La Dépêche
ACTION COLLECTIVE (RECOURS COLLECTIF) : Une action collective est autorisée contre les défenderesses, les villes de Montréal et de Québec ainsi que la Société en commandite Stationnement de Montréal, au nom des personnes ayant utilisé, depuis le 15 juin 2015, un stationnement lié par un parcomètre dont le paiement du coût d'utilisation doit être effectué à une borne de péage ou au moyen d'une application mobile et qui n'ont pu cumuler leur temps lors d'un paiement subséquent ou qui n'ont pu bénéficier du temps restant payé par un utilisateur précédent.
PROTECTION DU CONSOMMATEUR : L'action collective des usagers des bornes de paiement informatisées servant au stationnement dans les rues des villes de Montréal et de Québec est autorisée.
Résumé
Demande pour autorisation d'exercer une action collective. Accueillie.
La demanderesse désire exercer une action collective au nom des personnes ayant utilisé, depuis le 15 juin 2015, un stationnement contrôlé par un parcomètre appartenant à l'une des défenderesses, ou dont l'une d'elles a l'usage, la gestion ou la possession, dont le coût d'utilisation doit être réglé à une borne de paiement ou au moyen d'une application mobile et n'ayant pu cumuler leur temps lors d'un paiement subséquent ou bénéficier du temps restant d'un utilisateur précédent. Les systèmes de paiement électronique en question sont des bornes de paiement informatisées installées à proximité des places de stationnement ainsi qu'une application mobile pouvant être utilisée avec un téléphone intelligent ou un ordinateur. À Québec, cette application porte le nom de Copilote, et à Montréal, de P $ Service mobile. Jusqu'au 1er janvier 2020, les bornes de paiement et l'application P $ Service mobile sur le territoire de Montréal étaient exploitées par la défenderesse Société en commandite Stationnement de Montréal. À compter de cette date, la ville défenderesse a pris en charge le présent litige, entraînant l'exonération complète de Stationnement de Montréal. Les défenderesses soutiennent que la présente demande d'autorisation est irrecevable. Elles invoquent notamment la prescription, la chose jugée ou, à défaut, la doctrine de l'abus de procédure.
Décision
L'argument de la chose jugée prend appui sur un jugement rendu le 17 juillet 2007, dans Pierard c. Montréal (Ville de), (C.S., 2007-07-17), 2007 QCCS 3467, SOQUIJ AZ-50442395, J.E. 2007-1508. Hormis la période visée, qui est différente, il est probable que la majorité des membres visés par le recours collectif de Pierard fasse partie du groupe proposé par la demanderesse. En ce qui concerne les bornes et l'application de paiement utilisées à Montréal, il y a donc identité de parties. Conclure autrement mènerait à un résultat absurde. Quant à l'identité d'objet, elle ne pose pas problème car, tout comme dans Pierard, la demanderesse cherche à obtenir la permission d'exercer une action collective. Cependant, à la différence de Pierard, cette dernière ne veut pas faire annuler la réglementation applicable à Montréal et à Québec en matière de tarification des places de stationnement. Au contraire, elle allègue que cette réglementation ne permet pas aux défenderesses de percevoir un tarif en double pour une même période. Ce qu'elle recherche est d'ailleurs le remboursement de ce qui a été payé en double, et non la totalité du droit payé. Ainsi, il faut conclure à l'absence d'identité de cause et, donc, de chose jugée. D'autre part, le tribunal ne s'est pas prononcé sur la suffisance du syllogisme juridique que la demanderesse met de l'avant dans le présent dossier, sauf en obiter. En conséquence, la présente demande d'autorisation n'est pas abusive relativement à quelque aspect que ce soit.
Quant aux conditions prévues à l'article 575 du Code de procédure civile (C.P.C.), le groupe proposé vise ceux qui n'ont pu cumuler le temps initialement payé lors d'un paiement
subséquent ou qui n'ont pu bénéficier du temps restant d'un utilisateur précédent. Ces causes d'action ne sont pas frivoles; elles se défendent. Toutefois, c'est au stade du mérite que le tribunal devra déterminer si elles sont bien fondées. D'autre part, le groupe proposé par la demanderesse cible les utilisateurs ayant payé des frais de stationnement à compter du 15 juin 2015. Le tribunal ne peut donc conclure, à ce stade, que l'action collective proposée est prescrite. Il en est ainsi puisque le délai de prescription du droit d'action que la demanderesse veut faire valoir au nom des membres putatifs ne commence à courir qu'à compter du moment où ceux-ci ont subi le dommage. Or, les dommages subis par chacun des membres dataient de moins de 3 ans au moment où la demande d'autorisation a été produite. Par ailleurs, seule une preuve complète permettra de comprendre et de qualifier juridiquement le rôle précis de Stationnement de Montréal ainsi que les liens contractuels et d'affaires qui l'unissent à Montréal. La condition de la cause défendable prévue à l'article 575 paragraphe 2 C.P.C. est donc remplie.
Par ailleurs, les 3 questions importantes suivantes sont communes à tous les membres: Les défenderesses se sont-elles acquittées adéquatement de leur devoir d'information? Ont-elles l'obligation de faire profiter le nouvel utilisateur d'une place de stationnement du temps non écoulé payé par un utilisateur précédent? L'impossibilité de cumuler du temps, sauf avec l'application Copilote à Québec, est-elle contraire à la réglementation municipale existante ou au contrat qui lie chaque utilisateur à l'une ou l'autre des défenderesses ou, du moins, ce contrat est-il abusif? La condition prévue au paragraphe 1 de l'article 575 C.P.C. est donc remplie, ce qui est également le cas de toutes celles requises pour l'ouverture d'une action collective. Par contre, en ce qui a trait à la définition du groupe, elle doit être modifiée pour reconnaître le fait que l'application Copilote à Québec permet le cumul du temps.