En bref

Même si le prêt sur gage est considéré comme un prêt garanti par hypothèque depuis l'entrée en vigueur du Code civil du Québec, il n'est pas visé par l'exemption prévue à l'article 21 du Règlement d'application de la Loi sur la protection du consommateur.

Résumé de l'affaire

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant cassé un verdict de culpabilité et acquitté l'intimée sous l'accusation d'avoir omis d'utiliser un contrat conforme aux exigences énoncées à l'article 115 de la Loi sur la protection du consommateur. Accueilli.

Le 8 novembre 2002, l'intimée a été déclarée coupable par la Cour du Québec d'avoir utilisé à cinq occasions un contrat de prêt d'argent qui ne reproduisait pas les mentions prévues à l'annexe 3 de la Loi sur la protection du consommateur ni la mention obligatoire prescrite par l'article 33 du Règlement d'application de la Loi sur la protection du consommateur. Le 22 août 2003, le verdict de culpabilité a été cassé par la Cour supérieure. L'appel de ce jugement a été autorisé sur des questions de droit. La première de celles-ci a trait au fardeau de preuve du poursuivant, notamment quant à la qualité de consommateur de la personne physique partie au contrat. La deuxième porte sur le droit de l'intimée d'être exemptée de l'application de la loi en vertu de l'article 21 du règlement, le prêt sur gage étant considéré comme une hypothèque mobilière avec dépossession depuis l'entrée en vigueur du Code civil du Québec, en 1994.

Résumé de la décision

Mme la juge Rayle: Le poursuivant devait faire la preuve, hors de tout doute raisonnable, des éléments constitutifs de l'infraction, soit l'existence entre un commerçant et un consommateur d'un contrat de prêt d'argent non conforme à l'article 115 de la loi. Sa preuve était constituée du contrat litigieux, du certificat de l'Inspecteur général des institutions financières ainsi que des témoignages de l'enquêteur de l'Office de la protection du consommateur et du policier qui ont procédé à l'inspection des locaux de l'intimée. Les personnes physiques qui ont emprunté à l'intimée n'ont pas témoigné, mais le contenu des contrats démontre que les objets mis en gage étaient des biens personnels, que la contrepartie variait entre 10 $ et 100 $ et que la durée du prêt était de 30 jours. Ces indices factuels fondaient le juge de la Cour du Québec à conclure que les signatures étaient à leur face même celles de personnes physiques agissant pour elles-mêmes et non pour une personne morale et que cette preuve prima facie non contrée était établie hors de tout doute raisonnable. Chaque cas est un cas d'espèce et, en d'autres circonstances, la teneur du contrat n'aurait peut-être pas suffi à démontrer que le poursuivant s'était déchargé de son fardeau de preuve. Toutefois, en l'absence d'une preuve soulevant un doute raisonnable, la conclusion du juge de la Cour du Québec était bien fondée et la Cour supérieure n'aurait pas dû intervenir.

Même si le prêt sur gage est considéré comme un prêt garanti par une hypothèque mobilière depuis l'entrée en vigueur du Code civil du Québec, on ne saurait prétendre que le législateur a soustrait de l'application de certaines parties de la loi tous les contrats de prêt d'argent garantis par hypothèque. Les dispositions de la loi et du règlement n'ont pas été modifiées, et seul le contrat de crédit garanti par une hypothèque immobilière est soustrait à l'application de certaines parties de la loi. On n'interprète pas un texte qui est clair. Or, au moment de l'adoption de l'article 21 du règlement, la seule exception créée par le législateur est le prêt garanti par une hypothèque immobilière. La stabilité du droit fait échec à la prétention selon laquelle l'exception doit être étendue à tous les contrats de crédit garantis par hypothèque. Comme l'a exprimé le juge de la Cour supérieure, l'exception doit demeurer la même, car le législateur ne fait pas de changements majeurs dans le droit sans l'énoncer clairement. Or, parmi toutes les lois modifiées pour tenir compte du nouveau vocabulaire utilisé dans le Code civil du Québec en matière de sûretés, il n'a pas inclus la Loi sur la protection du consommateur.


Dernière modification : le 19 octobre 2004 à 14 h 46 min.