Signalement(s)

Une action collective en réduction des obligations et en dommages punitifs est autorisée au nom des consommateurs auxquels Vidéotron ltée a facturé des frais pour l'achat d'une carte SIM que ceux-ci n'avaient pas demandée et qu'ils ont reçue par la poste à l'occasion du renouvellement de leur appareil mobile, et ce, depuis le 6 février 2018.

La Cour supérieure autorise l'exercice d'une action collective en réduction des obligations et en dommages punitifs à l'encontre de Vidéotron ltée au nom des consommateurs auxquels celle-ci a facturé des frais pour l'achat d'une carte SIM qu'ils n'avaient pas demandée et qu'ils ont reçue par la poste au moment du renouvellement de leur appareil mobile, et ce, depuis le 6 février 2018.

Résumé

Demande en autorisation d'exercer une action collective. Accueillie.

Le demandeur souhaite exercer une action collective au nom des consommateurs auxquels la défenderesse, Vidéotron ltée, a facturé des frais pour l'achat d'une carte SIM reçue à l'occasion de la livraison d'un téléphone cellulaire dans le contexte du renouvellement d'un appareil mobile, et ce, depuis le 6 février 2018. Il soutient que cette pratique contrevient aux articles 219, 228 et 230 a) de la Loi sur la protection du consommateur et recherche en conséquence une réduction des obligations équivalant aux frais facturés ainsi que des dommages punitifs, en application de l'article 272 de la loi.

Décision

La question principale porte sur le critère prévu à l'article 575 paragraphe 2 du Code de procédure civile (C.P.C.), lequel vise à déterminer si les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées. Aux fins de l'analyse de ce critère, il ressort de la décision rendue dans Benjamin c. Crédit VW Canada inc. (C.A., 2022-10-04), 2022 QCCA 1383, SOQUIJ AZ-51885851, 2022EXP-2625, que la demande d'autorisation n'a pas à avoir des chances raisonnables de succès et qu'il y a donc lieu, à moins de l'existence d'une pure question de droit qui scellerait l'issue de l'affaire, d'autoriser l'action collective.

En l'espèce, la défenderesse soutient essentiellement que la pratique d'envoyer systématiquement une nouvelle carte SIM aux clients qui se procurent un nouvel appareil mobile à distance lui permet de se conformer à son obligation de fournir un bien de bonne qualité, lequel est nécessaire à l'exécution des contrats de téléphonie mobile, conformément à l'article 2103 du Code civil du Québec (C.C.Q.). Cependant, à l'étape de l'autorisation, c'est la situation propre de la personne désignée qui doit être examinée pour déterminer si sa demande remplit le critère énoncé à l'article 575 paragraphe 2 C.P.C. Or, le demandeur allègue — et la défenderesse ne le contredit pas — qu'il n'a jamais demandé à recevoir la nouvelle carte SIM, que des frais lui ont été facturés pour celle-ci et qu'elle ne lui était pas indispensable pour utiliser son nouveau téléphone.

Le critère prévu à l'article 575 paragraphe 2 C.P.C. est rempli. Il existe une possibilité de gain au fond en ce qui concerne les causes d'action fondées sur les articles 228 et 230 a) de la Loi sur la protection du consommateur. En effet, la carte SIM constitue une composante importante d'un téléphone mobile et il n'est pas contesté que la pratique commerciale en litige n'est jamais divulguée au consommateur. Par ailleurs, la question de déterminer si la pratique reprochée constitue une «vente par inertie» est une question mixte de fait et de droit qui ne pourra être résolue qu'après un débat au fond. Le syllogisme est moins évident en ce qui concerne l'article 219 de la loi. Pour que s'applique cette disposition, les déclarations du commerçant doivent avoir donné à un consommateur crédule et inexpérimenté une impression générale qui n'est pas conforme à la réalité. Or, si la demande d'autorisation fait valoir que la défenderesse n'offre pas aux consommateurs le choix d'obtenir une nouvelle carte SIM dans le cadre du renouvellement de leur appareil mobile, et ce, en les privant des informations qui leur auraient permis de faire un choix libre et éclairé, celle-ci ne comporte aucune allégation selon laquelle la défenderesse aurait fait une déclaration ou effectué un geste positif ou une action en ce sens, et encore moins une allégation quant à l'existence d'une représentation fausse ou trompeuse. Ce syllogisme ne saurait réussir et ne permet aucunement d'avoir gain de cause au fond. En ce qui concerne la sanction applicable à la transgression des articles 228 et 230 a) de la Loi sur la protection du consommateur, celle-ci relève de l'article 272 de la loi, lequel permet de réclamer à la fois la réduction de l'obligation et des dommages punitifs, en plus de créer une présomption absolue de préjudice pour le consommateur. Les prétentions de la défenderesse selon lesquelles les critères donnant ouverture à cette présomption ne sont pas remplis sont des questions mixtes de fait et de droit qui ne peuvent être tranchées au stade de l'autorisation. En outre, un recours en dommages punitifs peut constituer une réclamation autonome et indépendante de la conclusion portant sur le préjudice réellement subi. Ainsi, il est possible que le demandeur démontre que la défenderesse a eu des comportements justifiant l'attribution de dommages punitifs, soit qu'elle a fait preuve d'ignorance, d'insouciance ou de négligence sérieuse sur la base des faits allégués. Par ailleurs, les autres critères énoncés à l'article 575 C.P.C. sont remplis.

Il y a lieu de préciser la description du groupe afin d'en exclure les consommateurs qui ont demandé à recevoir une nouvelle carte SIM. Quant à la date de fermeture, la jurisprudence dominante au Québec veut que la description temporelle du groupe soit précise et qu'elle ne couvre pas des membres futurs. En principe, le terme devra donc correspondre à la date du jugement portant sur l'autorisation. Cette approche est d'ailleurs tout à fait conforme à l'interprétation des articles 576 et 580 C.P.C. La seule exception à ce principe s'applique lorsque le comportement reproché et les violations à la base de l'action collective perdurent puisqu'une action collective a également un but de dissuasion, notamment en matière de contrats de consommation. Or, c'est le cas en l'espèce, de sorte que le groupe sera fermé à la date de publication des avis prévus à l'article 576 C.P.C.


Dernière modification : le 17 août 2024 à 18 h 05 min.