Résumé de l'affaire
Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté un recours collectif visant à obtenir le remboursement de frais de scolarité, du coût d'acquisition du matériel scolaire ainsi que des dommages-intérêts. Rejeté.
Fondé en 1987, le collège intimé, un établissement privé non subventionné, donnait des cours d'informatique. Il était titulaire du permis obligatoire, alors délivré en vertu de la Loi sur l'enseignement privé. Celui-ci a été renouvelé par le ministre de l'Éducation jusqu'en 1999, après avis de la Commission consultative de l'enseignement privé. En 2000, le Collège a fermé ses portes. Dans l'exercice d'un recours collectif, l'appelante, qui représente 300 élèves, a poursuivi ce dernier, son directeur général ainsi que le ministère de l'Éducation. Elle reproche au Collège et à son directeur général l'inexécution des obligations du contrat d'enseignement, une publicité trompeuse relativement aux perspectives d'emploi et la pression exercée pour inciter à contracter. Elle recherche le Ministère en responsabilité extracontractuelle. Selon elle, il aurait été négligent lors de la délivrance et du renouvellement du permis du Collège et aurait commis une faute en inscrivant celui-ci dans la liste des établissements privés reconnus aux fins de la Loi sur l'aide financière aux études.
Décision
M. le juge Gendreau: Tous les élèves ont signé un contrat par lequel le Collège s'engageait à donner des cours conduisant à l'obtention d'une attestation d'études collégiales. Le contrat ne garantissait pas un emploi ou un diplôme. La notion de qualité de l'enseignement soulève des questions difficiles et l'échec scolaire est tributaire de nombreux facteurs, dont plusieurs sont sans lien avec l'enseignement proprement dit. Le contrat de services éducatifs est un acte juridique dont le contenu obligationnel représente une difficulté. Lorsque le recours en inexécution vise une obligation particulière du contrat, il est facile d'en constater la violation et de la sanctionner. Si le reproche vise la fonction éducationnelle dans sa globalité, le requérant doit établir une norme de référence et l'appliquer à l'action de l'établissement pour démontrer la faute que constituerait un enseignement déficient. Une telle faute ne se concrétise généralement pas à un moment particulier mais est plutôt évaluée en fonction des résultats au cours d'une certaine période, un semestre ou une année. Au Canada, les tribunaux ont refusé de se prononcer sur la question d'un manquement à l'obligation de fournir une éducation de qualité («educational malpractice»). Cependant, en droit québécois, le recours contractuel de l'élève contre son école pour rupture de contrat de services éducatifs est possible et ouvert, mais le fardeau de la preuve est une lourde tâche pour le demandeur.
En l'espèce, l'allégation d'utilisation de techniques de vente sous pression n'est pas fondée. Dans la plupart des cas, les contrats ont été signés quelques jours après une rencontre d'information; ils stipulaient le droit de l'élève de résilier en tout temps l'entente moyennant un simple avis écrit. De plus, l'on ne peut prétendre qu'il était trompeur d'affirmer que l'électronique et l'informatique étaient des domaines d'activité d'avenir. Cette opinion était répandue à cette époque. En ce qui a trait à une garantie d'embauche, le Collège n'a jamais fait de promesse. La seule information donnée suggérait qu'environ 65 % des élèves avaient trouvé un emploi. Or, le chiffre exact est de 67 %. Quant aux griefs sur la qualité générale de l'enseignement, l'avis des élèves peut être pertinent et utile, mais il ne faut pas lui donner un trop grand poids. Ceux-ci sont incapables de dégager une norme de référence; cette tâche revient aux pédagogues et aux psychologues, avec l'aide d'experts dans la matière enseignée. Un témoin entendu à titre d'expert n'avait pas cette qualité dans les domaines de la pédagogie et de la psychologie. Il n'avait pas établi de norme et ses conclusions défavorables au Collège découlaient des doléances d'élèves insatisfaits, lesquels n'étaient pas sélectionnés selon une norme scientifique. Son témoignage ainsi que celui d'un ancien professeur ont été contredits par des employeurs qui ont exprimé l'avis que le programme répondait aux attentes du marché du travail. Dès lors, il était compréhensible que le premier juge se soit déclaré insatisfait de la démonstration de l'appelante. Par ailleurs, l'appelante a insisté sur les lacunes dans l'enseignement du Collège signalées dans le rapport de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial. Ce rapport est important mais insatisfaisant: il ne vise pas la période visée par l'action et les enquêteurs n'ont pas témoigné pour expliquer la méthodologie suivie, la portée de l'enquête ni l'étendue des problèmes. Ils n'ont pas donné la raison pour laquelle le rapport avait été déposé un an après la fin de l'enquête. Des recommandations d'amélioration ont été faites et l'on doit en conclure que, malgré des déficiences, le Collège remplissait néanmoins sa mission. Le premier juge a estimé la preuve de violation de l'obligation générale de qualité de l'enseignement insuffisante et cette conclusion prend manifestement appui sur le dossier. En outre, l'absence de responsabilité contractuelle du Collège dégage le directeur général de la sienne et la procédure ne contient aucune allégation qui autoriserait la levée du voile corporatif.
La décision du ministre de délivrer le permis, de le suspendre, de le modifier ou de le révoquer est discrétionnaire et elle n'est soumise qu'à l'obligation de recevoir l'avis de la Commission consultative. Aucune disposition législative n'impose au ministre l'obligation d'être le garant de la qualité de l'enseignement. La responsabilité de l'autorité publique qui exerce un tel pouvoir discrétionnaire n'est engagé que si l'agent de l'État a fait preuve de mauvaise foi. En l'espèce, les fonctionnaires ont visité le collège et ils avaient le droit de se fier aux renseignements fournis. Tous les régimes d'autoévaluation fonctionnent sur la base de la bonne foi présumée, et ni la Commission consultative ni le ministre n'avaient de motifs de croire que le Collège avait menti. Toute prétention de responsabilité du ministère de l'Éducation doit être rejetée.