Résumé de l'affaire
Pourvoi à l'encontre d'un arrêt de la Cour d'appel ayant infirmé un jugement de la Cour supérieure qui avait rejeté la demande de l'intimé pour autorisation d'exercer un recours collectif. Accueilli.
L'intimé a été condamné à l'emprisonnement pour défaut de paiement d'amendes imposées pour des infractions au Code de la sécurité routière du Québec. Il a passé 49 jours en prison. Puis, pendant qu'il était en libération conditionnelle, il a demandé au tribunal de l'autoriser, en vertu de l'article 1003 du Code de procédure civile (C.P.), à intenter un recours collectif afin de réclamer des dommages-intérêts en réparation du préjudice imputable à l'invalidité constitutionnelle dont aurait été frappée sa détention (et celle des autres membres du groupe), au motif que les dispositions concernant la détermination de la peine du Code de procédure pénale et de la loi antérieure, la Loi sur les poursuites sommaires, violaient la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Le juge de la Cour supérieure a rejeté la demande de l'intimé, notamment au motif que les faits allégués ne semblaient pas justifier, à première vue, les conclusions recherchées. La Cour d'appel, à la majorité, a infirmé cette décision.
Décision
M. le juge Gonthier: L'une des conditions requises par l'article 1003 C.P. pour justifier l'exercice d'un recours collectif consiste, comme l'indique le paragraphe b), à démontrer que «les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées». En vertu de ce paragraphe, le juge n'est pas appelé à se prononcer sur le fond de l'affaire, mais il doit plutôt exercer le pouvoir discrétionnaire dont dispose la Cour supérieure à cet égard et décider si la demande a «une apparence sérieuse de droit». Pour respecter cette condition, il suffit de prouver l'existence d'un droit prima facie. En l'espèce, l'aspect déterminant de la demande de l'intimé est l'action en dommages-intérêts. La prétention d'inconstitutionnalité est simplement un préalable nécessaire à cette question principale. Généralement, l'adoption et l'application de textes de loi subséquemment jugés invalides ne donnent pas ouverture à une action en dommages-intérêts contre le gouvernement en vertu du droit général de la responsabilité civile. De même, en règle générale, une action en dommages-intérêts présentée en vertu de l'article 24 paragraphe 1 de la charte canadienne ne peut être jumelée à une action en déclaration d'invalidité fondée sur l'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982. L'intimé a appuyé sa réclamation en dommages-intérêts sur un simple argument d'inconstitutionnalité. En l'espèce, les faits ne justifiaient pas une dérogation à la règle générale. La conclusion du juge de la Cour supérieure que l'affaire ne respectait pas le critère préliminaire d'application de l'article 1003 b), savoir l'existence d'une «apparence sérieuse de droit», constituait donc un exercice raisonnable du pouvoir discrétionnaire que lui confère cette disposition et, par conséquent, cette conclusion devait être respectée.