Résumé de l'affaire

Pourvois à l'encontre d'un arrêt de la Cour d'appel du Québec ayant confirmé une décision de la Cour supérieure. Le pourvoi formé par la Ville de Montréal est rejeté et celui formé par Octane Stratégie inc. est sans objet. Les juges dissidents auraient accueilli l'appel de la Ville et rejeté celui d'Octane.
En avril 2007, le directeur des transports de la Ville fait appel aux services d'Octane, une entreprise de relations publiques et de communications, pour la création d'un concept d'événement pour le lancement du plan de transport de la Ville qui doit avoir lieu le 17 mai 2007. Le lancement se déroule à la date prévue et il est couronné de succès. À la suite de l'événement, Octane tente d'obtenir le paiement des frais engagés pour les services d'un sous-traitant pour la production et l'organisation de l'événement, mais la Ville tarde à payer. En octobre 2009, devant l'inaction de la Ville, Octane lui transmet finalement une facture. En mai 2010, presque trois ans après la tenue du lancement, la facture n'a toujours pas été acquittée et Octane intente un recours contre la Ville. Cette dernière lui oppose qu'elle n'a en fait jamais autorisé ce mandat, qui n'a d'ailleurs pas été octroyé à la suite du processus d'appel d'offres exigé par la loi. Octane modifie alors sa procédure pour ajouter T., membre du personnel politique du cabinet du maire, comme défendeur, soutenant que ce dernier lui a confié le mandat de réaliser l'événement, en plus de l'avoir assurée à de nombreuses reprises que la Ville paierait pour les frais engagés.

La Cour supérieure accueille le recours d'Octane contre la Ville et rejette le recours subsidiaire contre T. Elle est d'avis que T. a bien confié un mandat à Octane, mais que le contrat est nul puisqu'octroyé en contravention des règles d'ordre public en matière d'adjudication de contrats municipaux. Toutefois, elle conclut que le régime de restitution des prestations prévu au Code civil du Québec (C.C.Q.) s'applique en matière municipale, et elle ordonne la restitution par équivalent des services rendus, soit 82 898,63 $. La Cour d'appel rejette l'appel de la Ville, de même que celui d'Octane déposé contre T. qu'elle estime sans objet. Elle confirme les conclusions de la Cour supérieure sur la question de la nullité du contrat entre Octane et la Ville, ainsi que sur l'application du régime de restitution des prestations en matière municipale.

Décision

M. le juge en chef Wagner et M. le juge Gascon, à l'opinion desquels souscrivent les juges Abella, Karakatsanis, Rowe et Martin: Le régime de la restitution des prestations, prévu aux articles 1699 à 1707 C.C.Q. s'applique en matière municipale. La disposition préliminaire du Code civil du Québec énonce que celui-ci constitue le fondement des autres lois qui mettent en oeuvre ou s'appuient sur des notions de droit civil. Par l'effet des articles 300 et 1376 C.C.Q., cela inclut les lois qui régissent les personnes morales de droit public telles que les municipalités. Comme le régime de la restitution des prestations fait partie du livre Des obligations, il s'applique aux municipalités à moins que d'autres règles particulières n'en écartent l'application. Le fait que les articles 573 et ss. de la Loi sur les cités et villes, qui prévoient que l'octroi de contrats municipaux doit respecter certaines règles, soient d'ordre public et que leur violation soit sanctionnée par la nullité absolue du contrat ne constitue pas une dérogation, explicite ou même implicite, au régime de la restitution des prestations. À défaut d'indication législative claire et non équivoque en ce sens, l'importance des dispositions d'ordre public prévues à la Loi sur les cités et villes ne suffit pas pour écarter l'application du régime de droit commun. En l'absence d'une telle dérogation, le principe demeure celui de la remise en état des parties, qui doit s'effectuer chaque fois qu'un acte juridique est anéanti de façon rétroactive.

La restitution des prestations en matière municipale ne crée pas une voie de contournement. Le régime de la restitution des prestations accorde au juge le pouvoir de déterminer de manière objective la juste valeur de la restitution afin de remettre les parties en état, sur la base de la preuve au dossier et des circonstances propres à chaque cas lorsqu'elle ne peut se faire en nature. L'article 1699 alinéa 2 C.C.Q. permet exceptionnellement au tribunal de refuser ou de modifier l'étendue ou les modalités de la restitution des prestations si une partie en retire un avantage indu. Le législateur s'assure donc que la correction d'une première iniquité n'en crée pas une seconde. L'obtention d'un contrat municipal en violation des règles d'ordre public en matière d'adjudication ne constitue pas forcément un avantage indu et le tribunal saisi ne doit pas automatiquement refuser la restitution des prestations dans un tel cas. L'opportunité de recourir au tempérament de l'article 1699 alinéa 2 C.C.Q. doit être évaluée au cas par cas, et non sur la base d'automatismes ou de règles préétablies.

En l'espèce, aucun contrat n'a pris naissance entre Octane et la Ville pour les services de production de l'événement. Le mandat sur lequel Octane fonde son recours n'a jamais été entériné par une résolution adoptée par le conseil municipal de la Ville. Il n'a pas non plus fait l'objet d'une approbation par un fonctionnaire habilité par délégation de pouvoirs valide. L'apparence de consentement ne suffit pas; le silence de la municipalité ne permet pas non plus de déduire que celle-ci a manifesté son accord. Les règles d'adjudication des contrats municipaux imposent certaines formalités qui doivent être respectées afin de protéger l'intérêt du public en favorisant la concurrence. Cependant, elles ne dispensent pas une municipalité d'adopter un règlement ou une résolution pour manifester sa volonté de contracter. En l'absence d'une telle expression de volonté, aucun contrat ne franchit le seuil de l'existence juridique et la restitution ne peut prendre sa source dans l'anéantissement rétroactif d'un acte juridique conformément à la théorie des nullités. Toutefois, en l'espèce, les conditions du régime de la réception de l'indu sont remplies de sorte que la remise en état des parties s'impose tout de même conformément aux articles 1491 et 1492 C.C.Q.

Trois conditions sont requises pour donner ouverture à la répétition de l'indu sous le régime de l'article 1491 C.C.Q.: 1) il doit y avoir un paiement, 2) ce paiement doit avoir été effectué en l'absence de dette entre les parties, et 3) il doit avoir été fait par erreur ou pour éviter un préjudice. Lorsque ces conditions sont remplies, et sous réserve de l'exception prévue à l'article 1491 alinéa 2 C.C.Q., la restitution de ce qui a été payé indûment se fait suivant les règles de la restitution des prestations prévues aux articles 1699 à 1707 C.C.Q. C'est véritablement la réception d'une chose qui n'est pas due qui fonde l'obligation de remise en état. L'obligation de restitution ne prendra naissance que si le paiement a été effectué par erreur ou sous protêt. Si l'erreur explique généralement le paiement fait en l'absence de dette, on ne peut cependant écarter l'hypothèse d'un payeur qui a procédé en toute connaissance de cause. C'est sur celui qui invoque l'intention libérale que repose le fardeau de la prouver.

Une prestation de services peut constituer un paiement au sens de l'article 1553 C.C.Q. Le paiement d'une somme d'argent n'est pas seul à pouvoir être qualifié du paiement en droit civil québécois: l'article 1553 C.C.Q. prévoit expressément que le paiement s'entend également de l'exécution de ce qui est l'objet de l'obligation. Un paiement peut être valablement effectué par le représentant du débiteur de l'obligation, par exemple son mandataire ou son sous-traitant, sauf lorsqu'une telle délégation est incompatible avec la nature du contrat ou ses termes. En l'espèce, il est clair que le sous-traitant a agi pour le compte d'Octane en ce qui concerne la production de l'événement de la Ville et que cette dernière ne s'y est pas opposée. Ainsi, la prestation du service à la Ville, soit le paiement au sens juridique, émane d'Octane. Cette condition donnant ouverture à la répétition de l'indu est remplie.

Il importe peu de savoir ce qu'aurait dû ou pu faire Octane afin d'éviter de commettre une erreur. La restitution ne vise pas à sanctionner la négligence ou la faute, mais bien à remettre les parties en état lorsqu'il est démontré que l'une d'entre elles a reçu une chose sans y avoir droit. Il s'agit seulement de déterminer si la prestation de services par Octane est le résultat d'une erreur, et non d'une intention libérale. Or, vu la teneur de la preuve au dossier, on ne peut conclure qu'Octane a eu une intention libérale de fournir des services à la Ville en l'absence d'une dette. Les témoignages des représentants d'Octane confirment qu'ils se croyaient bel et bien obligés de fournir les services pour la production de l'événement et qu'ils n'avaient aucunement l'intention de fournir ceux-ci gratuitement. Octane n'aurait pas fourni les services en cause si elle avait su que son obligation à l'égard de la Ville était inexistante en droit. En l'absence d'une intention libérale de la part d'Octane ou de toute autre cause qui puisse justifier qu'elle fournisse gratuitement les services à la Ville, il faut conclure que cette prestation de services est le résultat d'une erreur aux termes de ce qu'exige l'article 1491 C.C.Q.

La restitution des services fournis par Octane pour la production de l'événement de la Ville doit se faire par équivalent, conformément à l'article 1700 C.C.Q. Les conclusions du premier juge sur la bonne qualité des services rendus, leur juste valeur marchande, le bénéfice qu'en a tiré la Ville et la conformité de l'événement aux attentes n'ont pas été contestées par la Ville. Comme la Ville n'a pas fait la preuve qu'un avantage indu serait accordé à Octane en cas de restitution intégrale, la restitution par équivalent des services fournis correspond donc au coût de production de l'événement, soit 82 898,63 $.

L'action d'Octane contre la Ville n'est pas prescrite. L'article 586 de la loi ne s'applique pas dans le présent dossier. Suivant son libellé, le délai de prescription de six mois ne s'applique qu'à toute action, poursuite ou réclamation pour dommages-intérêts. Dans le cas de la répétition de l'indu, la restitution découle de l'absence d'obligation d'exécuter une prestation. La remise en état qu'elle entraîne ne se qualifie pas de dommages-intérêts. La doctrine et la jurisprudence reconnaissent que le recours en répétition de l'indu est assujetti au délai de droit commun de trois ans prévu à l'article 2925 C.C.Q.

En ce qui a trait au pourvoi d'Octane contre T., puisque l'appel de la Ville est rejeté, il n'y a pas lieu de trancher la question soulevée par l'appel d'Octane sur la responsabilité personnelle de T. Cet appel est donc sans objet.

Mme la juge Côté et M. le juge Brown, dissidents, à l'opinion desquels souscrit le juge Moldaver: L'appel de la Ville devrait être accueilli et l'appel d'Octane devrait être rejeté.

L'article 1385 alinéa 1 C.C.Q. prévoit que: «Le contrat se forme par le seul échange de consentement entre des personnes capables de contracter, à moins que la loi n'exige, en outre, le respect d'une forme particulière comme condition nécessaire à sa formation [...].» Les articles 573 et ss. de la loi disposent à cet égard que l'adjudication des contrats municipaux doit respecter certaines formalités. Ces dispositions énoncent des normes impératives d'ordre public dont le non-respect est sanctionné par la nullité absolue. Un contrat de services d'une valeur de 82 898,63 $ doit être adjugé après une demande de soumissions faite par voie d'invitation écrite, conformément à la Loi sur les cités et villes. Le contrat conclu en violation de ces règles, s'il est effectivement formé, peut être frappé de nullité absolue, en plus de donner ouverture aux sanctions prévues par la Loi sur les cités et villes. L'article 1422 C.C.Q., lequel prévoit les effets de la nullité, crée expressément une obligation de restitution. Selon l'article 1699 alinéa 1 C.C.Q., la restitution a lieu «chaque fois» qu'un acte juridique est rétroactivement anéanti. La jurisprudence récente de la Cour d'appel confirme la possibilité d'ordonner la restitution des prestations en cas d'annulation d'un contrat municipal.

Toutefois, l'annulation d'un contrat suppose l'existence de celui-ci. En l'espèce, le contrat sur lequel s'appuie la réclamation d'Octane est tout simplement inexistant. En droit civil, l'existence d'un contrat est conditionnelle à la manifestation d'une volonté d'être lié contractuellement (art. 1378 al. 1, 1385 al. 1 et 1386 C.C.Q.). Lorsqu'il y a absence objective de toute manifestation d'une telle volonté (absence d'une offre de contracter ou encore refus d'une telle offre ou absence d'acceptation), il n'y a pas de contrat. Le règlement et la résolution sont les véhicules juridiques par lesquels une municipalité manifeste sa volonté. Une municipalité peut, par règlement de son conseil, déléguer à un fonctionnaire le pouvoir de contracter des obligations en son nom. Cependant, comme une seule entreprise de services professionnels avait été sollicitée, aucun fonctionnaire de la Ville ne jouissait d'une délégation de pouvoirs l'autorisant à conclure un contrat d'une valeur excédant 25 000 $. Ainsi, aucun fonctionnaire dûment autorisé n'a pu contracter une obligation de 82 898,63 $ au nom de la Ville.

T. ne jouissait d'aucune délégation de pouvoirs l'autorisant à contracter au nom de la Ville, parce qu'il était un membre du personnel politique du cabinet du maire, et non un fonctionnaire ou un employé municipal. La non-application de la théorie du mandat apparent codifiée à l'article 2163 C.C.Q en matière municipale est un principe général ou une règle de droit public primant les règles du droit civil, ces dernières n'ayant qu'un caractère supplétif en ce domaine (art. 300 C.C.Q.). Il s'agit d'une mesure de contrôle édictée dans l'intérêt des citoyens à des fins de saine administration et de transparence. Il est très fermement établi qu'une personne qui souhaite contracter avec une municipalité doit à ses propres risques s'assurer que la personne avec qui il traite est nantie de l'autorité requise.

En cas d'inexistence d'un contrat, la restitution des prestations ne peut pas être la conséquence de l'annulation d'un contrat invalide (art. 1422 et 1699 C.C.Q.). Il n'y a aucun acte juridique en l'espèce qui puisse être anéanti de façon rétroactive. Toute obligation de restitution devra plutôt se justifier sur la base d'un fondement différent. Si la jurisprudence récente de la Cour d'appel confirme la possibilité d'ordonner la restitution des prestations en cas d'annulation d'un contrat municipal, elle est toutefois silencieuse sur la possibilité d'ordonner la restitution des prestations sur le fondement de la réception de l'indu lorsqu'une partie prétend avoir fourni des services à une municipalité sur la foi d'un contrat qu'elle croit avoir conclu, mais qui s'avère carrément inexistant.

En droit civil, les trois conditions d'ouverture d'une action en répétition de l'indu sont: (1) l'existence d'un paiement fait par le payeur au payé, (2) l'inexistence d'une dette entre les parties et (3) l'erreur du payeur. Ces trois conditions doivent être interprétées avec prudence, sinon restrictivement et, lorsqu'elles sont remplies, l'article 1491 alinéa 1 C.C.Q. crée expressément une obligation de restitution sous réserve de l'exception prévue à l'article 1491 alinéa 2 C.C.Q. L'article 1492 C.C.Q. prévoit alors que «[l]a restitution de ce qui a été payé indûment» se fait suivant le régime de la restitution des prestations codifié aux articles 1699 à 1707 C.C.Q. Le fardeau de démontrer l'existence des conditions d'ouverture d'une action en répétition de l'indu repose en principe sur le payeur qui doit d'abord prouver l'existence d'un paiement et l'inexistence d'une dette. L'erreur du payeur est ensuite présumée comme l'explication la plus vraisemblable d'un paiement en soi inexplicable. C'est au payé qu'il revient alors de prouver l'absence d'erreur du payeur.

En l'espèce, la Ville a reçu une prestation de services qui constitue un paiement au sens de l'article 1553 C.C.Q. Toutefois, il ne se dégage pas clairement de la preuve que les services reçus par la Ville ont été rendus par le sous-traitant au nom d'Octane. Toute ambiguïté non résolue sur ce point au procès est liée au fait qu'Octane n'a pas invoqué en première instance la réception de l'indu comme fondement de sa réclamation. Il n'est par conséquent pas prudent que la Cour dispose maintenant du pourvoi de la Ville sur la base de ce mécanisme. Toutefois, puisque la réclamation d'Octane doit être rejetée de toute façon, l'interprétation de la preuve qui lui est la plus favorable quant à la condition de l'existence d'un paiement sera adoptée. Quant à l'inexistence d'une dette entre les parties, elle résulte de l'inexistence d'un contrat entre Octane et la Ville à l'égard des services rendus par le sous-traitant.

L'erreur, qui peut être de fait ou de droit, est une condition essentielle de l'action en répétition de l'indu. L'article 1554 alinéa 1 C.C.Q. ne constitue pas une source distincte de l'obligation de restitution: cette disposition doit plutôt être lue en corrélation avec l'article 1491 alinéa 1 C.C.Q. En principe, le payé parvient à prouver l'absence d'erreur du payeur s'il prouve que ce dernier a effectué le paiement en sachant qu'il n'y était pas tenu. Dans ces circonstances, le paiement sera traité comme une libéralité et l'action en répétition de l'indu sera rejetée. Le payé parvient à prouver l'absence d'erreur du payeur s'il prouve: (1) que le payeur a effectué le paiement en sachant qu'il n'y était pas tenu (c.-à-d. l'absence d'erreur proprement dite), ou (2) que le payeur a effectué le paiement en ayant une intention véritable de procurer un avantage gratuit au payé ou d'effectuer une donation informelle à son profit ou encore qu'une autre cause excluant l'hypothèse de l'erreur justifie juridiquement le paiement. En l'espèce, la preuve démontre clairement qu'Octane n'a pas payé la Ville par erreur au moment du paiement, le 17 mai 2007, date à laquelle les services ont été fournis à la Ville.

Octane savait au moment du paiement qu'aucun contrat ne la liait à la Ville à l'égard des services rendus par le sous-traitant. Le témoignage d'un associé principal chez Octane en 2007 démontre qu'il croyait que le mandat ne pourrait excéder la limite de gré à gré, soit 25 000 $, et qu'il savait que cette limite était pertinente, et ce, non seulement parce qu'il s'agit du seuil maximal en deçà duquel un contrat peut être adjugé sans demande de soumissions, mais aussi parce qu'il s'agit du seuil maximal en deçà duquel un fonctionnaire peut consentir un contrat au nom de la Ville. Octane savait au moment du lancement du Plan de transport qu'aucun fonctionnaire dûment autorisé n'avait pu légalement consentir un contrat d'une telle valeur au nom de la Ville, qu'aucune résolution du conseil municipal de la Ville ne lui octroyait de contrat concernant les services de son sous-traitant et qu'aucun contrat-cadre entre Octane et la Ville n'était en vigueur. De plus, Octane savait au moment du paiement qu'aucun contrat valide ne pourrait lui être ultérieurement consenti par la Ville à l'égard des services rendus par le sous-traitant. Même si le comité exécutif de la Ville a effectivement le pouvoir de consentir un contrat jusqu'à une valeur de 100 000 $, il n'aurait pu s'agir d'un contrat valide, puisqu'il était trop tard pour procéder par appel d'offres sur invitations ou par appel d'offres public, vu que l'événement avait déjà eu lieu.

Bien qu'Octane n'a sans doute pas agi dans une intention libérale, puisqu'il y avait à tout le moins l'espoir d'une rétribution, l'absence d'une intention libérale ne signifie pas nécessairement que le paiement a été fait par erreur. Octane n'a pas payé par erreur, car elle savait, dans les faits, au moment du paiement, qu'aucun contrat ne s'était formé entre elle et la Ville à l'égard des services rendus par le sous-traitant. L'absence d'erreur de la part d'Octane ne saurait être assimilée à une faute, laquelle n'est pas pertinente pour les fins de la restitution. Les conditions d'ouverture d'une action en répétition de l'indu ne sont pas remplies. L'action en répétition de l'indu d'Octane doit donc être rejetée, et l'appel de la Ville, accueilli.

L'appel d'Octane contre la Ville et T. devrait être rejeté. L'article 2158 C.C.Q. portant sur la responsabilité personnelle du mandataire outrepassant ses pouvoirs ne saurait s'appliquer dans les circonstances particulières de la présente affaire, parce qu'Octane avait le fardeau de s'assurer que le contrat serait conclu selon la procédure régulière à savoir: (1) que la personne avec laquelle Octane transigeait était autorisée à agir au nom de la municipalité, (2) que la Ville et ses préposés agissaient dans les limites de leurs pouvoirs, et (3) que toutes les conditions requises par la loi pour la formation ou l'adjudication du contrat étaient observées. Elle ne saurait déplacer sur les épaules de T. le fardeau qui est le sien. Par ailleurs, même si T. avait commis une faute engageant sa responsabilité extracontractuelle lorsqu'il a donné l'assurance à Octane qu'elle serait payée, il n'aurait pas causé le dommage subi par Octane. En effet, la causalité fait défaut puisqu'il semble qu'Octane (1) ait effectué un premier versement au sous-traitant, (2) ait contracté avec ce dernier et (3) ait fourni les services à la Ville avant que T. ne lui ait donné quelque assurance que ce soit.


Dernière modification : le 9 août 2022 à 19 h 31 min.