie sur une note de bas de page en petits caractères dans sa publicité écrite qui prévoit que les taxes sont dues au moment de tout achat de plus de 750 $. Cette mention est impossible à lire dans les publicités à la télévision et celles à la radio n'en font aucunement état. Les publicités de Meubles Léon contreviennent également à l'article 244 de la Loi sur la protection du consommateur, car elles offrent du crédit dans le contexte de messages publicitaires visant des biens et services sans fournir toutes les informations exigées par l'article 80 du Règlement d'application de la Loi sur la protection du consommateur. Les publicités ne servaient qu'à appâter les consommateurs afin qu'ils se rendent dans ses magasins plutôt que chez un concurrent. En répétant à satiété un message contraire à la loi, elle a favorisé un climat visant à hameçonner le client. Puisque la facturation des frais de 21 $ constitue un dommage qui découle des fausses représentations de Meubles Léon, elle doit donc payer 162 918 $ aux membres du groupe. L'article 272 de la Loi sur la protection du consommateur crée une présomption irréfragable de préjudice pour le consommateur (Richard c. Time (C.S. Can., 2012-02-28), 2012 CSC 8, SOQUIJ AZ-50834275, 2012EXP-836, J.E. 2012-469, [2012] 1 R.C.S. 265), mais les consommateurs ont tout de même démontré avoir ressenti de la colère ainsi que de la frustration et avoir craint de voir leur crédit entaché s'ils ne payaient pas les frais d'adhésion facturés; ils se sont sentis bernés. Il s'agit de dommages moraux que Meubles Léon doit compenser en payant 703 800 $, soit 100 $ pour chaque membre. Par ailleurs, en raison de son mépris des règles du droit de la consommation, de ses violations répétées et systématiques de la loi, de son insouciance et de sa mauvaise foi, elle est condamnée à payer des dommages punitifs totalisant un million de dollars. Quant aux sommes réclamées par la demanderesse en vertu de l'article 36 de la Loi sur la concurrence, elles ne sont pas disproportionnées, compte tenu des questions de droit en litige et de l'expérience des procureurs au dossier. Une somme de 495 000 $ est accordée à ce titre. Enfin, le recours en garantie de Meubles Léon est accueilli. CitiFinancière ne pouvait ignorer que, en vertu des plans de financement qu'elle proposait à Meubles Léon afin que celle-ci puisse en faire la promotion auprès des consommateurs, ces derniers ne devaient rien payer avant une certaine date ou payer un montant fixe pendant une durée préétablie. Ainsi, en imposant des frais annuels à des clients existants, elle violait non seulement l'esprit même des contrats de vente conclus par Meubles Léon, mais également celui de son propre contrat de financement, qui la lie aux consommateurs. Elle doit donc indemniser Meubles Léon pour la condamnation au paiement des frais de 21 $, en plus de supporter le tiers de celle en vertu de l'article 36 de la Loi sur la concurrence.