Signalement(s)

Le tribunal autorise l'exercice d'une action collective contre Google lui reprochant d'avoir censuré des vidéos contenant des informations qui contredisaient les mesures sanitaires liées à la COVID-19.

L'exercice d'une action collective reprochant à Google d'avoir porté atteinte à la liberté d'expression des utilisateurs de YouTube en interdisant ou en censurant des vidéos qui contredisaient les mesures sanitaires liées à la COVID-19 est autorisé.

Si la demanderesse réussit à démontrer que le contrat intervenu entre elle et Google est un contrat conclu à distance et qu'il a été modifié de façon illégale par cette dernière en interdisant certaines vidéos sur YouTube, il pourrait alors s'agir d'un manquement à une obligation imposée par la Loi sur la protection du consommateur, ce qui donnera ouverture à une condamnation à des dommages punitifs.

Résumé

Demande d'autorisation d'exercer une action collective. Accueillie.

La demanderesse recherche l'attribution de dommages compensatoires et punitifs à toute personne résidant au Québec ou y ayant un établissement qui a utilisé ou a visité YouTube, un média social exploité par la défenderesse qui permet le partage de vidéos, depuis le 15 mars 2020. Elle soutient avoir été censurée par la défenderesse, Google, pour avoir publié des vidéos qui, selon un règlement de YouTube, auraient propagé des «informations médicales incorrectes contredisant celles des autorités sanitaires locales ou de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) concernant la COVID-19», et ce, à 3 reprises. Elle fait principalement valoir que le contrôle du contenu effectué par YouTube en ce qui concerne la pandémie de la COVID-19 constitue une atteinte illicite et intentionnelle à la liberté d'expression protégée par la Charte des droits et libertés de la personne. La demanderesse invoque également l'article 272 de la Loi sur la protection du consommateur dans le contexte de la transgression possible des articles 10, 11.2, 19.1 et 54.4 de cette même loi.

Décision

Seule l'audience au fond permettra de déterminer si un média social comme YouTube, qui, par définition et dans son essence, fournit aux utilisateurs un espace d'expression, peut être tenu responsable d'avoir interdit ou censuré certaines vidéos. Il importe peu que les vidéos de la demanderesse aient pu être diffusées sur d'autres plateformes. De même, la question de la véracité du message n'a aucune incidence sur la liberté d'expression dans le présent contexte. Quant à la sécurité des usagers alléguée par YouTube, la dangerosité potentielle de certaines vidéos ne peut faire l'objet d'un débat à cette étape de la procédure. Le syllogisme basé sur la liberté d'expression peut être vérifié et présente une simple possibilité de gain de cause au fond. Il faut aussi noter que la défenderesse ne conteste pas les questions soulevées en ce qui concerne le droit de la consommation et le droit international privé, ce qui signifie qu'elles seront autorisées.

Quant aux dommages, la demanderesse allègue avoir subi une atteinte à sa dignité et s'être sentie ostracisée et bâillonnée par les actions de Google et il faut tenir pour avérées ces allégations, qui ne sont ni vagues ni imprécises. C'est uniquement lors de l'audience au fond qu'il sera possible de déterminer s'il y a eu une atteinte intentionnelle donnant droit à des dommages punitifs. Si la demanderesse réussit à démontrer que le contrat intervenu entre elle et la défenderesse a été conclu à distance et qu'il a été modifié de façon illégale par cette dernière, il pourrait alors s'agir d'un manquement à une obligation imposée par la Loi sur la protection du consommateur, ce qui donnerait ouverture à une condamnation à des dommages punitifs. Cependant, la question des dommages punitifs ne touche pas les personnes qui ne diffusent aucune vidéo, ne possèdent pas de compte YouTube ou ont seulement visité cette plateforme puisqu'il n'existe pas de contrat de consommation dans une telle situation. Il n'est pas nécessaire que les demandes des membres du groupe soient identiques ou que la détermination des questions communes mène à la résolution complète de l'affaire. Une seule question identique, similaire ou connexe est suffisante si elle permet de faire progresser le litige de façon non négligeable. C'est le cas dans le présent dossier. En effet, il sera avantageux pour tous les membres de répondre à la préoccupation concernant la juridiction compétente, la validité du contrat et des politiques de YouTube, les paramètres de la liberté d'expression dans le contexte de l'utilisation d'une plateforme électronique dédiée à la communication entre usagers et les limites de la protection de la sécurité des utilisateurs et des visiteurs.

 

Les allégations figurant dans la demande d'autorisation n'ont trait qu'au traitement de l'information relative à la pandémie de la COVID-19. Or, le groupe visé ne reflète pas cette situation. Ce dernier sera donc modifié afin d'inclure «toute personne, physique ou morale, qui a utilisé ou visité YouTube depuis le 15 mars 2020, et qui a vu ses vidéos reliées directement ou indirectement à la pandémie de la COVID-19, censurées ou qui, ayant voulu le faire, n'a pu prendre connaissance ou accéder à ces vidéos, alors qu'elle résidait au Québec ou y avait un établissement». Enfin, la demanderesse, qui est une utilisatrice de YouTube, est en mesure d'assurer une représentation adéquate.


Dernière modification : le 14 août 2024 à 15 h 07 min.