La Dépêche

PROCÉDURE CIVILE : Le tribunal est compétent pour réviser une décision de la greffière spéciale rendue par défaut contre le défendeur; la décision est annulée notamment parce que le droit fondamental de la demanderesse de se faire entendre n'a pas été respecté.

PROTECTION DU CONSOMMATEUR : L'avis de 30 jours préalable à toute demande de reprise de possession prévu à l'article 150.14 de la Loi sur la protection du consommateur n'est pas visé par la suspension de délai prévue par l'arrêté no 2020-4251 (Arrêté concernant la suspension de délais de prescription et de procédure civile et l'utilisation d'un moyen de communication en raison de la déclaration d'état d'urgence sanitaire du 13 mars 2020) en lien avec la pandémie de la COVID-19.

Résumé

Demande en révision d'une décision de la greffière spéciale. Accueillie.

La demanderesse, Toyota Crédit Canada inc., demande la révision de la décision rendue par la greffière spéciale en vertu de l'article 74 du Code de procédure civile (C.P.C.). Cette dernière a rejeté sa demande visant notamment la reprise de possession d'un véhicule loué au défendeur, lequel n'a jamais répondu à l'assignation. Elle a jugé la demande prématurée au motif que l'avis de 30 jours préalable à toute demande de reprise de possession, prévu à l'article 150.14 de la Loi sur la protection du consommateur, n'était pas échu puisque le délai avait été suspendu par l'Arrêté concernant la suspension de délais de prescription et de procédure civile et l'utilisation d'un moyen de communication en raison de la déclaration d'état d'urgence sanitaire du 13 mars 2020, lié à la pandémie de la COVID-19.

Décision

En ce qui concerne la compétence du tribunal, l'article 74 C.P.C. prévoit que les décisions rendues par un greffier spécial peuvent être révisées «à l'exception des jugements rendus par défaut faute pour le défendeur de répondre à l'assignation». Un tel jugement, comme c'est le cas en l'espèce, ne peut être considéré comme un jugement rendu par défaut sous l'angle de la demanderesse. Cette dernière était présente à l'instance, de sorte qu'elle ne peut être reconnue ni jugée en défaut. Également, elle n'a pas obtenu un jugement contre le défendeur puisque sa demande a été rejetée. Ainsi, l'argument mis de l'avant par la demanderesse est convaincant, et le tribunal y adhère afin d'éviter les effets inattendus — et peut-être insuffisamment soupesés par le législateur — de l'article 74 C.P.C. dans le cas d'une

rejetée par défaut. Donc, sur le plan de la cohérence législative du libellé de l'article 74 C.P.C., la décision de la greffière spéciale est sujette à révision par le tribunal puisque cette décision n'est pas visée par l'exception prévue à cet article. De plus, avant de rejeter la demande, la greffière spéciale devait, de façon impérative, permettre à la demanderesse d'être entendue. La non-application de l'article 17 C.P.C. est flagrante. Le non-respect d'une règle aussi fondamentale justifie à lui seul l'intervention du tribunal en révision.

La greffière spéciale a erré dans son interprétation de l'arrêté ministériel en ce qui a trait à la suspension des délais de procédure civile et de déchéance en matière civile lorsqu'elle a conclu que l'arrêté en question visait l'avis préalable de 30 jours prévu à l'article 150.14 de la Loi sur la protection du consommateur. Ce délai est prévu non pas dans le Code de procédure civile, mais dans une loi sectorielle comme la Loi sur la protection du consommateur, même si celle-ci est d'ordre public. Cet avis préalable n'est donc pas un délai de procédure civile. Quant aux délais de déchéance en matière civile, les conséquences juridiques du non-respect d'un tel délai sont importantes; le recours ne peut plus être exercé et le fondement juridique de celui-ci est éteint. La situation visée par l'exercice d'une reprise de possession, après l'envoi de l'avis préalable de 30 jours, est tout autre. La greffière spéciale a fait référence à l'article 106 de la Loi sur la protection du consommateur, relatif à la déchéance du bénéfice du terme. Le terme «déchéance» contenu dans cette expression a peu à voir avec la notion de «délai de déchéance» au sens de l'arrêté ministériel. Il s'agit de 2 réalités juridiques différentes. Le délai de 30 jours prévu à l'article 154.14 de la Loi sur la protection du consommateur n'est pas un délai de déchéance visé par l'arrêté ministériel. La décision rendue par la greffière spéciale est annulée et le tribunal accueille la demande introductive d'instance.


Dernière modification : le 29 avril 2022 à 13 h 46 min.