Résumé de l'affaire
Demande en réclamation de dommages-intérêts (494 519 $). Accueillie.
Le 23 octobre 2013, le ministère de la Sécurité publique du Québec (MSP) a versé la somme de 494 519 $ à la Ville de Repentigny en vertu du chapitre VI (art. 10 à 13) du Décret concernant l'établissement du Programme général d'aide financière lors de sinistres réels ou imminents, qui prévoit une aide financière pour les organismes ayant porté aide et assistance, lesquels comprennent une municipalité, suivant une opération de sauvetage qui a eu lieu du 29 janvier au 2 février 2013. La demanderesse, qui représente en l'instance le gouvernement, recherche auprès des défenderesses le remboursement de la somme ayant été versée à la Ville de Repentigny en invoquant son droit d'être subrogée dans les droits de cette dernière en vertu de l'article 118 de la Loi sur la sécurité civile. Selon la demanderesse, la responsabilité des défenderesses dans le glissement de terrain ne fait aucun doute.
Décision
Le fait qu'une procédure de révision de la décision portant sur l'admissibilité de Repentigny au Décret concernant l'établissement du Programme général d'aide financière lors de sinistres réels ou imminents et sur la somme de l'aide ou de l'indemnité accordée soit prévue à l'article 121 de la Loi sur la sécurité civile et à l'article 84 du décret ne constitue pas un empêchement pour le tribunal de se prononcer sur la conformité du paiement et sur l'admissibilité de Repentigny à ce programme. D'une part, le tribunal a compétence pour statuer sur le recours de la demanderesse et, à cette fin, il a pleinement compétence pour trancher les questions découlant de l'application de l'article 118 de la Loi sur la sécurité civile. D'autre part, la décision de verser à Repentigny une aide en vertu du programme n'a pas force de chose jugée à l'égard des défenderesses puisqu'elles n'étaient pas parties à cette décision. Quant à la règle interdisant les contestations indirectes, elle ne s'applique pas en l'espèce, car les défenderesses ne cherchent pas à faire infirmer cette décision du MSP, ce qui obligerait Repentigny à rembourser au gouvernement l'aide financière reçue. Ainsi, vu la nature subrogatoire du présent recours, les défenderesses ont le droit de contester les conditions de subrogation légale invoquée par la demanderesse.
Les conditions nécessaires pour que le gouvernement soit subrogé légalement de plein droit en vertu de l'article 118 de la Loi sur la sécurité civile sont les suivantes: 1) il doit avoir versé une somme en vertu du programme 2) à une personne qui bénéficie de celui-ci. En l'espèce, il est acquis que, le 29 janvier 2013, un sinistre majeur s'est produit sur le territoire de la paroisse de L'Épiphanie mettant en péril la vie de 3 personnes. Toute personne devait leur porter secours, y compris les défenderesses et la municipalité de L'Épiphanie (art. 2 al. 2 de la Charte des droits et libertés de la personne). Partant, le sens commun confirme que Repentigny, en participant à l'opération de sauvetage, a nécessairement apporté son aide tant aux victimes et aux défenderesses qu'à la Municipalité au sens de l'article 79 alinéa 2 du décret. En conséquence, Repentigny était parfaitement en droit de bénéficier du programme dans les circonstances et c'est ce que le MSP a décidé en lui versant la somme de 494 519 $. Or, le Code civil du Québec (C.C.Q.) prévoit lui aussi que l'une des conditions fondamentales pour qu'il y ait subrogation est la nécessité d'un paiement et que ce paiement soit valide, c'est-à-dire un paiement fait en raison d'une obligation qui découle d'un contrat ou de la loi (art. 1651 C.C.Q.). En l'espèce, la somme versée à Repentigny par le MSP est un paiement valide. Par ailleurs, par la nature même du recours subrogatoire, le gouvernement ne peut avoir plus de droits que la Ville en a elle-même contre les défenderesses, comme le prévoit expressément l'article 1651 alinéa 2 C.C.Q. À cet égard, Repentigny aurait pu exercer un recours direct contre ces dernières, car elle est une victime qui a subi un préjudice résultant logiquement, directement et immédiatement des fautes des défenderesses ayant entraîné leur responsabilité extracontractuelle en vertu de l'article 1457 C.C.Q. Or, le Règlement sur les conditions ou restrictions applicables à l'exercice des pouvoirs de tarification des municipalités n'exonère pas ces dernières de leur responsabilité à l'égard de Repentigny. En conséquence, les défenderesses sont condamnées solidairement à payer à la demanderesse la somme de 494 519 $. Elles pourront toutefois s'adresser au présent tribunal pour faire déterminer leur part respective dans cette condamnation prononcée contre elles.