en bref
La Fédération des caisses Desjardins du Québec a contrevenu à l'article 12 de la Loi sur la protection du consommateur en imposant des frais de conversion à ses titulaires de cartes de crédit qui faisaient des achats en devises étrangères, et ce, sans avoir indiqué ceux-ci dans le contrat de crédit régissant l'utilisation de ces cartes.
La mention des frais de conversion en devises étrangères au verso du relevé mensuel d'une carte de crédit est une clause externe qui doit être expressément portée à la connaissance du consommateur au moment de la formation du contrat pour lui être opposable.
La Fédération des caisses Desjardins du Québec doit rembourser les frais de conversion qu'elle a illégalement facturés aux détenteurs de cartes de crédit alors que ceux-ci n'étaient pas mentionnés dans le contrat de crédit.
Bien que la Fédération des caisses Desjardins du Québec ait contrevenu à l'article 12 de la Loi sur la protection du consommateur en omettant d'indiquer les frais de conversion dans la convention régissant l'utilisation de ses cartes de crédit, sa conduite ne justifie pas l'attribution de dommages punitifs, car elle a mentionné ces frais dans les relevés mensuels des cartes de crédit.
Le paiement par carte de crédit ne relève pas de la compétence fédérale exclusive en matière de lettres de change, et la Loi sur la protection du consommateur s'applique.
Résumé de l'affaire
Pourvoi à l'encontre d'un arrêt de la Cour d'appel du Québec ayant accueilli l'appel d'un jugement de la Cour supérieure. Accueilli en partie.
Les cartes de crédit de Desjardins permettent à leurs titulaires de faire des achats en devises étrangères. Des frais de conversion s'appliquent à ces opérations, c'est-à-dire qu'un pourcentage de la somme convertie est exigé pour ce service de conversion. La Loi sur la protection du consommateur impose différentes règles sur la teneur et la mention des frais et droits dans les contrats de crédit variable. Pendant la période pertinente, les frais de conversion étaient indiqués par Desjardins au verso des relevés mensuels envoyés aux titulaires des cartes de crédit. M., le représentant du groupe, a entrepris un recours collectif contre Desjardins en remboursement des frais de conversion imposés par Desjardins sur les achats par carte de crédit en devises étrangères au motif que ces frais de conversion contrevenaient aux dispositions de la loi. Desjardins soutient que la loi ne s'applique pas à elle en raison de la Loi constitutionnelle de 1867 et qu'elle n'est pas tenue au remboursement des frais de conversion. La Cour supérieure a accueilli le recours collectif et a condamné Desjardins à rembourser les frais de conversion imposés pendant la période visée par le recours collectif à l'égard des demandes qui n'étaient pas prescrites. La Cour d'appel a accueilli l'appel et infirmé l'ordonnance prononcée à l'encontre de Desjardins.
résumé de la Décision
- les juges Rothstein et Wagner: Le paiement par carte de crédit ne relève pas de la compétence fédérale exclusive en matière de lettres de change. Ainsi, l'application de la Loi sur la protection du consommateur aux cartes de crédit émises par Desjardins respecte le partage des compétences, et ni la doctrine de l'exclusivité des compétences ni celle de la prépondérance fédérale ne s'appliquent. Le terme «lettres de change» est un terme consacré autour duquel s'articule tout un régime législatif. Si les effets d'un paiement par carte de crédit peuvent parfois être identiques à ceux d'un paiement par lettre de change, les limites naturelles du texte de l'article 91 (18) de la Loi constitutionnelle de 1867 empêchent une nouvelle interprétation de la disposition qui engloberait les cartes de crédit.
Pour les motifs exprimés dans l'arrêt connexe Banque de Montréal c. Marcotte (C.S. Can., 2014-09-19), 2014 CSC 55, SOQUIJ AZ-51108752, les frais de conversion appartiennent au capital net au sens de la Loi sur la protection du consommateur. Desjardins a contrevenu à l'article 12 de la Loi sur la protection du consommateur en imposant des frais sans les indiquer dans la convention régissant l'utilisation de la carte. La mention des frais de conversion au verso du relevé mensuel constitue une clause externe de l'entente régissant l'utilisation de la carte au sens où il faut l'entendre pour l'application du Code civil du Québec (C.C.Q.). Cette clause n'a pas été expressément portée à la connaissance du consommateur au moment de la formation du contrat comme le veut l'article 1435 C.C.Q. Il est donc impossible que les consommateurs aient eu connaissance de la clause externe faisant état du taux de conversion au moment de la formation de la convention, étant donné que cette clause ne figurait qu'au premier relevé mensuel de carte de crédit: ils ne pouvaient donc en prendre connaissance qu'après avoir utilisé la carte une première fois.
Il convient d'ordonner à Desjardins de rembourser les frais de conversion à titre de sanction pour avoir omis de les indiquer dans la convention régissant l'utilisation de la carte. Toutefois, comme ces frais étaient indiqués dans les relevés mensuels, la prescription n'a été suspendue dans le cas de chaque membre du groupe dans le recours contre Desjardins qu'entre le moment de la formation de son contrat et le moment où il a reçu son premier relevé mensuel. Le renouvellement de la carte n'a eu aucun effet sur la prescription, car aucun nouveau contrat n'est alors formé. Il y a une seule convention-cadre et elle entre en vigueur à la première utilisation de la carte de crédit. En conséquence, les demandes de certains membres du groupe sont prescrites. La preuve au dossier ne permet pas de déterminer le total des frais que Desjardins est tenue de rembourser aux membres du groupe dont les demandes ne sont pas prescrites. Les détails relatifs à la procédure de recouvrement seront réglés par la Cour supérieure.
Enfin, la conduite de Desjardins ne justifie pas l'octroi de dommages-intérêts punitifs. Desjardins a indiqué les frais de conversion dans les relevés mensuels des cartes de crédit. Bien que Desjardins n'ait pas respecté les prescriptions de l'article 12 de la Loi sur la protection du consommateur, la manière avec laquelle elle a mentionné les frais ne constitue pas une conduite marquée au coin de l'insouciance ou de la négligence.