Résumé de l'affaire
Appels d'un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli une demande d'exercer une action collective contre une défenderesse et l'ayant rejetée contre l'autre. L'appel est rejeté dans un dossier et est accueilli dans l'autre.
L'appelante 9238-0831 Québec inc., faisant affaire sous le nom de Caféier-Boustifo, alléguait que l'appelante Télébec et l'intimée Vidéotron s.e.n.c. facturaient des frais abusifs pour la résiliation de contrats commerciaux de téléphonie et d'Internet et a demandé l'autorisation d'exercer une action collective contre ces entreprises. Le juge de première instance a rejeté la demande visant Vidéotron, étant d'avis que Boustifo n'avait pas établi d'apparence de droit à l'égard de celle-ci. Toutefois, il a autorisé le recours contre Télébec tout en rejetant l'argument de cette dernière voulant que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) soit la seule instance compétente pour entendre le litige.
Décision
M. le juge Schrager: Contrairement à ce que soutient Télébec, le juge n'a pas commis d'erreur en rejetant l'argument portant sur sa compétence puisque le litige trouve racine dans le droit privé et se fonde plus particulièrement sur les obligations contractuelles prévues à l'article 1437 du Code civil du Québec (C.C.Q.). D'ailleurs, dans Masson c. Telus Mobilité (C.A., 2019-06-25), 2019 QCCA 1106, SOQUIJ AZ-51607326, 2019EXP-1839, la Cour a déterminé que l'approbation d'un tarif de résiliation par le CRTC à l'intérieur de zones désignées ne change en rien l'attribution de la Cour supérieure afin de statuer sur le caractère abusif des clauses de résiliation ou leur application abusive. Télébec prétend également que le juge a erré en concluant à une apparence de droit suffisante mais, même devant la brève analyse du juge, il ressort clairement de la procédure que les faits allégués «paraissent justifier les conclusions recherchées», tel que le prévoit l'article 575 paragraphe 2 du Code de procédure civile. Finalement, le juge n'a pas commis d'erreur en ce qui a trait aux questions communes puisque la clause de résiliation en litige est la même pour l'ensemble des membres du groupe et s'applique de manière uniforme à ceux-ci.

Quant à l'appel de Boustifo, la question centrale découle de la conclusion du juge selon laquelle une renonciation à l'application de l'article 2125 C.C.Q. dans les contrats de Vidéotron constitue une fin de non-recevoir en ce qui a trait à l'analyse du caractère abusif d'une clause de résiliation du contrat. En l'espèce, on ne peut conclure que l'exclusion du droit à la résiliation de l'article 2125 C.C.Q. entraîne l'absence d'une cause d'action à l'égard de Vidéotron puisque le contrat comprend tout de même des sommes devant être imposées lors d'une résiliation unilatérale. Le juge a donc erré en concluant à l'absence d'apparence de droit. Qui plus est, le fondement juridique du droit invoqué est suffisamment lié à celui invoqué à l'encontre de Télébec, et la question commune, qui est la même que celle relative à Télébec, est suffisante. Le juge a également commis une erreur quant à la suffisance des allégations de la demande puisque les allégations portant sur Vidéotron sont aussi suffisantes que celles liées à Télébec. Au surplus, le fait que Boustifo n'est pas un client de Vidéotron n'est pas un obstacle à l'autorisation, comme l'a affirmé la Cour suprême dans Banque de Montréal c. Marcotte (C.S. Can., 2014-09-19), 2014 CSC 55, SOQUIJ AZ-51108752, 2014EXP-2879, J.E. 2014-1644, [2014] 2 R.C.S. 725. Somme toute, quoique les allégations à l'encontre de Vidéotron soient succinctes, elles sont adéquates et, comme la conclusion du juge dépasse le processus de filtrage, il appert que celui-ci a commis une erreur révisable. Il y a donc lieu d'autoriser l'action collective proposée contre Vidéotron.


Dernière modification : le 14 août 2022 à 15 h 11 min.