Signalement(s)
Une action collective est autorisée au nom des personnes au Québec qui sont parties à un contrat de courtage sans conseils et auxquelles des frais de conversion de devises ont été prélevés de leur compte de courtage, et ce, depuis le 15 mars 2018.
Les pratiques de commerce et les contrats concernant une opération régie par la Loi sur les valeurs mobilières sont manifestement exclus de l'application de la Loi sur la protection du consommateur.
La Cour autorise l'exercice d'une action collective entreprise au nom des personnes au Québec qui sont parties à un contrat de courtage sans conseils et auxquelles des frais de conversion de devises ont été prélevés de leur compte de courtage, et ce, depuis le 15 mars 2018.
La Cour autorise l'exercice d'une action collective contre les courtiers offrant des services de négociation de titres sans conseils; le débat portera sur le droit des membres du groupe à la restitution des frais de conversion de devises qu'ils ont payés en application des articles 1491 et 1554 C.C.Q.
Selon le sens ordinaire et grammatical des mots, l'achat ou la vente de titres est le point de départ de toute conversion de devises, soit une opération régie par la Loi sur les valeurs mobilières; ainsi, la clause gouvernant la conversion de devises comprise dans le contrat de courtage «concerne» nécessairement, au sens de l'article 6 de la Loi sur la protection du consommateur, cette action de vendre ou d'acheter.
Les tribunaux québécois ont compétence pour entendre l'action collective proposée à l'encontre de courtiers offrant des services de négociation de titres sans conseils; le demandeur a effectué des transactions au Québec, les frais de conversion de devises lui ont été imputés à cet endroit et il y a subi un préjudice (art. 3148 C.C.Q.).
Résumé
Demande d'autorisation d'exercer une action collective. Accueillie en partie.
En mars 2020, le demandeur a ouvert plusieurs comptes de courtage en ligne auprès d'une filiale de la Financière Banque Nationale inc., soit Banque Nationale Courtage direct, (FBN/BNCD). Il a utilisé son régime enregistré d'épargne-retraite en dollars canadiens afin d'acheter et de vendre, dans un très court intervalle, des titres de sociétés négociés en bourse aux États-Unis. Pour les acheter, les sommes se trouvant dans son compte devaient d'abord être converties en dollars américains. Au moment de la vente, le produit de disposition en dollars américains devait de nouveau être converti en dollars canadiens avant d'être redéposé dans le compte du demandeur.
Selon ce dernier, à chaque occasion, des frais de conversion de devise lui ont été imposés par FBN/BNCD sans qu'elle lui divulgue au préalable la teneur et les modalités de ceux-ci. Il soutient que, en lui réclamant des frais non divulgués, FBN/BNCD a violé des dispositions prévues à la Loi sur la protection du consommateur. Toutes les défenderesses agissent, selon lui, de la même façon avec leurs clients. Le demandeur affirme aussi qu'il aurait payé ces frais par erreur ou sans obligation et qu'il a ainsi droit à leur restitution en application des articles 1491 et 1554 du Code civil du Québec (C.C.Q.). À titre de compensation, il réclame le remboursement de la somme de 35 000 $, ce qui représente le total des frais de conversion de devises qu'il a versés à FBN du 31 mars au 25 août 2020, ainsi que 1 750 $ en dommages punitifs. Le demandeur cherche ainsi à obtenir l'autorisation d'intenter une action collective pour le compte du groupe composé de «toutes les personnes physiques et les personnes morales résidant ou ayant leur siège au Québec qui sont parties à un contrat de courtage avec l'une ou plusieurs des défenderesses et à qui des frais de conversion de devises ont été prélevés de leur compte de courtage depuis le 15 mars 2018».
Décision
En tenant pour avérés les faits allégués par le demandeur, une interprétation statutaire de l'article 6 de la Loi sur la protection du consommateur mène à la conclusion que le recours ne peut être fondé sur cette loi. En effet, selon le sens ordinaire et grammatical des mots, une opération d'achat ou de vente de titres est le point de départ de toute conversion de devises, soit une opération assujettie à la Loi sur les valeurs mobilières. Ainsi, la clause gouvernant la conversion de devises comprise dans le contrat de courtage «concerne» nécessairement, au sens de l'article 6 de la Loi sur la protection du consommateur, cette opération de vente ou d'achat. Le contrat de courtage est de ce fait exclu de la portée de la Loi sur la protection du consommateur et doit plutôt obéir à la réglementation adoptée en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières. Quant à l'application du Code civil du Québec, la présente demande comprend une cause d'action défendable (Banque Amex du Canada c. Adams (C.S. Can., 2014-09-19), 2014 CSC 56, SOQUIJ AZ-51108750, 2014EXP-2878, J.E. 2014-1642, [2014] 2 R.C.S. 787). Les clauses relatives aux frais de change qui figurent dans les contrats des différentes défenderesses sont semblables à celles de la FBN/BNCD, à l'exception de celles de BMO Ligne d'action inc. (BMO LA) et de BMO Nesbitt Burns inc. Elles traitent toutes d'un taux de change qui peut comprendre un revenu basé sur un écart entre le taux acheteur et le taux vendeur. Elles soulèvent donc des questions identiques, similaires ou connexes en ce qui a trait à l'application des articles 1491 et 1554 C.C.Q., et plus particulièrement à l'obligation d'information et de bonne foi. En outre, l'action ne peut être autorisée qu'à l'égard des courtiers qui fournissent des services de courtage sans conseils. Par ailleurs, BMO LA doit être exclue puisqu'un taux de conversion maximal s'appliquait durant la période visée par la demande d'autorisation et il ne peut y avoir d'erreur ou d'absence d'obligation.
Le groupe doit donc être redéfini afin d'être limité aux membres putatifs qui sont parties à un contrat de courtage sans conseils. Enfin, les tribunaux québécois ont compétence si le préjudice est subi au Québec. Or, en l'espèce, le demandeur a fait des transactions au Québec, les frais de conversion de devises ont été imputés à cet endroit et il y a subi un préjudice (art. 3148 C.C.Q.).