Résumé de l'affaire
Appel d'un jugement du Tribunal des droits de la personne ayant rejeté une demande introductive d'instance pour discrimination. Rejeté.
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) se pourvoit en appel contre un jugement du Tribunal des droits de la personne (TDP) qui a rejeté son recours contre l'employeur, la Société de transport de Montréal. La CDPDJ soutient que l'employeur aurait porté atteinte au droit du plaignant à l'égalité en emploi, sans discrimination fondée sur le handicap, en mettant fin au processus de son embauche à un poste de chauffeur d'autobus, et ce, pour des raisons de santé.
Décision
Conformément à Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov (C.S. Can., 2019-12-19), 2019 CSC 65, SOQUIJ AZ-51654335, 2020EXP-27, la norme de contrôle applicable est celle de l'appel. Ainsi, à l'égard d'une question de droit, c'est généralement la norme de la décision correcte qui s'appliquera, alors que, à l'égard d'une question de fait ou d'une question mixte de fait et de droit pour laquelle une question de droit ne peut être isolée, la norme de l'erreur manifeste et déterminante sera retenue. En l'espèce, il s'agit de questions de fait ou, tout au plus, de questions portant sur le fardeau de la preuve.
Le TDP a correctement déterminé le fardeau de la preuve applicable et a énoncé, avec raison, qu'il appartenait à l'employeur de démontrer, selon la prépondérance de la preuve, qu'il n'avait pas contrevenu à la Charte des droits et libertés de la personne. Ce dernier a établi, notamment par une preuve médicale, les exigences physiques requises afin d'occuper le poste de chauffeur d'autobus. Il a démontré qu'elles avaient été déterminées de bonne foi afin de protéger la sécurité des employés, des voyageurs et du public et que le plaignant n'y satisfaisait pas. Il n'y a aucune erreur du TDP dans son appréciation de la preuve offerte par l'employeur.
La CDPDJ reproche aussi au TDP de ne pas avoir évalué le degré de sécurité recherché par l'employeur, d'avoir considéré que le risque en soi, plutôt qu'un risque grave ou excessif, justifiait la discrimination et d'avoir omis de tenir compte de la qualité de la preuve requise à ces fins. Ces moyens d'appel ne peuvent être retenus. On peut déduire des propos du TDP qu'il a conclu que l'employeur ne tolérait qu'un risque très faible étant donné les obligations légales lui incombant. Il découle du jugement du TDP que ce dernier a estimé que le risque qu'un chauffeur ne puisse faire fonctionner en tout temps les pédales d'un autobus servant au transport en commun était grave. Enfin, le TDP ne s'appuie pas sur une preuve «impressionniste» pour conclure à la présence d'un risque en matière de sécurité. Il se fonde plutôt sur le témoignage d'un médecin qui a précisé les dangers que présentent les limitations fonctionnelles du plaignant. L'employeur ne peut certes justifier un refus d'embauche en invoquant une preuve impressionniste, mais la jurisprudence n'exige pas qu'il présente un type de preuve en particulier, telle une preuve statistique, afin d'établir un risque. Tout dépend du contexte. Tel que le TDP l'a conclu, le témoignage du médecin de l'employeur est suffisant afin d'établir que le risque ne résulte pas d'idées préconçues.