La Dépêche
PROTECTION DU CONSOMMATEUR : Accusée d'avoir contrevenu à l'article 236.1 de la Loi sur la protection du consommateur, Billets.ca Marché de billets inc. échoue dans sa tentative d'obtenir l'arrêt des procédures pour cause de délai déraisonnable.
PÉNAL (DROIT) : Il n'y a pas lieu de prononcer l'arrêt des procédures intentées contre Billets.ca Marché de billets inc. pour avoir enfreint la Loi sur la protection du consommateur, car le délai de 35 mois qui s'est écoulé entre la signification du constat d'infraction et le procès n'est pas déraisonnable.
DROITS ET LIBERTÉS : Le délai de 35 mois qui s'est écoulé entre la signification du constat d'infraction à la Loi sur la protection du consommateur et le procès de la requérante n'est pas déraisonnable.
Résumé
Requête en arrêt des procédures. Requête en irrecevabilité. Rejetées.
La requérante est accusée d'avoir contrevenu à l'article 236.1 de la Loi sur la protection du consommateur en exigeant d'un consommateur, pour la vente d'un billet de spectacle, un prix supérieur à celui annoncé par le vendeur autorisé par le producteur du spectacle. Elle demande l'arrêt des procédures intentées contre elle au motif que le délai de 35 mois entre la signification du constat d'infraction et le procès est déraisonnable et contrevient au plafond nouvellement établi dans R. c. Jordan (C.S. Can., 2016-07-08), 2016 CSC 27, SOQUIJ AZ-51302609, 2016EXP-2173, J.E. 2016-1212, [2016] 1 R.C.S. 631. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) prétend que cette requête est incomplète puisque aucun procès-verbal ni aucune note sténographique n'ont été produits au soutien des allégations de la requête. De plus, sur le fond de la requête, le DPCP reconnaît que le délai dépasse considérablement le plafond de 18 mois établi dans Jordan. Toutefois, puisqu'il s'agit d'une affaire en cours d'instance, il prétend que les mesures transitoires exceptionnelles doivent s'appliquer, car les parties se sont raisonnablement conformées au droit antérieur. D'autre part, suivant l'application du droit en vigueur à l'époque, aucun préjudice n'ayant été démontré, la requête devrait être rejetée.
Décision
Dans les circonstances, la requête en arrêt des procédures est recevable, et ce, malgré l'absence en pièces jointes des procès-verbaux et des notes sténographiques. Dans Jordan, la Cour suprême a déterminé un plafond au-delà duquel les délais sont présumés déraisonnables. Dans le cas des affaires instruites devant une cour provinciale, il est fixé à 18 mois à compter du dépôt des accusations ou de la signification du constat d'infraction à la conclusion réelle ou anticipée du procès, déduction faite des périodes auxquelles la défense aura clairement renoncé ou pour lesquelles les délais lui sont imputables. En l'espèce, le délai total est de 35 mois et les parties conviennent qu'il n'y a eu aucune renonciation ni aucun délai strictement imputables à la défense. Le délai global excède de 17 mois le plafond nouvellement établi et, par conséquent, il est présumé déraisonnable. Aucune circonstance exceptionnelle ne peut justifier les délais qui excèdent le plafond présumé. En l'espèce, une seule mesure transitoire est susceptible de s'appliquer et, pour ce faire, le DPCP doit démontrer que le temps qui s'est écoulé est justifié du fait que les parties se sont raisonnablement conformées au droit tel qu'il existait au préalable. Antérieurement à l'arrêt Jordan, la détermination d'une violation de l'article 11 b) de la Charte canadienne des droits et libertés était régie par R. c. Morin (C.S. Can., 1992-03-26), SOQUIJ AZ-92111050, J.E. 92-517, [1992] 1 R.C.S. 771. L'ensemble de l'affaire ne comportait aucune complexité particulière. Par ailleurs, les délais dépassent largement le cadre proposé dans Morin. Cependant, un délai inhérent de 8 mois doit être retranché du délai global de 35 mois, réduisant ainsi le délai institutionnel global à 27 mois. En réponse à ce délai, le DPCP a été proactif. Il a demandé une gestion d'instance afin de définir et de limiter le débat, il y a participé activement et il a tenté de trouver des solutions à la tenue d'un procès. Pour sa part, la requérante n'a pas déployé d'efforts pour faire avancer le dossier et réduire les délais. Enfin, il n'existe aucun préjudice réel, concret ou irréparable qui ne relève pas de l'hypothèse et qui soit de nature à compromettre l'équité du procès ou de nature à brimer son droit à une défense pleine et entière. Si un tel préjudice existe, il n'a certainement pas été causé par l'écoulement du temps mais plutôt par la négligence de la requérante elle-même et il n'outrepasse aucunement les considérations d'intérêt justifiant la tenue d'un procès. Les parties se sont raisonnablement fondées sur l'état du droit relatif à l'article 11 b) de la charte tel qu'il existait antérieurement à l'arrêt Jordan et, par conséquent, la mesure transitoire exceptionnelle doit s'appliquer.